Images de page
PDF
ePub

Le nouveau chef ayant rebâti et repeuplé la ville de Nokour, y habitait depuis trois ans, quand Meiçour, affranchi d'Abou-'lCacem-Ibn-Obeid-Allah [le khalife fatemide] et commandant de l'armée qui faisait alors le siége de Fez, envoya contre lui un corps de troupes sous la conduite de son client Sandal. Cet officier bloqua d'abord Djeraoua, et, dirigeant ensuite ses troupes contre Nokour, contraignit Ismail-Ibn-Abd-el-Mélek à s'enfermer dans la forteresse d'Akeddi'. Brûlant alors de venger la mort de quelques parlementaires auxquels, pendant sa marche, il avait donné la commission de se rendre auprès d'Ismail et qui avaient été tués par l'ordre de ce prince, il poussa en avant et emporta la place d'assaut au bout de huit jours de combats. Il reprit alors la route de Fez, après avoir ôté la vie à son adversaire et installé un gouverneur, nommé Mermazou le ketamien, dans la forteresse qu'il venait d'enlever et livrer au pillage. Les habitants de Nokour profitèrent de son départ pour proclamer la souveraineté de Mouça, fils d'El-Motacem-Ibn- Mohammed-Ibn-Corra-Ibn-elMotacem-Ibn-Saleh-Ibn-Mansour. Ce prince, qui était généralement connu par le surnom d'Ibn-Roumi, se trouvait alors dans le Djebel-Abi-'l-Hacen, chez les Beni-Isliten. L'auteur du Mikyas lui assigne la généalogie suivante : Mouça-Ibn-Roumi-Ibn-Abdes-Semia-Ibn-Idris-Ibn-Saleh-Ibn-Idris-Ibn-Saleh-Ibn-Mansour. Le nouveau souverain ayant fait prisonniers Mermazou et tous ses gens, les fit décapiter et envoya leurs têtes à En-Nacer. En l'an 329 (940-1), il fut détrôné et chassé de Nokour par un de ses parents nommé Abd-es-Semià-Ibn-Djorthem-Ibn-Idris-IbnSaleh-Ibn-Mansour. Il se retira alors en Espagne avec ses serviteurs, ses enfants, son frère Haroun-Ibn-Roumi, quelques-uns de ses oncles et beaucoup d'autres membres de la famille. Ils se fixèrent, les uns dans Almeria, avec leur chef, et, les autres, dans Malaga. Plus tard, les habitants de Nokour tuèrent Abd-esSemiâ et rappelèrent de Malaga un descendant de Saleh-IbnMansour nommé Djorthem-Ibn-Ahmed-Ibn-Zîadet-Allah-IbnSaid-Ibn-Idris-Ibn-Saleh. Ce prince passa en Afrique sans

Variantes Akkeri, Agdal.

perdre un instant, et ayant reçu, en 336 (947-8), le serment de fidélité que l'on s'empressa de lui prêter, il commença un règne qui devait être très-heureux. A l'instar de ses prédécesseurs, il se montra observateur fidèle du rite malékite. Il mourut vers la fin de l'an 360 (971), après avoir exercé le commandement pendant vingt-cinq ans. L'autorité se conserva dans sa famille jusqu'à la prise d'Oran par les Azdadja; alors, Yala-Ibn-Fotouh, chef de cette tribu, marcha sur Nokour et s'en rendit maître. Ceci eut lieu en 406 (1015-6), ou en 410, selon un autre récit [celui d'El-Bekri]. La ville fut détruite ainsi que le pouvoir de cette dynastie, pouvoir qui commença avec Saleh et dura trois cent quatorze ans. Nokour resta entre les mains des Azdadja et de la famille de Yala-Ibn-Fotouh jusqu'après l'an 460 (1067-8)'.

HISTOIRE DE HAMÎM, FAUX PROPHÈTE DES GHOMARA.

Les mœurs agrestes, les habitudes rustiques des Ghomara, jointes à leur éloignement de tout lieu où le bien pouvait s'apprendre, les tenaient plongés dans une ignorance profonde et les empêchaient de connaître les vrais principes de la religion. Aussi il s'éleva, chez les Medjekéça, un prétendu prophète appelé Hamîm 2 -Abou-Mohammed, fils d'Abou-Khalef-Menn-Allah (don de Dieu), fils de Harîr, fils d'Amr, fils de Rahfou3, fils d'Azeroual, fils de Medjekèça. En l'an 313 (925), Hamîm se produisit comme prophète dans la montagne près de Tîttawîn (Tétouan)

3 El-Bekri, qui écrivit sa géographie historique en l'an 460 (1067-8), dit: Nokour appartient encore aujourd'hui à la famille de Yala-IbnFotouh.

2 Sept sourates du Coran commencent par les lettres h, m que l'on prononcent ha, mim. La signification de ce groupe cabalistique n'a jamais été bien expliquée par les commentateurs. Ici on le voit employé comme nom propre ainsi qu'il en est arrivé au terme analogue ya sin. — (Voy. p. 68 de ce volume, note 2.)

• Variantes fournies par les manuscrits d'El-Bekri : Oudjefoul, Ouakhfoul.

[ocr errors]

qui porte encore son nom. Ayant réuni autour de lui une foule de gens appartenant à sa tribu et qui ajoutaient foi à ses paroles, il leur prescrivit des lois et des ordonnances civiles et religieuses, et composa pour leur usage, et dans leur langue, un coran dont il leur donna lecture. Dans ce livre, il disait: O toi qui permets que l'univers soit l'objet de nos regards, délivre-moi de mes péchés ló toi qui retiras Moïse de la mer! Je crois en Hamim et en son père Abou-Khalef-Menn-Allah; ma téte y croit ainsi que mon intelligence; ce que couvre ma poitrine y croit et ce qui est enfermé dans mon sang et dans ma chair. Je crois en Tabait, tante de Hamim et sœur d'Abou-Khalef-Menn-Allah, etc. Cette femme était devineresse et magicienne. On donna aussi à Hamîm le surnom d'El-Mofteri (le faussaire). Il avait une sœur appelée Debou 2 qui pratiquait aussi la magie et la divination et dont on sollicitait les prières en cas de guerre et de sécheresse. Hamîm fut tué l'an 345 (927-8), sur le territoire de Tanger, dans une bataille avec les Masmouda. Après sa mort, son fils Eïça exerça une grande influence sur les Ghomara et se rendit à la cour d'En-Nacer. Leur tribu, les Beni-Rahfou, habite encore à Ouadi-Laou et à Ouadi-Ras, près de Tétouan.

A une époque plus récente, Acem-Ibn-Djemil-el-Izdedjoumi, individu appartenant au même peuple, se donna pour prophète et fit des choses dont on conserve encore le souvenir.

Jusqu'à ce jour, les Ghomara se sont appliqués à la magie, et j'ai appris de quelques cheikhs du Maghreb que ce sont surtout les jeunes femmes qui cultivent cet art. « Elles ont le pouvoir, » m'ont-ils dit, de s'attirer l'esprit de tel astre qu'il leur plaît, » et, l'ayant dompté, elles s'incorporent avec lui; par ce moyen, » elles agissent sur les êtres à leur fantaisie. » Dieu sait si

cela est vrai.

Variantes: Tanant, Taifit, etc.

• Variante: Deddjou.

HISTOIRE DE L'EMPIRE FONDÉ PAR LES IDRÎcides chez les

GHOMARA.

Mohammed-Ibn-Idris s'étant conformé aux conseils de Kenza', soa aïeule paternelle, partagea les provinces du Maghreb entre ses frères. Tikiças, Tergha, Belad-Sanhadja et Ghomara devinrent ainsi le partage d'Omar-Ibn-Idrîs; Tanger, Ceuta, El-Basra et les régions ghomarites qui en sont voisines échouèrent à ElCacem [-Ibn-Idris]. Quelque temps après, Omar s'empara des états d'El-Cacem, lequel avait encouru le mécontentement de son frère Mohammed; mais, plus tard, les princes descendus d'El-Cacem par son fils Mohammed recouvrèrent ce que leur aïeal avait perdu.

Mohammed, fils d'Ibrahîm, fils de Mohammed, fils d'El-Cacem, bâtit, auprès de Ceuta, le château de Hadjer-en-Nesr, afin de procurer à sa famille un lieu de refuge assuré et, à son royaume, un boulevard capable de le protéger. Tant que la famille de Mohammed-Ibn-Idris conserva le pouvoir, elle fit de Fez la capitale de son empire. Dans la suite, elle fut remplacée par celle d'Omar-Ibn-Idris. Yahya, fils d'Idris et petit-fils d'Omar, en fat le dernier qui régna. Il avait été déclaré souverain de Fez par Messala-Ibn-Habbous, auquel il venait de prêter le serment de fidélité en se reconnaissant le vassal d'Obeid-Allah le fatemide. En l'an 309 (921-2), Messala lui enleva le pouvoir.

Quatre années plus tard, un descendant d'El-Cacem prit les armes contre les Fatemides. Ce prince, appelé El-Hacen-IbnMohammed-Ibn-el-Cacem-Ibn-Idris et surnommé El-Haddjam (le phlebotomiste) parce qu'il avait l'habitude, en combattant, de frapper ses adversaires à la veine du bras, se distingua par sa bravoure et par son intrépidité. Porté au trône par les habitants de Fez, qui s'étaient soulevés contre leur gouverneur Rîhan, il

Pour l'histoire des Idrîcides de Fez, voy. l'Appendice n° iv. L'histoire des Fatemides, dynastie dont il est souvent question dans ce chapitre, forme l'Appendice, n° 1, de ce volume.

T. II.

10

mit en déroute les troupes que Mouça-Ibn-Abi-'l-Afia mena contre lui. Sa mort permit enfin à Mouça de s'emparer de Fez, d'occuper les provinces du Maghreb et d'en repousser les Idrîcides. Refoulés jusque dans leur forteresse de Hadjer-en-Nesr, ils passèrent, de là, dans les montagnes des Ghomara et les régions du Rif. Les Ghomara leur demeurèrent fidèles et déployèrent une telle bravoure en soutenant leur cause qu'ils les mirent en état de fonder, dans ce pays, un nouvel empire. Les Idricides se partagèrent alors les contrées qu'ils avaient soumises à leur autorité : les descendants de Mohammed [Beni-Mohammed] en obtinrent la portion la plus grande, et ceux d'Omar restèrent maîtres de Tikîçaz, de Nokour et du Rif.

En-Nacer-Abd-er-Rahman l'oméïade ayant conçu le projet de conquérir le Maghreb et d'en expulser les Fatemides, décida les Beni-Mohammed à lui céder la ville de Ceuta, dont il prit possession en l'an 319 (931). Il se fit remettre la place par ErRida-Ibn-Eïçam, chef des Medjekéça, qui y exerçait le commandement au nom des Idrîcides.

Quand Abou-'l-Cacem [-el-Caïm, le fatemide] envoya une armée en Maghreb pour combattre Ibn-Abi-'l-Afïa, lequel venait de reconnaître la souveraineté des Oméïades espagnols, les BeniMohammed prêtèrent leur appui au général fatemide, Meiçour, el trouvèrent ainsi le moyen d'agrandir leurs états en renversant le pouvoir d'un ancien ennemi. Leur exemple fut suivi par les Beni-Omar, seigneurs de Nokour.

En l'an 325 (936-7), Ibn-Abi-'l-Afia répara ses pertes et quitta le Désert où il s'était réfugié. Rentré alors en Maghreb, d'où Meiçour venait de s'éloigner, il tourna ses armes contre les Beni-Mohammed et les Beni-Omar.

Il mourut quelque temps après et, en l'an 333, En-Nacer envoya en Maghreb son vizir, El-Cacem-Ibu-Mohammed-IbnTamlès, avec la commission d'attaquer les descendants d'Idris. Il écrivit, en même temps, aux princes maghraouiens, MohammedIbn-Khazer et El-Kheir, fils de celui-ci, les invitant à seconder le vizir et à soutenir [Medîn, fils d']Ibn-Abi-'l-Afîa dans sa guerre contre les Idrîcides. Abou-'l-Aïch, fils d'Idris-Ibn-Omar,

« PrécédentContinuer »