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proclamer chef de l'empire. C'est ainsi qu'ils avaient agi envers l'émir Abou-Ishac, comme on l'a déjà vu, et, ensuite, envers Abou-'l-Cacem, fils d'Abou-Zeid.

Le sultan se décida, enfin, à châtier ces fauteurs de troubles, et, en l'an 664 (4 265-6), il pénétra chez eux et occupa leurs pays. Les insurgés passèrent dans le Désert et, de cette retraite éloignée, ils envoyèrent au gouvernement hafside l'assurance, peu sincère, de leur soumission. Le sultan en parut très-satisfait; mais il dissimula ses véritables sentiments et partit pour Tunis. Abou-Hilal-Eïad, cheikh almohade et gouverneur de Bougie, reçut alors l'ordre d'employer ses efforts afin d'inspirer de la confiance aux chefs réfractaires et de les décider à se rendre en députation auprès du sultan; mais il lui fut expressément recommandé de ne prendre aucun engagement avec eux. Secondé par ses alliés, les Kaoub soleimides, les Debbab et plusieurs fractions de la grande tribu de Hilal, le sultan quitta Tunis, l'an 666 (1267-8), à la tête des troupes almohades et de ses corps de milice. Les Beni-Açaker-Ibn-Soltan, frères des BeniMasoud-Ibn-Soltan, étant venus au-devant de lui, il nomma Mehdi-Ibn-Açaker chef des Douaouida et de toutes les autres branches de la tribu de Rîah. Les Beni-Masoud-Ibn-Soltan s'enfuirent dans le Désert et, lorsque le sultan, qui s'était mis à leur poursuite, alla camper à Nigaous, ils occupèrent les défilés qui conduisent dans le Zab. Sur ces entrefaites, leurs envoyés. avaient continué à se rendre auprès d'Abou-Hilal, dans l'espoir de faire agréer, par sa médiation, le même simulacre de soumission qu'ils avaient toujours montré envers l'empire. Ce fourtionnaire leur conseilla d'expédier une députation au sultan, et il vit avec plaisir sa proposition accueillie et son but atteint. Dans le nombre de ces envoyés se trouvèrent Chibl-IbnMouça, émir de la tribu, son frère Yahya, leurs cousins', Seba-Ibn-Yahya-Ibn-Doreid, le fils de Sebâ, Talha-Ibn-Mei

1 On lit, de plus, dans le texte et dans les manuscrits Zeid-Ibn-Masoud. A la place de Zeid, il faut mettre Doreid. 1. 1, p. 74.

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moun - Ibn-Doreid, Haddad - Ibn- Moulahem - Ibn KhanferIbn-Masoud et un frère de Haddad. Aussitôt que le sultan vit ces chefs paraître devant lui, il les fit arrêter ainsi qu'un cheikh des Kerfa nommé Doreid-Ibn-Tazir. A l'instant même, leurs bagages furent livrés au pillage, leurs têtes tranchées et leurs cadavres dressés sur des pieux. Cette exécution eut lieu à Zeraïa, à l'endroit même où ils avaient proclamé la souveraineté d'Abou'l-Cacem [et d'Abou-Ishae]. Par l'ordre du sultan, on porta les têtes de ces chefs à Biskera pour y être exposées.

Après ce coup de vigueur, le sultan se porta rapidement vers les défilés du Zab où les tribus réfractaires avaient fait halte et, au point du jour, il tomba sur leur camp. Elles prirent aussitôt la fuite, laissant leurs bagages, leurs bêtes de somme et leurs tentes comme une proie à l'armée et à la tribu de Sedouikich qui était venue prendre part à cette expédition. Les fuyards furent vivement poursuivis; mais ils réussirent à emmener leurs femmes et leurs enfants à dos de chameaux et à traverser le Cheddi, fleuve qui passe au midi du Zab.

Le Cheddi prend sa source dans le Mont-Rached, au midi du Maghreb central, et se dirige vers l'Orient, en longeant le Zah, jusqu'à ce qu'il se jette dans la sibkha de Nefzaoua, pays qui fait partie du Belad-el-Djerîd.

Quand ils eurent passé la rivière, ils entrèrent dans un désert où l'on meurt de soif et dans une région appelée El-Hammada (l'échauffée) dont le sol brûlant est couvert de pierres noires. Alors les troupes cessèrent la poursuite et le sultan rentra chez lui, vainqueur et triomphant. Un succès aussi éclatant lui attira les louanges et les félicitations des poètes.

Les débris des Douaouida se réfugièrent auprès des princes zenatiens les fils de Yahya-Ibn-Doreid furent accueillis par Yaghmoracen-1bn-Zian, et les Beni-Mohammed-Ibn-Masoud, par Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack. Ces chefs leur remplirent les mains d'argent, les piquets de chevaux et les campements de chameaux; de sorte que les émigrés purent rentrer, plus tard, dans leur pays et enlever au sultan la ville de Ouargla et les bourgades du Righ. De là, ils marchèrent sur le Zab et, parvenus à

la frontière de cette province, ils mirent en déroute les troupes qu'Ibn-Attou, le gouverneur installé à Maggara, avait conduites au-devant d'eux pour arrêter leurs progrès. Ils poursuivirent cet officier jusqu'à Cataoua où ils le tuèrent, et, à la suite de cette victoire, ils soumirent le Zab, l'Auras et le Hodna. Ils obligèrent même le gouvernement hafside à leur concéder ces régions à titre de fiefs et ils finirent par les posséder en toute propriété.

LE ROI DE FRANCE [SAINT-LOUIS] ARRIVE A LA TÊTE DES PEUPLES CHRÉTIENS ET MET LE SIÈGE DEVANT TUNIS.

Le peuple appelé Franc, et nommé Français par le vulgaire, tire son nom de France, un de leurs empires. Leur origine remonte à Yafeth, fils de Noé. Ils habitent le bord septentrional de la mer romaine occidentale, depuis la Péninsule espagnole jusqu'au canal de Constantinople. A l'est, ils ont pour voisins les Grecs, et, à l'ouest, les Galiciens. Ils embrassèrent le christianisme, ainsi que les Roum (Romains), et ce fut de ceux-ci qu'ils apprirent les principes de leur religion. Pendant que la puissance des Romains déclinait, celle des Francs ne cessait de s'accroître. Réunis aux Romains, ils traversèrent la mer et s'établirent dans toutes les grandes villes de l'Afrique, telles que Sbaitla, Djeloula, Carthage, Mernac, Baghaïa et Lambèse. Ayant subjugué les Berbères qui s'y trouvaient, ils obligèrent ce peuple à suivre leur religion et le tinrent dans une snjétion complète. L'islamisme vint alors se manifester par des victoires, et les Arabes enlevèrent aux chrétiens toutes les villes de l'Afrique et de la côte orientale de la Méditerranée, ainsi que les îles de Crète, Malte, Sicile et Maïorque. Les ayant contraints à rentrer dans leur pays, les Arabes traversèrent le détroit de Tanger et vainquirent les Goths, les Galiciens et les Biscayens. Devenus maîtres de la Péninsule espagnole, ils passèrent la frontière,

'Les anciens géographes arabes font étendre la Galice à travers le nord de l'Espagne, depuis le cap Finistère jusqu'à la Méditerranée.

franchirent les défilés et les cols, et ayant débouché dans les plaines de la France, ils soumirent ces régions et y répandirent la dévastation. Ensuite, d'autres bandes continuèrent à y pénétrer, se conformant ainsi aux ordres des Oméïades d'Espagne.

Les Aghlébites, à l'instar de leurs prédécesseurs dans le gou-vernement de l'Afrique, avaient l'habitude d'envoyer des armées et des flottes musulmanes contre les Francs. Ils leur enlevèrent ainsi la possession des îles de la Méditerranée, et ils ǝllèrent les attaquer même dans le sein de leur pays. Dès lors, le désir de la vengeance et l'espoir de recouvrer ce qu'ils avaient perdu ne cessèrent d'animer les Francs. De tous ces peuples, les Grecs étaient les plus voisins des côtes de la Syrie et les plus ardents à reprendre ces contrées. La puissance des Grecs s'étant ensuite affaiblie, tant à Constantinople qu'à Rome, celle du royaume des Francs devint formidable. Ceci eut lieu bientôt après la chute du khalifat de l'Orient. Alors, les Francs aspirèrent à conquérir les citadelles et les fortereses de la Syrie.

Dans une expédition qu'ils dirigèrent contre ce pays, ils en occupèrent la plus grande partie; et, s'étant emparés de Jérusalem, ils y bâtirent la grande église qui remplaça la mosquée d'El-Acsa. A plusieurs reprises, ils attaquèrent l'Egypte et le Caire; mais, enfin, vers le milieu du vio siècle de l'hégire, Dieu donna à l'Islamisme un bouclier puissant dans la personne de Salah-el-Din (Saladin) Ibn-Aïoub-el-Kordi, et permit aux torrents du châtiment céleste de déborder sur les infidèles. Salahel-Din déploya une grande vigueur dans cette guerre : il enleva aux Francs les places qu'ils avaient conquises, purifia la mosquée El-Acsa des souillures laissées par les fausses doctrines de l'infidélité, et ayant soutenu la guerre sainte jusqu'à l'heure de sa mort, il remplit ainsi le meilleur des devoirs.

Dans le vie siècle, pendant le règne d'El-Mélek-es-Saleh, souverain de l'Egypte et de la Syrie, les Francs arrivèrent de

Le khalifat de Baghdad fut renversé par les Tartars, en 1258 de J.-C.

Il faut lire nazelou, à la troisième forme.

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nouveau dans le premier de ces pays. L'émir Abou-Zékérïa régnait alors à Tunis. Ils campèrent auprès de Damiette, et s'en étant rendus maîtres, ils envahirent successivement les villages de l'Egypte. Sur ces entrefaites, El-Mélek-es-Saleh mourut, et son fils El-Moaddem lui succéda. Les musulmans profitèrent alors de la crue du Nil pour ouvrir les écluses, rompre les digues et enfermer l'armée ennemie. Une foule d'infidèles y perdit la vie, et leur sultan [St-Louis] fut pris sur le champ de bataille et amené devant le sultan d'Egypte. On l'emprisonna à Alexandrie; mais, plus tard, le sultan lui accorda la liberté, moyennant la reddition de Damiette et l'engagement de ne plus faire la guerre aux musulmans.

Peu de temps après, le chef des Francs rompit le traité et se décida à mener une expédition contre Tunis. L'on dit qu'il motiva sa conduite sur le fait suivant : des marchands de son pays avaient prêté de l'argent à Lulfani1. Après la catastrophe qui ferma la carrière de ce fonctionnaire, les marchands réclamèrent du sultan le remboursement de la somme prêtée, et qui se montait à trois cent mille dinars. Comme ils ne produisirent aucune pièce à l'appui de leur demande, le sultan repoussa leurs prétentions. Alors, ils allèrent s'en plaindre à leur roi. Ce prince prit parti pour eux et se laissa pousser à entreprendre une expédition contre Tunis, « ville, disaient-ils, très-facile à prendre, vú la famine et la grande mortalité qui la désolent. »

Alors le Français, roi des Francs, Louis, fils de Louis, et sur- · nommé dans leur langage Réda-Frans, c'est-à-dire Roi de France, envoya chez tous les rois chrétiens, pour les inviter à faire partie de cette expédition. Il transmit aussi un message au pape, personnage que les chrétiens regardent comme le vicaire du Messie, et ce dignitaire encouragea tous les autres rois à seconder les efforts du roi de France. Il lui permit même d'enlever aux églises l'argent dont il pourrait avoir besoin3. Ces nouvelles

Voy., ci-devant, p. 350.

• Près de trois millions de francs.

Ce fait est confirmé par les historiens de Saint-Louis.

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