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Une fois ses études terminées, il revint aux Telar'ma, et sa première occupation fut de faire construire la koubba où il est enterré. Mais le moment propice n'était pas encore arrivé, et à peine les murs commençaient-ils à sortir de terre qu'ils tombèrent d'eux-mêmes. A ces signes certains, Si Mohammed reconnut qu'il avait devancé le moment fixé par la Providence; aussi, renvoya-t-il immédiatement les maçons, en leur disant de laisser leur ouvrage puisque telle était la volonté de Dieu. Les choses restèrent dans cet état jusqu'au jour où il retrouva les murs tels qu'ils étaient avant leur chute. Il vit alors qu'il était autorisé à continuer son œuvre, qui, grâce au zèle déployé par les populations, fut promptement achevée.

Dans le voyage que tout bon musulman est tenu d'accomplir au moins une fois dans sa vie, Si Mohammed donna une preuve éclatante de la puissance dont il était investi. A son passage à Alexandrie, ses compatriotes le prièrent avec instance de leur faire servir un plat de couscous préparé par les gens de sa tente des Telar'ma. Non-seulement le désir de ses compagnons fut accompli, mais encore, ajoute la légende, il poussa la condescendance jusqu'à faire joindre, au plat de couscous si désiré, les ustensiles dont l'usage était personnel à chacun d'eux lorsqu'ils étaient au pays.

Si Mohammed, contemporain des beys Bou Komia et Azereg el-Aïn, cut de nombreux rapports avec eux. Il paraît même que la nature de ces rapports ne fut pas toujours des meilleures, et que le marabout, offensé, fut contraint de punir l'irrévérence de Bou Komia.

Lorsque le bey de Tunis s'avança sur Constantine, Azereg el-Aïn, fortement préoccupé par cette marche de

l'ennemi, eut recours à la sagesse bien connue du saint personnage, qui demanda la nuit pour réfléchir. Le lendemain, il répondit au bey: « Je te fais cadeau de Tunis. D Sa prophétie s'accomplit, et, plus tard, en effet, Azercg el-Aïn s'empara de cette ville où il fit un ample butin.

IV.

HISTORIQUE.

Les Telar'ma, dont le territoire est en grande partie composé de plaines facilement accessibles, ne pouvaient guère résister aux Turcs, dont les forces consistaient principalement en cavalerie.

D'ailleurs, environnés d'ennemis ou, du moins, de gens qui ne demandaient pas mieux que de les piller, la position délicate dans laquelle ils se trouvaient a toujours été cause qu'ils ont tout supporté de la part des gouvernants. Ceux-ci ne se préoccupaient que médiocrement de la disposition de la tribu à leur égard, sûrs et certains qu'elle ne pouvait leur porter aucun préjudice.

Le mécontentement général soulevé par El-Hadj Ahmed bey, la certitude d'être soutenus par leurs voisins, également rebelles, ont pu seuls les porter, comme on le verra plus loin, à braver ouvertement la toute puissance du bey.

Les faits historiques qui nous ont été racontés sont les suivants :

Azereg el-Aïn (1753). -Sous le gouvernement de ce bey, les Zemala, fraction importante qui occupe une partie

du sud des Telar'ma, vinrent camper à Aïn Mechira, territoire des Oulad Abd en-Nour. Ceux-ci se levèrent en masse pour chasser les intrus, les razèrent et leur tuerent vingt-cinq hommes. Les Telar'ma, à leur tour, marchèrent au secours de leurs frères et tombèrent sur le dos de l'ennemi, qui se retirait fier de sa victoire et sans précautions. Les Oulad Abd en-Nour perdirent le butin qu'ils venaient de faire, et une centaine de leurs cavaliers furent tués ou blessés.

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Salah bey (1771-91). Les Telar'ma eurent encore d'autres démêlés avec les Oulad Abd en-Nour, leurs voisins, notamment à propos des paturages de Mordj Hariz, près du confluent du Roumel et de l'oued Dekri.

Lors de l'arrivée de Salah bey au pouvoir, les Oulad bel-Kassem des Telar'ma, et les Gueracha des Oulad Abd en-Nour, en vinrent aux mains au sujet de la prairie en question. Chacun en revendiquait la propriété, et considérait son droit comme le seul vrai. Suivant l'usage, on fit appel au jugement de Dieu. La rencontre eut lieu sur le terrain en litige, et chaque parti perdit de nombreux combattants. Après les coups, on commença alors à parler de s'entendre. Le marabout Si Seliman intervint et se plaça au milieu de la prairie, partageant ainsi le différend entre eux. Depuis cette époque, chacun est resté de son côté, sans jamais empiéter sur le bien du voisin, et les querelles ont complètement cessé.

Ali Bey (1808). -Sous le gouvernement d'Ali bey, Taicb ben el-Hadj, kaïd des Telar'ma, fut cause d'un démêlé qui eut lieu entre la tribu et l'autorité. Le kaïd, par sa manière d'agir, se fit tellement détester, que les

Telar'ma finirent par se soulever en masse. La querelle durait déjà depuis assez longtemps, lorsque ceux-ci envoyèrent une députation à Taïeb, pour le prier de se rendre à la zaouïa de Merelsa, afin de s'entendre et de mettre un terme à une dispute préjudiciable aux deux partis. Taïeb accepta la proposition, et se rendit sans défiance au lieu convenu, accompagné de quelques serviteurs seulement. Les Telar'ma, fidèles au rendez-vous, s'y rendirent en grand nombre, avec la ferme intention de tuer leur kaïd. Lorsque Taïeb reconnut la situation des choses, il chercha à éviter le sort qui l'attendait, et se retira dans une des chambres de la zaouïa dont il ferma les portes. Les Telar'ma, irrités de voir échapper leur proie, et ne pouvant d'ailleurs forcer les portes de l'asile où s'était réfugié le kaïd, se précipitèrent sur la toiture, dont ils arrachèrent les tuiles et à laquelle ils mirent le feu.

Taïeb périt dans cet incendie avec six de ses compagnons. Lorsque la nouvelle de ce forfait arriva à Constantine, grande fut l'irritation du bey, et le châtiment ne se fit pas attendre. Les Telar'ma furent razés, et cinquante cavaliers eurent la tête tranchée.

Braham bey (1818). - Du temps de Braham bey, un indigène des Zemala s'étant hasardé à aller couper du bois chez les Oulad Sellam, ces derniers se précipitèrent sur lui et le massacrèrent, pour être quittes, disaient-ils, avec les Telar'ma, qui leur devaient une tête.

La vengeance ne tarda pas. Le cheikh Salah partit aussitôt qu'il eut appris le meurtre, avec les cavaliers qu'il avait sous la main, surprit les Oulad Sellam qui ne s'attendaient à rien, et leur tua un homme.

Non contents de cela, les Zemala furent se plaindre å Braham bey, qui, ne demandant qu'à trouver sur qui tomber, saisit avec empressement l'occasion qui se présentait. Les Oulad Sellam furent razés, cinquante des leurs tués et leurs troupeaux enlevés.

Les deux tribus vécurent en paix pendant un certain temps; mais les haines mal éteintes se rallumèrent bientôt.

Sous le commandement du général Galbois, les troupeaux des Telar'ma ayant poussé un peu loin dans les Sebakh, deux cavaliers des Zemala, qui accompagnaient les påtres, furent victimes de leur imprudence et tués par les Oulad Sellam. Les Telar'ma se levèrent en masse et firent irruption sur le territoire de l'ennemi, qui prit heureusement la fuite et chercha un refuge dans les montagnes. Les troupeaux tombèrent aux mains des assaillants qui, entraînés par leur ardeur, suivirent les Oulad Sellam dans la montagne, où ils perdirent beaucoup de monde.

Les Oulad Sellam, humiliés et voulant à toute force tirer vengeance de leur défaite, soudoyèrent les tribus du Sahara, et, forts de ce secours, envahirent le territoire des Zemala, entourèrent un douar campé près de Bekikia, où ils tuèrent 14 hommes sans défense, puis se retirèrent sans faire aucun butin. Les Telar'ma, avertis trop tard, se mirent à leur poursuite sans pouvoir les atteindre, et fatigués d'une chasse infructueuse, ils rentrèrent enterrer les morts. Depuis cette dernière querelle, les Telar'ma n'ont plus eu aucun démêlé avec leurs voisins; ils ont pu être comptés au nombre des tribus paisibles de la province.

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