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vernement de ce pays à Djâfer-Ibn- Ali et rappela en Espagne Yahya-Ibn-Mohammed-Ibn-Hachem. Trouvant ensuite que l'entretien des princes idrîcides coûtait fort cher à l'état, il les envoya tous en Orient, sans même retenir El-Hacen; mais, avant de les laisser partir, il leur fit prendre l'engagement de ne plus rentrer en Afrique.

En l'an 365 (975-6), les Idricides s'embarquèrent à Almeria, et, arrivés au Caire, ils trouvèrent, auprès d'El-Azîz, fils d'ElMoëzz-Mådd, l'accueil le plus bienveillant et le plus honorable. Ce prince leur promit même de les aider à prendre leur revanche, et, quelque temps après, il fit partir El-Hacen pour le Maghreb avec une lettre par laquelle les descendants de Zîri-Ibn-Menad, famille qui régnait alors à Cairouan, furent invités à lui prêter secours. El-Hacen pénétra alors dans le Maghreb et appela le peuple aux armes; mais, ayant été défait par les troupes qu'ElMansour-Ibn-Abi-Amer [le grand vizir espagnol] avait envoyé à sa rencontre, il tomba encore au pouvoir de ses ennemis. On le fit partir sous bonne escorte pour l'Espagne, mais il fut assassiné avant d'y arriver 2.

La dynastie des Idrîcides succomba, de cette manière, dans le Maghreb; mais elle se releva plus tard sous les auspices des Beni-Hammoud, famille qui étendit son autorité sur Tanger, Ceuta et le pays des Ghomara, ainsi que le lecteur le verra dans le chapitre suivant.

DOMINATION DES HAMMOUDITES ET DE LEURS PARTISANS A CEUTA ET A TANGER. HISTOIRE DE LEURS SUCCESSEURS, LES GHOMARA.

Quand El-Hakem - el-Mostancer [le neuvième souverain

1 Voy. sur ce personnage, l'Appendice, n° III.

2 El-Haceo-Ibn-Kennoun se voyant entouré par des forces supérieures dont une partie était sous les ordres d'Abd-el-Melek, fils du grand vizir, El-Mansour - Ibn Abi - Amer, se rendit, à la condition d'être ramené en Espagne, comme auparavant. El-Mansour refusa de ratifier la capitulation et fit décapiter le prisonnier que l'on conduisait alors à Cordoue. Cela eut lieu dans le mois de Djomada premier, 375 (sept.-oct. 985). (Le Cartas.)

oméïade d'Espagne,] eut renversé la puissance des Idrîcides en Maghreb et déporté en Orient les membres de cette famille, les Ghomara reconnurent l'autorité des Oméïades et s'humilièrent devant la bravoure des troupes espagnoles. Plus tard, El-HacenIbn-Kennoun rentra en Maghreb, poussé par l'espoir de ressaisir le royaume de ses ancêtres, mais il fut mis à mort par [l'ordre d']El-Mansour-Ibn-Abi-Amer. Avec lui succomba la domination des Idrîcides en Afrique. Les membres de cette famille se dispersèrent de tous côtés, et allèrent se cacher dans les tribus, où ils se dépouillèrent de toutes les marques de leur origine et adoptèrent la vie nomade, afin d'échapper aux dangers qui fes entouraient.

Parmi les Berbères qui passèrent en Espagne [pour servir sous les drapeaux des Oméïades] se trouvèrent deux frères, descendants d'Omar - Ibn-Idris. Ali et El-Cacem, c'est ainsi qu'on les nommait, étaient fils de Hammoud-Ibn-Meimoun-IbnAhmed-Ibn-Ali-Ibn-Obeid-Allah-Ibn-Omar-Ibn-Idris. Lors de la chute de la faction ameride', quand les [troupes] Berbères se mirent en révolte et proclamèrent khalife, sous le titre d'ElMostaïn-Billah (qui demande le secours de Dieu), un fils d'ElHakem, nommé Soleiman, les deux fils de Hammoud, qui s'étaient acquis une haute réputation par leur bravoure, embrassèrent la cause du nouveau souverain et lui prêtèrent un appui si efficace qu'ils le rendirent maître de Cordoue, capitale de l'empire. El-Mostaïn distribua alors de hauts commandements à ses partisans maghrebins et chargea Ali-Ibn-Hammoud du gouvernement de Tanger et des provinces ghomariennes. Arrivé dans cette ville, Ali montra d'abord un grand dévouement au souverain oméïade, mais ayant ensuite levé le drapeau de la révolte, il se proclama indépendant, passa en Espagne et occupa

1 Le célèbre visir El-Mansour-Ibn-Abi-Amer usurpa tout le pouvoir, sous le règne de Hicham II, dixième souverain oméïade d'Espagne. Soutenu par les troupes berbères qu'il avait pris à sa solde et par une nombreuse bande d'affranchis, il conserva l'antorité jusqu'à sa mort et la transmit à ses fils. Les partisans de cette famille formaient la partie des Amerides

Cordoue, siége du khalifat. Nous avons déjà parlé de ces événements [dans l'histoire des dynasties espagnoles].

A la mort d'Ali, son fils Yahya, auquel il avait asssigné le gouvernement de Tanger, passa en Espagne avec l'intention de disputer le pouvoir à son oncle El-Cacem. Idrîs, frère de Yahya, prit alors le commandement de Tanger et parvint à étendre son autorité sur toutes les parties du pays des Ghomara qui avaient obéi à son père. Quand son frère Yahya mourut à Malaga, il traversa le Détroit, rallia autour de lui tous les partisans de sa famille et nomma son neveu, Hacen-Ibn-Yahya, gouverneur de Tanger et de Ceuta. Ce jeune prince partit pour sa destination, accompagné de l'eunuque Nedja, qui devait lui servir de surveillant et de directeur.

Lors de la mort d'Idrîs, [son vizir] Ibn-Bacanna tenta d'usurper le commandement à Malaga; mais Nedja se transporta en Espagne avec Hacen-Ibn-Yahya et s'établit dans cette ville. Ayant alors placé son pupille sur le trône du khalifat, il s'en retourna à Ceuta, pour prendre le gouvernement du pays des Ghomara; mais, après la mort de Hacen, il repassa en Espagne avec l'intention d'y usurper le pouvoir. Avant de partir, il confia le gouvernement de la province africaine à un affranchi esclavon d'une fidélité éprouvée.

Dès lors, les villes de Ceuta et Tanger furent gouvernées par des lieutenants esclavons jusqu'à ce qu'elles passèrent sous le commandement du chambellan Soggout-el-Berghouati, client de la famille d'Idris. Fait prisonnier dans sa jeunesse par un corps de troupes que les Idrîcides avaient envoyé contre les Berghouata, Soggout fut vendu au cheikh Haddad, affranchi d'un de ces princes. Etant ensuite passé sous le pouvoir d'Ali-IbnHammoud, l'idrîcide, il s'éleva par ses talents à une haute position sous cette dynastie et finit par s'asseoir sur le trône de Tanger et Ceuta. Après avoir obtenu la soumission des tribus ghomarides, il commença un règne qui devait se prolonger jusqu'à l'établissement de l'empire almoravide. Alors, les Maghraoua de Fez, vaincus par Youçof-Ibn-Tachefin, se réfugièrent dans Ed-Demna, ville située à l'extrêmité de la grande plaine du

Maghreb, sur les confins du pays des Ghomara. Youçof y mit le siége en l'an 471 (1078-9) et somma Soggout de lui prêter son appui. Le premier sentiment du chambellan le portait à obéir, mais il s'en laissa détourner par les conseils de son fils El-Caïler-Baï. Youçof écrasa ses adversaires à Ed-Demna, acheva la conquête du Maghreb par la prise d'Aloudan, forteresse du pays des Ghomara qu'il ne pouvait pas laisser derrière lui, et envoya contre Soggout un corps d'armée sous les ordres de Saleh-IbnAmran, général lemtounien. Déjà les sujets de Soggout se félicitaient de l'approche des Almoravides et s'apprêtaient à courir audevant d'eux, quand ce chef s'écria: « Je jure que Saleh ne >> fera jamais entendre à aucun de mes sujets le roulement d'un » tambour almoravide!» S'étant alors rendu à Tanger où son fils Dra-ed-Dola-el-Ezz commandait en son nom, il mit une armée sur pied et marcha contre l'ennemi. Il s'ensuivit, aux environs de Tanger, une bataille acharnée dont le résultat fut la mort de Soggout qui [âgé alors de 86 ans 3] se jeta au-devant des lances almoravides, en voyant écraser ses partisans sous la meule de la guerre. Les Almoravides s'emparèrent de Tanger, et Dïa-ed-Dola chercha un refuge dans Ceuta.

Comme le roi chrétien s'acharnait alors sur les provinces de l'Espagne musulmane, Ibn-Abbad [roi de Séville] fit inviter l'Emir des Musulmans, Youçof-Ibn-Tachefin, à remplir ses promesses en secourant les vrais croyants contre les infidèles. Touché par cet appel et par les pétitions que lui adressèrent toutes les populations [musulmanes] de l'Espagne, Youçof fit avec un grand empressement ses préparatifs de guerre. En l'an 476 (1083), il plaça un corps de troupes almoravides sous les ordres de son fils El-Moëzz et l'envoya contre Ceuta dont le port était déjà bloqué par la flotte d'Ibn-Abbad. La ville fut emportée d'assaut et Dïâ-ed-Dola tomba entre les mains des vainqueurs.

Cette date est fausse : Ed-Demma fut pris en 465 et Tanger en 470. Voy. le Cartas, pages 91 et 92 du texte arabe.

* Ce titre signifie : le prince prévoyant ou bien le diseur d'avis. Voy. le Cartas, page 92.

Conduit devant El-Moëzz et sommé de livrer ses trésors, il répondit avec tant d'insolence que ce prince le tua sur-le-champ. On découvrit, par hasard, le lieu où il avait déposé ses richesses, et l'on trouva dans ce dépôt le cachet de Yahya, fils d'Ali-IbnHammoud. El-Moëzz écrivit alors à son père pour lui annoncer la victoire des Almoravides.

Ainsi succomba la dynastie des Hammoudites et, avec elle, disparurent les derniers vestiges de leur domination dans le pays des Ghomara. Depuis ce moment, le gouvernement almoravide trouva dans les Ghomara des sujets obéissants.

En l'an 537 (1142-3), la puissance des Almohades était devenue formidable, et Abd-el-Moumen, le successeur du Mehdi, faisait, dans le territoire du Maghreb, la grande expédition qui devait se terminer par la prise de Maroc. Dans notre histoire de la dynastie fondée par ce prince, nous aurons l'occasion de parler du grand événement auquel nous faisons allusion. Les Ghomara embrassèrent alors la doctrine almohade et réunirent leurs forces à celles d'Abd-el-Moumen pour faire le siége de Ceuta. Les habitants de cette ville se defendirent vigoureusement sous les yeux de leur chef et cadi, le célèbre Eïad, dont la piété, le savoir, la noble fierté et le rang éminent avaient mérité tout leur respect. Malgré leur résistance, la place succomba en l'an 544 (1146-7), quelque temps après la chute de Maroc. L'empressement des Ghomara à se rallier aux Almohades leur valut la faveur constante de cette dynastie.

La puissance de la famille d'Abd-el-Moumen s'affaiblit à la fin; de nombreux soulèvements eurent lieu sur les frontières de l'empire, et en l'an 625 (1228), Abou-t-Touadjen-Mohammed

Ce célébre cadi laissa plusieurs ouvrages. Ils traitent principalement des habitudes et des paroles de Mahomet et ils jouissent encore d'une haute estime parmi les mosulmans Eïad naquit à Ceuta en l'an 476 (1083), et mourut à Maroc en 544 (1149). Dans le second volume de la traduction d'Ibn-Khalikan, sous le mot lyad, on trouvera une notice de ce docteur.

Il fallait dire avant la chute de Maroc. Tanger fut pris en Rebia second et Maroc en Choual, six mois plus tard.

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