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Itouweft et les Beni-Ghomert, tribus zenatiennes, et par presque tous ses autres partisans, Hammad dut s'enfuir jusqu'au ChelifBeni-Quatîl. Badîs occupa alors la ville d'Achîr et poursuivit son oncle jusqu'au plateau du Seressou, dans le territoire des Zenata. S'étant arrêté au Ouadi-'t-Tîn 1, il rallia sous ses drapeaux les Beni-Toudjîn et leur chef Atïa-lbn-Dafliten, lequel avait à venger la mort de son père, tué par Hammad. Yedder, fils de Locman-Ibn-el-Motezz, suivit l'exemple de son cousin Atïa, et Badîs, se voyant alors en état de combattre son adversaire avec l'avantage du nombre, récompensa largement les deux chefs. Traversant alors le Chelif, il rangea son armée en ordre de bataille, et, aussitôt, la plus grande partie des troupes de Hammad passa de son côté. Hammad se jeta dans la Calà où il fut investi par Badîs, qui l'avait suivi de près et qui venait maintenant de camper dans la plaine d'El-Mecîla. Pendant qu'on pressait le siége, Badîs mourut subitement, dans sa tente, où il était à dormir, au milieu de ses compagnons. Cet événement eut lieu vers la fin de l'an 406 (juin 1016). Alors les Sanhadja reconnurent pour souverain El-Moëzz, fils de Badîs, qui n'avait alors que huit ans, et voulant mettre Achîr à l'abri d'insulte, ils y envoyèrent Kerama, fils d'El-Mansour, pour y tenir garnison. Ce général ne put cependant empêcher Hammad de lui enlever la ville. Le corps de Badîs fut placé dans un cercueil et transporté à Cairouan, où on l'enterra dans le cimetière de la famille Ziri. Ensuite on procéda à l'inauguration publique d'El-Moëzz. Ce jeune prince marcha, peu de temps après, contre Hammad, l'atteignit à Baghaïa et mit son armée en déroute. Réduit alors à une position qui lui inspira de vives inquiétudes, Hammad permit à son fils, El-Caïd, d'aller à Cairouan et de solliciter une suspension d'hostilités. En l'an 408 (1017-8), El-Caïd y arriva, porteur d'un riche présent pour El-Moëzz, et après avoir négocié un traité de paix, il alla rejoindre son père. La mort de Hammad eut lieu en 419 (1028).

1 Variante: Oualtin.

2 Variante. Daflin.

Règne d'El-Caïd, fils de Hammad. El-Caïd monta sur le trône aussitôt après la mort de son père, et se fit redouter à cause de son caractère altier. Youçof, un de ses frères, fut nommé, par lui, gouverneur du Maghreb, et Ouìghlan [un autre de ses frères] reçut le commandement de Hamza, ville fondée par Hamza-Ibn-Idrîs. En l'an 430 (1038-9), Hammama, fils de ZîriIbn-Atïa, prince maghraouien qui régnait à Fez, marcha contre El-Caïd, qui, de son côté, se porta au-devant de l'ennemi et fit passer secrètement de fortes sommes d'argent aux troupes zenatiennes. Hammama, s'en étant aperçu, demanda la paix, fit sa soumission et rentra à Fez. En 434, El-Caïd conclut une paix avec El-Moëzz, qui était sorti de Cairouan pour lui faire la guerre et qui l'avait tenu assiégé pendant un temps considérable. Il repartit alors [de la Calâ] pour faire le siége d'Achir. Quand ElMoëzz-Ibn-Badis répudia l'autorité des Fatemides, El-Caïd reconnut de nouveau la souveraineté de cette dynastie et en obtint, comme récompense, le titre de Chéref-ed-Dola (noblesse de l'empire). Il mourut en 446 (1054-5).

Règne de Mohcen, fils d'El-Caïd. - Mohcen, successeur d'El-Caïd, fut, comme lui, un prince hautain et sévère. Ayant appris que son oncle Youçof s'était jeté dans le Maghreb pour y lever l'étendard de la révolte, il fit mourir tous les autres fils de Hammad et ordonna à son cousin Bologguin, fils de MohammedIbn-Hammad, d'aller étouffer cette insurrection. Il lui adjoignit deux chefs arabes, Khalifa-Ibn-Megguen et Atïa-t-es-Cherîf, auxquels il avait recommandé secrètement de faire mourir leur général quand ils seraient en marche. Au lieu de se conformer à cet ordre, ils en instruisirent Bologguîn et prirent avec lui l'engagement de tuer le tyran. Averti de leur dessein, Mohcen s'enfuit vers la Calà, mais il tomba entre les mains de Bologguîn qui lui ôta la vie. Le règne de Mohcen avait duré neuf mois.

Règne de Bologguin, fils de Mohammed. - Ce fut en l'an 447 (1055-6) que Bologguîn s'empara du pouvoir suprême. A un esprit vif il réunissait beaucoup de courage et de fermeté; mais

il aimait à répandre le sang. Le vizir de son prédécesseur mourut par son ordre, et le même sort frappa Djâfer-Ibn-Abi-Romman, commandant de Biskera, dont il soupçonnait la fidélité. A la suite de cette exécution, le peuple de Biskera se révolta, comme nous le raconterons ailleurs. Plus tard, il fit mourir sa cousine Tanmîrt, fille d'Alennas-Ibn-Hammad, qu'il soupçonnait d'avoir causé la mort de son mari Mocatel, fils de Mohammed et frère de Bologguin. En-Nacer, le frère de Tanmîrt, apprit cet événement avec indignation, mais il dissimula son ressentiment. Bologguîn entreprit plusieurs expéditions contre le Maghreb. Ayant su que les Almoravides, commandés par Youçof-Ibn-Tachefîn, avaient dompté les populations masmoudiennes, il marcha contre eux, l'an 454 (1062), et les rejeta dans le Désert. Il pénétra alors jusqu'au fond du Maghreb, et ayant passé quelque temps à Fez, il en emmena les principaux habitants comme otages et prit la route d'El-Calà. Son cousin En-Nacer trouva alors une occasion favorable pour venger la mort de sa sœur, après avoir gagné l'appui des Sanhadja que tant d'expéditions dans des pays lointains et hostiles avaient indisposés, il tua Bologguîn à Teçala, en l'an 454.

Règne d'En-Nacer, fils d'Alennas.-En-Nacer, successeur de Bologguîn, prit pour vizir Abou-Bekr-Ibn-el-Fotouh, et donna le gouvernement du Maghreb à son frère Kebab-Ibn-Alennas, qu'il établit dans Milîana. Il confia à son frère Romman le gouvernement du Hamza, et à Khazer, un autre de ses frères, celui de Nigaous. El-Moëzz avait détruit les murs de cette dernière ville, mais En-Nacer les releva. Son frère Belbar reçut de lui le gouvernement de Constantine; son fils Youçof, celui d'Achîr, et son autre fils, Abd-Allah, celui d'Alger et de Mersa-'d-Deddjadj. Hammou-Ibn-Melil-el-Berghouati lui écrivit de Sfax une lettre de soumission, qu'il fit accompagner d'un riche présent. Les habitants de Castilïa reconnurent alors l'autorité du souverain hammadite; aussi, leur envoyé, Yahya-Ibn-Ouatas, et les membres de la députation dont il faisait partie, rentrèrent chez eux comblés de dons. En les congédiant, En-Nacer leur assigna un gouverneur sanhadjite nommé Youçof-Ibn-Khalouf. Le peuple de Cai

rouan et celui de Tunis firent aussi leur soumission. Comme les habitants de Biskera s'étaient déclarés indépendants à l'époque où Bologguîn avait mis à mort leur chef Djâfer-Ibn-Abi-Romman, et qu'on ne reconnaissait plus aucune autre autorité dans cette ville que celle des fils de Djâfer, En-Nacer fit marcher contre eux Khalef-Ibn-Abi-Haidera, l'ancien vizir de Bologguîn et maintenant le sien. Cet officier enleva Biskera d'assaut et ramena à la Calâ les fils de Djâfer et plusieurs notables de la ville. Tous ces prisonniers furent exécutés et mis en croix par l'ordre d'En-Nacer, qui, plus tard, fit mourir Khalef lui-même. D'après la déclaration de plusieurs chefs sanhadjiens, Khalef avait eu l'intention, lors de la mort de Bologguîn, de mettre sur le trône Mâmer, frère de Bologguîn, et il s'était adressé à eux pour avoir leur avis à ce sujet. Cette accusation lui coûta la vie. Ahmed, fils de DjâferIbn-Afleh, succéda au vizirat. En-Nacer s'étant ensuite mis en campagne pour parcourir le Maghreb, laissa Tacarboust1, le siége de son empire, tellement exposé qu'Ali-Ibn-Regan s'en empara dans une attaque de nuit. Lors de la mort de Bologguîn, ce chef s'était réfugié auprès des Adjîça, ses oncles maternels. En-Nacer revint en toute háte à El-Mecîla2 et prit les insurgés tellement au dépourvu qu'ils s'abandonnèrent au désespoir et laissèrent enlever la forteresse d'assaut. A la suite de cette échauffourée, Ali-Ibn-Regan se donna la mort.

Une guerre ayant ensuite éclaté entre les Arabes hilaliens, une députation de cheikhs athbedjites vint demander le secours d'En-Nacer contre les Rîah. Ce prince se rendit à leur prière, partit pour les soutenir avec ses troupes sanhadjiennes et zenatiennes, occupa Laribus et livra bataille à l'ennemi aux environs de Sebîba. Aussitôt que le combat fut engagé, les Zenata, séduits par les menées d'El-Moëzz-Ibn-Zîri-Ibn-Atïa et de Temîm-Ibn-el-Moëzz, reculèrent en désordre et amenèrent, par leur défection, la défaite des Sanhadja. En-Nacer courut se réfu

Voy. Taferboust dans l'index géographique, t. 1.

Dans le texte arabe, il faut lire ila-'l-Mecila, bien que cette correction ne soit pas autorisée par les manuscrits.

gier avec ses partisans dans Constantine, d'où il ramena à la Calâ environ deux cents hommes, les débris de son armée1. Son frère, El-Cacem, et son secrétaire perdirent la vie dans cette bataille; ses tentes et ses trésors restèrent au pouvoir des vainqueurs. Il chargea aussitôt son vizir Ibn-Abi-'l-Fotouh d'aller négocier un traité de paix, et il ne tarda pas à le ratifier.

Après avoir essuyé ce revers, il ôta la vie à Ibn-Abi-'l-Fotouh, par suite des perfides insinuations d'un agent envoyé par Temîm, fils d'El-Moëzz, qui lui avait donné à entendre que ce vizir travaillait pour les intérêts du prince badicide.

A l'époque des conflits qui eurent lieu au Caire entre les [troupes nègres et les] turcs [soutenus par] les Maghrebins 2, El-Montacer-Ibn-Khazroun, chef zenatien, se rendit à Tripoli, il trouva dans cette province les Beni-Adi, population que les Athbedj et les Zoghba avaient expulsée de l'Ifrîkïa, et les entraîna à entreprendre la conquête du Maghreb. S'étant mis en marche avec eux, il occupa El-Mecîla et Achîr; ensuite, il se jeta dans le Désert pour éviter la poursuite d'En-Nacer et, quelque temps après, il reprit sa carrière de brigandage. En-Nacer essaya de l'amener à un accomodement et il obtint la paix en cédant à cet aventurier les campagnes du Zâb et du Rîgha. Il avait toutefois eu la précaution d'avertir son agent Arous-Ibn-Sindi, gouverneur de Biskera, qu'il fallait tendre un piége au chef maghraouien. Quand El-Montacer approcha, avec sa suite, Arous alla au devant de lui et le conduisit dans la ville avec de grandes

Dans le passage qui précède celui-ci et dans le passage correspondant du Tome 1, p. 45, notre auteur a commis une erreur qu'il importe de relever. El-Moëzz-Ibn-Ziri-Ibn-Atia mourut en l'an 447, et nous savous par le Baïan que la bataille dont il est question ici eut lieu en 457 (1065). Ce fut El-Moannecer qui commandait alors aux Maghraoua. Selon le Cartas, Moannecer était fils de Ziri-Ibn-Atïa.

* En l'an 468, le corps de Turcs mamlouks, au service d'El-Mostancer, livra plusieurs combats à la troupe de nègres appartenant au même khalife. Les Ketamiens se mirent du côté des Turcs et, dans un de ces conflits, ils tuèrent quarante mille de leurs adversaires. (Mémoires sur l'Egypte de M. Quatremère, t. 1, p. 356.- Ibn-Khaldoun, manusc. no 2402, fol. 27.)

T. II.

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