famille des Mohenna, émirs de Médine. Parlant des Habib, branche du Mohenna, il dit : « Au nombre des descendants >> d'Ismaïl l'imam, on compte les Habib, enfants de Mohammed, >> fils de Djafer, fils de Mohammed, fils d'Ismaïl; de cette famille >> est la souche d'une dynastie de khalifes, sur lesquels soit le >> salut! » On voit, par ce passage, qu'El-Djouali regardait les Fatemides-obeidites comme descendants de Mohammed-el-Habib. On ne doit tenir aucun compte des attaques dirigées contre cette généalogie par les gens de Cairouan et d'autres lieux ; on ne doit, non plus, faire aucun cas de la déclaration dressée à Baghdad, sous le khalifat d'El-Cader, écrit dans lequel on contestait les titres des Obeidites à une origine aussi illustre et auquel on décida plusieurs docteurs très-éminents à souscrire leurs noms. [Tout cela ne peut avoir aucune autorité] puisque la lettre par laquelle El-Motaded invita [Ziadet-Allah]-Ibn-elAghleb, seigneur de Cairouan, et [Elîça-] Ibn-Midrar, prince de Sidjilmessa, à se saisir d'Obeid-Allah, qui venait de passer dans le Maghreb, est en elle-même une preuve qui confirme les prétentions des Obeidites [Fatemides] 3. D'ailleurs, les poésies du cherif Er-Rida sont positives à cet égard 3, et il ne faut pas oublier que les individus dont les signatures furent apposées à la déclaration dressée à Baghdad, n'y témoignèrent que par ouïdire, et l'on sait ce que cela vaut. Nous pouvons ajouter que la généalogie des Fatemides avait déjà subi, à Baghdad, depuis cent ans, les attaques des Abbacides, et que l'opinion publique s'y était formée sur celle de la cour. Aussi, un témoignage d'ouïdire, témoignage purement négatif, fut tout ce qu'on put opposer à cette généalogie, et cela à une époque où l'état seul des choses offrait la preuve la plus évidente du contraire, puisqu'on reconnaissait l'autorité des Fatemides en plusieurs endroits et même à la Mecque et à Médine. Quant à ceux qui font descendre cette famille d'un juif ou d'un chrétien, qui lui assignent Meimoun-elCaddah ou tel autre pour aïeul, nous dirons que cela seul suffit pour prouver la perversité et l'insamie de ces gens-là 4. * On a déjà vu, t. 1, p. 32, et t. 1, p. 20, que sous le règne d'ElMoëzz le zîride, la population de Cairouan répudia la doctrine et l'autorité des Fatemides pour reconnaître la suprématie des Abbacides. 2 La description topographique du Caire, par El-Macrizi, renferme un chapitre qui rend plus clairement la pensée d'Ibn-Khaldoun. L'auteur égyptien prétend que si El-Motaded eût considéré Obeid-Allah comme un imposteur, il ne se serait pas donné tant de peine pour le faire arrêter. On peut voir la traduction de tout ce passage d'El-Macrizi dans les Druzes de M. de Sacy, t. 1, p. ccL, et dans la Chrestomathie du même orientaliste, t. 1, p. 90 de la deuxième édition. Il faudrait des raisonnements plus concluants que ceux d'El-Macrîzi pour justifier les prétentions des Obéidites. 3 Il ne faut pas confondre le Cherif Mohammed-er-Rida, mort en 406 de l'hégire, avec son parent, l'imam Ali-er-Rida. Ibn-el-Athir nous apprend qu'on n'osa pas insérer ces poèmes dans le recueil des pièces composées par le Cherîf, et il en cite un passage dans lequel ce poète reconnaît, d'une manière positive, que les Fatemides de l'Egypte appartenaient à la famille d'Ali, gendre de Mahomet. Les Obeidites [ou Fatemides] s'acquirent des partisans en Orient, dans le Yémen et en Ifrîkïa. La première manifestation faite en Afrique par cette famille fut l'arrivée des missionnaires El-Holouani et Abou-Sofyan. Djafer-es-Sadec les y avait envoyés, disant que le Maghreb était un sol inculte qu'ils devaient défricher en attendant la venue de l'hommé chargé de l'ensemencer. L'un de ces agents s'établit à Mermadjenna et l'autre à Souc-Djemar, localités du pays des Ketama. Dès-lors, l'appel [en faveur de l'imam] se fit entendre dans toute cette contrée. Voy., à ce sujet, l'article d'El-Macrizi dans la Chrestomathie de M. de Sacy, t. 11, p. 88 et suiv., ainsi que le chapitre sur l'origine des Fatemides que cet illustre orientaliste a inséré dans son Histoire des Druzes. Il est à regretter que, dans ce même chapitre, les noms de tribus et de localités ne soient pas toujours exacts; on y lit, par exemple, Modmadjinna, à la place de Mermadjenna; Beni-Soleiman, à la place de Beni-Sekyan; Bacarma, pour Belezma; Bandjas, pour Tidjes; Elaris, pour Laribus; Maskanaya, pour Meskiana, etc. Ces fautes proviennent de l'incorrection des manuscrits dont M. de Sacy s'était servi. • Le manuscrit d'En-Noweiri porte Souc-Himar. Il faut probablement changer la position d'un point et lire Souf-Djemar. Le premier mot de ce nom composé signifie rivière en langue berbère, le second est arabe et signifie gravier. C'est l'équivalent de Ouadi-'r-Reml (rivière de sable), le Oued-Rommel qui coule au pied de la ville de Mohammed-el-Habib se tenait à Selemïa, dans le territoire d'Emesse et y recevait les visites de ses partisans chaque fois qu'ils se rendaient en pèlerinage au tombeau d'El-Hocein [le troisième imam]. Mohammed-Ibn-el-Fadl, étant arrivé d'AdenLaa, pour avoir une entrevue avec lui, fut renvoyé en Yémen avec Rostem-Ibn-el-Hocein-Ibn-Haucheb 4, afin d'y faire ouvertement un appel au peuple et de lui annoncer que le Mehdi allait paraître. Eu l'an 268 (881-2), les voyageurs partirent d'ElCadicïa et, étant arrivés à Aden-Laa, vers l'époque où Mohammed-Ibn-Yafor avait abdiqué le pouvoir, ils s'arrêtèrent chez les Beni-Mouça, partisans de leur imam, et proclamèrent le Mehdi de la famille de Mahomet. Ibn-Haucheb se rendit maître de presque tout le Yémen, et, après avoir pris le surnom d'ElMansour (le victorieux), il construisit une forteresse sur la montagne de Laa et enleva Sanâ aux Beni-Yafor. La mission dont il s'était chargé fut couronnée de succès, et ses émissaires se répandirent dans le Yèmen, Yémana, Bahrein, le Sind, l'Inde, l'Egypte et le Maghreb. Un autre missionnaire de Mohammed-el-Habib se nommait Abou-Abd-Allah-el-Hocein-Ibn-Mohammed-Ibn-Zékérïa. On le désignait aussi par le titre d'El-Mohteceb (magistrat de police), parce qu'il avait remplit les fonctions de cette office à Basra. Quelques personnes disent que ce fut Abou-'l-Abbas-el-Mektoum, frère d'Abou-Abd-Allah, auquel on donnait ce titre. Abou-Abd-Allah s'était acquis le titre d'El-Moallem (le précepteur), parce qu'il avait d'abord enseigné les doctrines des Imamiens [duodécemains]. Mohammed-el-Habib, auquel il s'attacha, reconnut en lui un homme fait pour le seconder, et l'envoya en Yémen afin de prendre les instructions d'Ibn-Haucheb et d'aller ensuite établir une mission chez les Ketama. Ahou-Abd-Allah étudia avec assiduité sous Ibn-Haucheb, et, après avoir assisté aux séances de ce maître et appris tout ce qu'il devait savoir, il se rendit à la Mecque avec les pèlerins du Yémen. Dans cette ville il rencontra plusieurs notables de la tribu de Ketama et se fit donner de nouvelles instructions par El-Holouani et IbnBekkar. Parmi les Ketamiens qui étaient venus en caravane pour assister au pèlerinage, il fit la connaissance de Mouça-Ibn-Horeth, chef des Sekyan, branche de la tribu de Djemfla [ou Djîmela], Masoud-Ibn-Eïça-Ibn-Mellal, de la tribu de Messalta, MouçaIbn-Tekad et Abou-'l-Cacem-el-Ourfeddjoumi, confédéré des Ketama. Après avoir gagné leur amitié, il se mit à les entretenir des doctrines professées par les Chiites et, comme il montra une piété extrême et une grande abnégation de soi-même, il fit sur leurs esprits une profonde impression. Les fréquentes visites qu'il rendit à ces chefs, dans leur camp, furent aussi agréables pour lui que pour eux. Quand ils se disposèrent à partir pour leur pays, ils l'invitèrent à les y accompagner; mais lui, qui tenait à cacher ses véritables projets, n'y donna son consentement qu'après avoir pris d'eux des renseignements sur leur peuple, leurs tribus, leur pays et le prince qui y gouvernait. Ils lui apprirent alors qu'ils n'obéissaient au sultan que par complaisance; déclaration qui lui fit espérer un succès facile. Parvenus en Maghreb, ils évitèrent de passer par Cairouan et se dirigèrent, par le chemin du Désert, vers Soumana, ville où ils trouvèrent Mohammed - Ibn-Hamdoun-Ibn - Semmak, andalousien qui était allé s'y fixer, après avoir fait la connaissance et reçu les instructions d'El-Holouani. Cet émissaire accueillit AbouAbd-Allah chez lui, et, à la suite d'un entretien qu'ils eurent Constantine. L'on sait, du reste, que Léon l'Africain donne à la rivière de Constantine le nom de Sufgemare (Souf-Djemar). Ci-devant, p. 505, ce personnage est nommé Abou-'l-Cacem-el Hoceio. * Les historiens donnent ordinairement à ce personnage le nom d'Abou-Abd-Allah-es-Chiï. • Ces midjlès, ou séances, étaient des réunions qui avaient lieu à certains jours, et où le daï suprême lisait aux initiés des écrits ou sermons qui avaient d'abord reçu l'approbation de l'imam, et dans lesquels les doctrines particulières de la secte étaient enseignées et développées. - (Note de M. de Sacy; Druzes, t. 1, p. CCLXXIV de l'Introduction.) • Peut-être Soumata, village du Djerîd tunisien. Un manuscrit d'EnNoweiri porte effectivement cette leçon. ensemble, il découvrit que son hôte était le missionnaire qu'on attendait. Les voyageurs s'étant alors remis en route accompagnés d'Ibn-Hamdoun, arrivèrent dans le pays des Ketama, en l'an 280 (893) 4. Ils s'arrêtèrent à Ikdjan, ville située dans le territoire des Beni-Sekyan, branche de la tribu de Djemîla. MouçaIbn-Horeith, chef de l'endroit, leur assigna un logement à Feddjel-Akhyar (le ravin des gens de bien), se conformant ainsi à une déclaration faite par le Mehdi et dont il eut connaissance. Cet imam avait annoncé qu'il serait lui-même obligé d'abandonner son pays, qu'il aurait pour défenseurs les gens de bien de son époque et que leur nom serait un dérivé de la racine du verbe ketem (cacher) 5. Une foule de Ketamiens se joignit à AbouAbd-Allah; leurs docteurs eurent des conférences avec lui et devinrent ses amis dévoués. Alors il leur déclara que l'imamat appartenait à un membre de la famille [de Mahomet], et il les invita à soutenir la cause de l'agréé (er-rida). Les Ketamiens, en grand nombre, embrassèrent les doctrines du missionnaire, auquel ils donnèrent les noms d'Abou-Abd-Allah-es-Chii et d'El-Machreki (l'oriental). L'émir de l'Ifrikïa, Ibrahim-Ibn-Ahmed l'aghlebide, apprit les manœuvres d'Abou-Abd-Allah et lui envoya une lettre menaçante, à laquelle il reçut une réponse conçue en des termes outrageants. Alors ses préfets, tels que Mouça-Ibn-Aïach, gouverneur d'El-Mecila, Ali-Ibn-Hafs-Ibn-Asloudja, gouverneur 4 Le manuscrit d'Ibn-Khaldoun porte 288; je suis l'autorité d'Ibn el-Athir, d'En-Noweiri et de l'auteur du Baïan; mais je dois faire observer qu'El-Macrîzi donne la même date que notre auteur. • La tribu de Djimela ou Djemila a donné son nom aux ruines romaines qui se voient à six lieues E. N. E. de Setif. • Cette localité doit être cherchée entre Djemila, Setif et Mila. + Le texte arabe porte : « que le Mehdi aurait une hégire et que les gens de bien seraient ses ansars. C'est-à-dire : que son sort serait analogue à celui de Mahomet qui émigra (hedjer) de la Mecque et trouva des défenseurs (ansar) à Médine. * Les Arabes font dériver le mot Ketama de Kitman, nom d'action du verbe ketem. • Ces deux pièces sont rapportées par En-Noweiri. |