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à cet effet et l'on s'était décidé à mettre cette ville en ruines parce qu'elle servait de centre d'administration et de station à un nombreux corps d'armée. Abd-Allah-es-Sekcîoui entreprit de prendre Maroc et d'y renverser toutes les mosquées, genre d'édifices pour lequel les Masmouda avaient une grande aversion'. Le rétablissement de l'empire mérinide à Fez jeta la désunion parmi ces chefs et fit avorter leur projet, mais le souvenir n'en est pas encore effacé. Quand les Mérinides se rallièrent à la cause d'AbouEinan, les chefs masmoudiens regagnèrent leurs tanières.

Ce monarque venait de terminer la guerre qu'il avait soutenue contre son père, et d'enlever le Maghreb central aux Abd-elOuadites, quand son frère Abou-'l-Fadl, que l'on avait déporté en Espagne, quitta la cour du roi chrétien avec l'intention de rentrer en Afrique et d'y faire valoir ses droits au trône. Débarqué sur la côte de la province de Sous par un navire que le chrétien avait mis à sa disposition, il passa chez Abd-Allah-es-Sekcîoui et y trouva un asile et un soutien. Abou-Einan rassembla aussitôt les contingents de tout le Maghreb et chargea son vizir FarèsIbn-Meimoun-Ibn-Ouedrar de mener cette armée contre le prétendant. Farès arriva dans le territoire d'Abd-Allah l'an 754 (1353) et, afin de le tenir en respect, il bâtit, au pied de la montagne, une ville qu'il appela El-Cahera (la dompteuse). Abd-Allah, se voyant étroitement bloqué, et reconnaissant que son asile était sérieusement compromis par cette voisine incommode, chercha son salut dans la soumission et consentit à rompre ses engagements avec Abou-'l-Fadl pourvu qu'on permît à ce prince de se retirer ailleurs. Cette condition ayant été acceptée, il conclut une paix semblable à celles qu'il avait si souvent faites et décida ainsi le vizir à s'éloigner.

Sous le règne du sultan Abou-Salem, Abd-Allah-es-Sekcîoui se laissa enlever le pouvoir par son fils, Mohammed-lzem. Dans leur langage, le mot izem signifie lion. Forcé de s'éloigner, Abd

1 Comme les Masmouda avaient des mosquées chez eux, il faut supposer que cette aversion ne s'étendait qu'aux mosquées où la prière se faisait selon l'ancienne manière et sans les modifications que leur imam, Ibn-Toumert, y avait introduites.

Allah se rendit auprès d'Amer-Ibn-Mohammed-el-Hintati, grand chef des tribus masmoudites et commandant de ces peuplades au nom du sultan. A sa demande de secours il reçut une réponse favorable, mais il dut attendre un an et demi avant qu'Amer pût se rendre à la cour et obtenir l'autorisation de lui fournir un corps de troupes. Enfin, le chef hintatien rassembla une armée, et, après avoir adressé à ses administrés l'ordre de donner à Abd-Allah un appui franc et efficace, il fit partir son protégé pour El-Cahera. Abd-Allah s'établit dans cette forteresse et serra étroitement son fils; puis, ayant été averti par un ami qu'une des gorges de la montagne était mal gardée, il y pénétra à l'improviste, et, le lendemain matin, il tomba sur Izem et ses partisans. Ce fils rebelle prit la fuite et fut tué à Telacef, dans la même montagne. Abd-Allah recouvra ainsi le commandement, et s'y maintint jusqu'à l'époque où le vizir Omar-Ibu-Abd-Allah prit sous sa tutelle le sultan du Maghreb et qu'Amer devint gouverneur de toutes les provinces marocaines. Alors Yahya, fils de SoleimanIbn-Haddou, chef qu'Abd-Allah avait fait mourir dans la première période de son administration, trouva moyen de venger la mort de son père en tuant dans un guet-apens celui qui l'avait ordonnée. Faisons observer ici que Soleiman-Ibn-Haddou était oncle d'Abd-Allah. Après avoir pris le commandement des Sekcîoua, Yahya le garda jusqu'à l'an 775 (1373-4), époque à laquelle il tomba sous les coups d'Abou-Bekr, fils d'Omar-Ibn-Haddou, qui voulut ainsi venger la mort de son frère Abd-Allah. Devenu commandant des Sekcioua et des peuplades qui dépendaient de cette tribu, Abou-Bekr exerçait le pouvoir depuis quelques mois', quand un de ses parents lui déclara la guerre. Je n'ai pu apprendre ni la filiation ni les antécédents de cet individu, puisque sa révolte eut lieu l'an 776, pendant le second voyage que je fis hors du Maghreb ; tout ce que j'ai pu savoir revient à ceci

1 Le texte arabe porte douam (années); mais les limites fixées par la date qui précède ce passage et par celle qui le suit, rendent cette leçon inadmissible. Il faut lire eschor (mois), ou bien aïam (jours).

• Il s'était rendu en Espagne pour la seconde fois. duction du tome 1, p. L.

T. II.

Voy, l'Intro

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qu'il s'appelait Abd-er-Rahman. Une personne digne de con fiance m'a appris, depuis, qu'Abd-er-Rahman, ayant fait prisonnier Abou-Bekr-Ibn-Omar, lui ôta la vie et s'empara du commandement de la montague, poste qu'il remplit encore aujourd'hui, à ce que l'on m'a dit. Nous sommes maintenant dans l'année 779 (1377-8). J'ai appris, en l'an 788 (4386), que cet Abd-er-Rahman portait le surnom d'Abou-Zeid, et qu'il était fils de Makhlouf et petit-fils d'Omar-Aguellîd1. Il fut tué par Yahya, fils d'Abd-Allah-Ibn-Omar et frère d'Izem. Le meurtrier prit aussitôt le commandement de la montagne et le garde

encore.

Quant aux Hilana, aux Haha, aux Dokkala et aux peuples masmoudiens qui habitent, soit les montagnes, soit les plaines de cette contrée, et qui ne font pas partie des sept tribus dont nous venons de parler, ils forment à eux seuls une population immense.

Les Dokkala occupent le territoire qui s'étend vers le couchant, depuis le pied septentrional de la montagne qui avoisine Maroc jusqu'à l'Océan. C'est là où se trouve le ribat d'Asfi, poste fortifié qui porte aussi le nom des Beni-Maguer, famille dokkalienne. L'origine des Dokkala est encore un problème à résoudre les uns les regardent comme masmoudiens et les autres comme sanhadjiens.

Immédiatement au [sud-ouest de leur territoire, on rencontre une plaine qui se déploie obliquement entre la mer et l'Atlas et qui se prolonge jusqu'à la province de Sous. Cette région est. occupée par les Haha, peuple dont la majeure partie fait son séjour au milieu de forêts d'argan2 et qui y trouve un abri et un asile. Ils expriment des fruits de cet arbre une huile qui leur sert d'assaisonnement et qui est fort recherchée; elle a bonne

Voy. ci-dessus, p. 270.

2 L'arganier, arbre épineux dont les noyaux fournissent une huile Acre et ptquante, a été décrit par Schusboë, consul danois à Tanger, dans une savante monographie. Chénier en parle dans ses Recherches sur les Maures, t. I, p. 88, et Graeberg de Hemsoe, dans son Specchio di Marocco, pp. 444 et 445.

couleur, bonne odeur, bon gout et fait partie des présents que les administrateurs de cette province envoient à la cour. Les Haha forment une des tribus les plus nombreuses de la race masmoudienne; ils les surpassent toutes en mérite, en bravoure et en savoir, et jouissent aussi d'une grande renommée à cause de leurs connaissances en jurisprudence et de l'habileté qu'ils déploient à l'enseigner. Les hommes instruits trouvent auprès des grands de cette tribu une haute faveur, un respect profond et de fortes pensions. A l'extrémité méridionale de leur territoire, du côté du Sous et au pied de l'Atlas, s'élève la ville de Tadnest. C'est là où l'on rencontre la plus étendue de ces forêts et où les chefs des Haha font leur séjour. Le commandement de cette tribu appartient aux Metzara 2, une de leurs familles, et est exercé par la branche des Aulad-Ibrahim-Ibn-Saleh. Ibrahim eut pour successeur son fils Hocein et, ensuite, son fils Mohammed. Sous le règne d'Abou-Einan, ils eurent pour chef Ibrahim, fils de Hocein, fils d'Ibrahim-Ibn-Saleh. L'autorité passa d'Ibrahîm à son fils Mohammed, lequel eut pour successeur son cousin EïçaIbn-Khaled-Ibn-Hammad. Celui-ci conserva le pouvoir jusqu'à l'occupation de Maroc, en 776 (1374), par le sultan Abd-erRahman-Ibn-Abi-Ifelloucen. Il fut tué, à cette époque, par le cheikh mérinide, Ali - Ibn- Omar-el-Ourtadjeni de la famille de Ouighlan. Je ne sais à qui le commandement passa après Eïça. Selon les renseignements qui me sont parvenus, les Haha et les Dokkala paient au gouvernement des impôts considérables.

Cette huile ne devient bonne à manger qu'après avoir subi una espèce de cuisson.

Variante: Metrara.

A la place d'Eïça, les manuscrits et le texte arabe imprimé portent Mohammed. On peut expliquer cette erreur en supposant (ce qui, du reste, est très-probable) que l'auteur, après avoir fait la première rédaction de sou ouvrage, intercala ici le passage qui commence par les mots Sous le règne d'Abou-Einan et qui finit par Quighlan.

HISTOIRE DES BENI-YEDDER, ÉMIRS ALMOHADES QUI GOUVERNÈRENT LE SOUS APRÈS LA CHUTE DE LA DYNASTIE D'ABD-EL-MOUMEN.

[DESCRIPTION DE CETTE PROVINCE.]

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Abou-Mohammed-Ibn-Younos, vizir almohade de la première classe, appartenait à la tribu des Hintata. Porté au vizirat par El-Morteda, il encourut la disgrâce de son maître et, en l'an 650 (1252-3), il perdit sa place. Les membres de sa famille le voyant obligé de garder les arrêts dans sa maison, à Tamslaht, s'empressèrent tous de s'enfuir, et Ali-Ibn-Yedder, un de ses parents et membre de la famille Badas, chercha un refuge dans le Sous. L'année suivante, Ali se jeta dans la révolte et, après avoir occupé Tansast, château situé à l'endroit où la rivière Sous débouche de l'Atlas, il répara cette place et la mit en état de défense. Il enleva aussi aux Sanhadja le château de Tîsekht, en releva les murailles et y installa une garnison sous les ordres de son cousin Hamdîn1. Il soumit ensuite les plaines du Sous et invita les Beni-Hassan, arabes nomades de la tribu de Makil, à venir le trouver. Ce peuple, qui était alors dans la région située entre le Molouïa et le Rif, se mit aussitôt en marche pour le joindre. Avec l'aide de ses nouveaux alliés, Ibn-Yedder porta le ravage dans le Sous et en soumit aux impôts la majeure partie de la population. Il attaqua ensuite l'officier almohade qui commandait dans Taroudant et intercepta les communications à un tel point que le salut de la ville fut gravement compromis.

L'on soupçonna alors le vizir Abou-Mohammed-Ibn-Younos d'entretenir une correspondance secrète avec son parent; et ses ennemis, étant parvenus à découvrir une lettre adressée par lui au chef rebelle, la mirent entre les mains d'El-Morteda. En l'an 652 (1234), le vizir fut puni de mort par l'ordre de ce prince et Abou-Mohammed-Ibn-Asnag, nommé gouverneur de la province du Sous, se rendit à son poste avec une armée composée d'Almohades et de milices. Ali-Ibn-Yedder se fortifia dans Tîounî

1 Ci-devant, p. 256, ce nom est écrit Hamidi.

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