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Après la mort d'Ali-Ibn-Youçof, événement qui eut lieu en l'an 537 (1142-3), l'autorité suprême passa à Tachefin-Ibn-Ali, son fils et successeur désigné. Des deux côtés du détroit l'on s'empressa de reconnaître le nouveau souverain, et cela au moment où les Almohades, devenus formidables, s'acharnaient à lui faire la guerre. Quand Abd-el-Moumen entreprit sa grande expédition dans les montagnes du Maghreb, Tachefin le suivit de près, mais en se tenant dans les plaines, et il arriva ainsi à Tlemcen. Abd-el-Moumen et ses Almohades prirent alors position pour l'assiéger et campèrent auprès de la gorge qui s'ouvre entre les Deux-Rochers (Es-Sakhratein) du Tîrni, montagne qui domine la ville. Un corps de troupes sanhadjiennes commandé par Taher-Ibn-Kebab et envoyé au secours de Tachefîn par Yahya-Ibn-el-Azîz, seigneur de Bougie, se laissa alors entraîner par son ardeur et chargea les Almohades, mais il fut taillé en pièces et perdit son chef. A la suite de ce combat, Tachefîn s'enfuit à Oran, où il avait donné rendez-vous à son amiral, LobIbn-Meimoun, et à la flotte almoravide. Les Almohades se mirent à sa poursuite et pénétrèrent de vive force dans la ville. Oran succomba en l'an 544 (1146-7). Tachefin y perdit la vie, ou, selon un autre récit, il disparut et on ne le vit plus 3. Les

Le texte porte la caverne qui rit.

2 Amiral, en arabe caid ou caid-el-istol (conducteur de la stole ou flotte). Les historiens arabes n'ont point d'autre terme pour désigner le chef d'un armement maritime. Le mot almilend qu'ils emploient en parlant des commandants de flotte chrétienne, est une altération du Inot espagnol almirante.

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3 Plus loin, dans l'histoire du règne d'Abd-el-Moumen, on trouvera quelques détails sur la mort de ce prince. L'auteur du Cartas raconte cet événement de la manière suivante : « Etroitement bloqué dans Oran >> par les Almohades, Tachefin-Ibn-Ali sortit, de nuit, avec sa mohalla (ou corps d'armée) pour surprendre l'ennemi; mais, ayant été ac» cablé par la nombreuse cavalerie et infanterie des assiégeants, il prit » la fuite. A ce moment, il se trouvait sur une colline élevée qui do» minait la mer, et, croyant courir sur un terrain uni, il alla se jeter » dans un précipice vis-à-vis du ribat (citadelle) d'Oran. Le lendemain, » on découvrit son corps sur le bord de la mer et on en détacha la tête » pour l'envoyer à Tînmelel. »

Almohades, devenus maîtres du Maghreb central, y massacrérent les Lemtouniens.

A la mort de Tachefin, son fils Ibrahîm fut proclamé souverain à Maroc, mais la faiblesse et l'incapacité de ce prince amenèrent sa déposition. On lui substitua son oncle Ishac, fils d'Ali et petit-fils de Youçof-Ibn-Tachefin. Ce fut alors que les Almohades arrivèrent sous les murs de la ville après avoir conquis tout le Maghreb. Le nouveau souverain, accompagné de ses favoris et de sa famille, alla se présenter devant Abd-el-Moumen, mais les Almohades les tuèrent tous sous les yeux du vainqueur 9.

En l'an 551 (1156), Abd-el-Moumen passa en Espagne avec les Almohades et se rendit maître de ce pays. De tous côtés la mort enveloppa les Lemtouna, et, avec eux, succombèrent leurs émirs; mais une bande de fuyards réussit à se jeter dans les îles orientales: Maïorque, Minorque et Ivîça. Plus tard, ces réfugiés quittèrent lenr asile et allèrent fonder un nouvel empire dans la province de l'Ifrîkïa.

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HISTOIRE DE L'EMPIRE FONDÉ A CABES ET A TRIPOLI PAR IBN-GHANĴA, DERNIER REPRÉSENTANT DE LA MONARCHIE ALMORAVIDE. RÉCIT DES EXPÉDITIONS QU'IL ENTREPRIT, DE CONCERT AVEC CARACOCHEL-GHOZZI, CONTRE LES ALMOHADES 3.

Les Almoravides reconnaissaient, d'abord, aux Guedala, une des tribus à litham, le droit de leur commander; mais, après la mort de Yahya-Ibn-Ibrahîm, ils rejetèrent l'autorité de leur chef spirituel, Abd-Allah-Ibn-Yacîn [et brisèrent ainsi la confédéra

Dans le tableau des souverains almoravides, t. 1, p. xxxi, 1. 43, il faut lire Ibrahim-Ibn-Tachefin, et, ensuite, Ishac, fils d'Ali, etc.

Pour d'autres détails sur la dynastie des Almoravides, on peut consulter le Cartas.

3 Plus loin, dans l'histoire des Almohades, règne du sultan Yacoubel-Mansour, l'auteur donne une seconde version des aventures d'IbnGhania. Il aborde encore le même sujet dans sa notice sur les Hafsides.

tion qui les avait réunis en seul corps]. Ce docteur passa chez les Lemtouna, renonçant à la mission qu'il avait essayé de remplir, et embrassa la vie ascétique, ainsi que nous l'avons déjà dit'. Yahya-Ibn-Omar et son frère Abou-Bekr, descendants d'Ourtantac et membres de la famille qui gouvernait les Lemtouna, répondirent à l'appel qu'Ibn-Yacîn leur adressa et entrainèrent dans le chemin de la dévotion une grande partie de leur tribu. Sous la conduite de ce chef, les néophites firent la guerre aux autres peuples à litham, après avoir rallié à la cause almoravide une grande partie des Messoufa.

La conversion de cette tribu lui ouvrit le chemin à la prééminence qu'elle atteignit plus tard sous la dynastie almoravide. Ali-Ibn-Youçof-el-Messoufi, un de leurs chefs les plus braves et les plus influents, occupa, pour cette raison, une haute position à la cour de Youçof - Ibn - Tachefin; mais, ayant tué un chef lemtounide à la suite d'une dispute, il fut obligé de s'enfuir dans le Désert, après avoir allumé, par cet acte de violence, une guerre entre les Messoufa et les Lemtouna. Quelques années plus tard, il lui fut permis de rentrer au sein de sa tribu, Youçof-IbnTachefin l'ayant délivré de tout danger en acquittant le prix du sang répandu.

Ce monarque donna alors en mariage à son protégé une de ses parentes nommée Ghanîa, et remplit ainsi un engagement qu'il avait pris envers le père de cette femme.

Mohammed et Yahya, les fruits de cette alliance, furent élevés sous les yeux de Youçof-Ibn-Tachefîn. Ali, fils et successeur de Youçof, leur tenant compte des liens qui les attachaient à sa famille, établit Yahya à Cordoue en qualité de gouverneur de l'Espagne occidentale, et donna à Mohammed le gouvernement des îles baléares. Ces nominations eurent lieu en 520 (1126). Peu de temps après, l'empire almoravide s'écroula, et l'Espagne envoya ses députations et ses hommages à Abd-el-Moumen. Ce monarque fit reconduire les agens espagnols par Abou-IshacBerran-Ibn-Mohammed le masmoudien, puissant chef almohade

Voy. page 68 de ce volume.

auquel il avait confié la tâche de faire la guerre aux Lemtouna. Berran ayant pris possession de Séville, somma Yahya, fils d'Ali et de Ghanîa, à faire sa soumission et l'obligea à échanger Cordoue contre Jaen et El-Calà [Alcala de Guadeira, près de Séville]. Il marcha ensuite sur Grenade afin d'en éloigner les Lemtouna et de les contraindre à reconnaître la souveraineté des Almohades. Il mourut dans cette ville, l'an 543 (4148-9) et fut enterré dans le château bâti par Badîs (Casr-Badis) '.

Quant à Mohammed, l'autre fils d'Ali [et de Ghanîa], il garda le commandement des Baléares jusqu'à sa mort. Son fils AbdAllah lui succéda, et Ishac, un autre de ses fils, recueillit l'autorité après la mort de son frère. Selon un autre récit, Ishac, jaloux de la préférence que son père témoignait pour Abd-Allah, les fit assassiner tous les deux et s'empara du pouvoir. Il mourut sur le trône en 580 (1184-5), et laissa huit fils, savoir: Mohammed, Ali, Yahya, Abd-Allah, El-Ghazi, Sir, El-Mansour et Djobara.

Mohammed succéda à son père, et ayant appris, l'année même de son avénement, que Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, était débarqué en Espagne, il jugea prudent de reconnaître l'autorité de ce monarque et de lui envoyer sa soumission. L'arrivée d'AliIbn-ez-Zoborteir à Maïorque, chargé par Youçof de mettre à l'épreuve la sincérité du chef almoravide, remplit d'indignation les frères de Mohammed; ils enlevèrent sur-le-champ le pouvoir à leur aîné et lui donnèrent pour successeur leur frère Ali. Comme Ibn-ez-Zoborteir voulut alors s'embarquer pour aller rejoindre son maître, ils y mirent obstacle; puis, ayant reçu la nouvelle de la mort du khalife, Youçof-el-Achéri 3, tué à la bataille d'Arcos, et de l'avènement de son fils Yacoub, ils jetèrent l'agent almohade dans le fond d'une prison.

Ali-Ibn-Ishac, le nouveau gouverneur, confia l'administration

Voy, ci-dessus, p. 63.

2 Variantes: Er-Robertin, Er-Robortir, Ez-Zebertin.

3 Ei-Acheri signifie le decemviral. Ce titre appartenait exclusivement aux enfants des dix principaux disciples du Mehdi.

de Maïorque à son oncle, Abou-'z -Zobeir, et ayant équipé une escadre de trente-deux navires, il mit à la voile et emmena ses frères Yahya, Abd-Allah et El-Ghazi. Arrivés devant Bougie dans le mois de Safer 584 (mai 1485), ils s'emparèrent de la ville sans coup férir, les habitants ne s'étant nullement attendus à leur arrivée. Le cîd Abou-'r-Rebiâ, fils d'Abd-Allah et petitfils d'Abd-el-Moumen, qui commandait alors à Bougie, était absent au moment de l'invasion, ayaut fait une excursion à Aïmiloul. Aussitôt débarqués, les fils de Ghanîa arrêtèrent le cîd Abou-Mouça, fils d'Abd-el-Moumen, qui se rendait de l'Ifrîkïa en Maghreb, et ils enlevèrent toutes les richesses qui se trouvaient dans les maisons appartenant aux cîds et aux Almohades. Le [cîd,] gouverneur de la Calâ [-Beni-Hammad], qui se rendait en ce moment à Maroc, apprit à Metîdja, ce qui venait de se passer à Bougie et revint sur ses pas afin de porter secours au cîd Abou-'r-Rebiâ. Ali [-Ibn-Ishac] - Ibn - Ghanîa marcha contre eux, mit leur armée en déroute et s'empara de leur camp et de leurs trésors. Les deux chefs almohades parvinrent à atteindre Tlemcen où ils s'arrêtèrent chez le cîd Abou-'l-Hacen, fils d'Abou-Hafs et petit-fils d'Abd-el-Moumen. Ce prince travailla sur-le-champ à restaurer les fortifications de sa ville, pendant que les deux cids [Abou-'r-Rebià et le gouverneur de la Cala] y attendaient la revanche qu'ils espéraient prendre avec

son secours.

Ibn-Ghaniâ se mit alors à butiner, et ayant distribué les fruits de ses rapines à une foule d'Arabes et d'autres bandits, il marcha avec eux sur Alger. S'étant emparé de cette ville, il y laissa Yahya-Ibn-Akhi-Talha en qualité de gouverneur, et ayant ensuite pris Mouzaïa, il poussa en avant jusqu'à Milîana. Après avoir placé cette ville sous le commandement de Yedder-IbnAïcha, il se dirigea contre El-Calâ [Calâ-Beni-Hammad] et l'em

1 Cid est la prononciation vulgaire du mot séïyid (chef, seigneur). Sous les Almohades, on donnait ce titre aux princes de la famille royale, descendants d'Abd-el-Moumen.

Le texte arabe porte Mazouna, leçon que la position géographique des lieux rend inadmissible.

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