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vait être roi, et se mirent immédiatement à sa poursuite. De son côté, Mohammed possédait une science profonde de l'astrologie; il fit ses calculs au moment où ils calculaient eux-mêmes, et ils le trouvèrent dans l'eau. Ils pensèrent qu'il était dans la mer et dirent: « Il s'est embarqué sur mer, vous ne pouvez plus rien contre lui. » (4)

(1) Pour comprendre le sens de ce passage, il faut imaginer que Mohammed, ayant deviné par ses calculs le moment précis où ses ennemis, qui calculaient de leur côté, voyaient en quelque sorte toutes ses actions, prit la résolution de se plonger dans un bain ou dans une rivière. Ses ennemis le virent dans l'eau ou sur l'eau, et pensèrent qu'il s'était embarqué sur mer. La magie et l'astrologie ont toujours été cultivées par les Berbers, au moyen âge, et ce fait peut être expliqué par cet autre que les doctrines sabéennes dans lesquelles l'astrologie tenait tant de place, étaient encore en faveur dans le Magreb au neuvième siècle de notre ère, comme en témoignent Ibn Khaldoun et plusieurs autres écrivains arabes. Maçoudi, dans ses Prairies d'or, insiste sur le goût des Berbers pour la divination et les sciences occultes. On n'ignore pas que dans les Contes des Mille et une Nuits tous les enchanteurs sont Maugrebins. Aujourd'hui même nos Berbers croient encore à la toute puissance des magiciens qui savent découvrir des trésors enfouis dans les ruines romaines, et j'ai vu maintes fois dans l'Aouras pratiquer la divination au moyen de grains de blé séparés par la personne qui consulte le sort, ou de lignes bizarres tracées sur le sable. Les Mchèkh musulmans n'ont pas combattu en face toutes ces superstitions; ils ont jugé plus habile de les faire tourner à la plus grande gloire de la religion d'Allah, et ils ont admis tous les prodiges populaires, à condition qu'ils fussent considérés comme des marques de la faveur divine. De lå le mot karamat, qui signifie tout ensemble honneurs divins et miracles. La suite véritablement fastidieuse des karamats qui remplissent toutes nos chroniques religieuses africaines, est digne d'étude, à ce point de vue aussi bien qu'au point de vue proprement historique que j'ai signalé plus haut. La bibliothè– que d'Alger possède un assez grand nombre de manuscrits dans lesquels il est traité de la divination. Je dois de les connaître à M. Mac-Carthy, dont je ne saurais assez louer, après tant d'autres, la science et la complaisance, et je veux en don

Ils revinrent sur leurs pas, et Mohammed ben Felah (qu'Allah l'agrée) arriva jusqu'à Tahèrt. Quand la dissension éclata entre son frère et lbn 'Arfa, Mohammed (qu'Allah l'agrée) se tint à l'écart des deux partis et ne fut ni avec son frère ni avec ses adversaires. Après l'imâmat de son frère Abou Beker, Mohammed fut nommé Imâm à son tour.

IMAMAT DE MOHAMMED BEN FELAH (qu'Allah l'agrée).

Les Musulmans s'étant réunis en assemblée nommérent Mohammed ben Felah leur imâm personnel. Il n'y eût point de scission pendant son gouvernement. Sa justice et sa libéralité étaient sans égales, et les Nefousa ne le comparaient qu'à son aïeul 'Abd er Rahman ben Roustem (qu'Allah les agrée). On eut pris la porte de sa maison pour la porte d'une mosquée; on veillait aux environs, les uns priant, les autres lisant le Koran, les autres s'instrui

ner ici la liste, même réduite, pour piquer au moins la curiosité des chercheurs: De l'art de la divination au moyen des astres, par El Teriki; Id. par Mouhi ed Din ben 'Arbi; Récit d'un rêve que el Tsâlebi a fait en 271; Explication des songes, sans nom d'auteur; Traité de Magie, sans nom d'auteur; De l'écriture sur le sable, par El Trablessii; De l'art d'expliquer les songes, par Ibn Serin; Id., par El Quelfi; Id., par El Qadessi; Le Quintuple, vide en son centre, formules pour conjurer les génies et en obtenir de l'or, sans nom d'auteur; Trois livres sur l'art d'écrire les charmes, les talismans, et sur l'art de prédire l'avenir au moyen de l'écriture sur le sable, attribués par les Mahometans au prophète Daniel; De la Science des tableaux cabalistiques, sans nom d'auteur; Traité des Etres surnaturels, par El Charaoui; Science des Talismans, d'après l'ancien système des Berbers et des Ioniens, avec figures, sans nom d'auteur; Explication des songes ou dėlectation du chercheur dans la connaissance des temps par le calcul, par Abou Djabir El Khaçani.

sant dans les sciences divines et profanes. Il gouverna quarante années, irréprochable dans ses mœurs et craignant Allah plus que personne de son temps. Il parvint à une grande vieillesse. Il avait composé de nombreux ouvrages clairs et victorieux pour répondre aux dissidents. On leur attribua, dit-on, une valeur de dix-neuf dinars ; mais Allah seul le sait.

GOUVERNEMENT DE YOUSEF BEN MOHAMMED BEN FELAH (qu'Allah les agrée).

Après la mort de Mohammed, le gouvernement fut confié à son fils Yousef, et son imâmat dura quatorze ans. Il n'éprouva ni difficultés, ni résistances, et ses sujets ne se révoltérent jamais contre lui. Eliâs Abou Mansour était alors son lieutenant unique dans le Djebel Nefousa, et le Qâdi d'Abou Mansour était 'Amrous ben Felah el Nefousi (qu'Allah l'agrée). 'Amrous était fort savant et avait écrit beaucoup de livres sur les Principes et sur la Jurisprudence; et la mort l'empêcha d'exécuter un travail considérable dans lequel il distinguait les questions, d'intelligence, les questions de tradition, les questions de conseil (1). C'était un esprit fin, sagace, prompt à la ri poste.

يجوز بين مسايل النظر ومسائل السنة ورأى المسلمين (1)

Je traduis mot pour mot Msail en Neder par questions d'intelligence. Les Musulmans appellent ainsi tous les sujets d'étude ou de curiosité en dehors de la religion, tels que la rhétorique, la grammaire, la logique. Ils se servent aussi dans ce cas du mot Ji el M'aqoul, l'intelligible. Je traduis pareillement Msail es Souna par question de tradition. Ce sont toutes les questions qui peuvent être résolues au moyen

On raconte qu'une fois un homme en amena un autre devant lui, l'accusant de quelque délit, et quand 'Amrous demanda au défendeur ce qu'il avait à dire, ce dernier resta sans réponse. 'Amrous le foula au pieds; il est vrai qu'il portait des pantoufles; mais Abou Mansour Eliâs qui était présent, lui dit : « 'Amrous, tu as été bien vif envers cet homme. » 'Amrous ferma la main et dit à Abou Mansour: « Combien de doigts?»>«< « Cinq » répondit Abou Mansour. « Je ne me presse pas autant que toi, répliqua 'Amrous, car tu n'as pas compté les doigts un par un du premier au dernier. Certes, je suis prêt à te rendre ton cachet, si tu ne me laisses pas libre sur trois points : libre de tuer quiconque attaque la religion des Musulmans, libre de tuer quiconque s'oppose à l'accomplissement de la justice, libre de tuer quiconque dévoile quelque secret honteux chez les Musulmans. »

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Abou Mansour déployait beaucoup de zèle pour la Doctrine, et ses enfants le continuèrent dans le gouvernement du Djebel Nefousa. Les jours de combat, il s'avançait seul contre l'ennemi au-devant des siens, comme un taureau. Il montait une mule, et jamais les flèches ne l'atteignirent, ni lui ni sa mule. Il fut toujours pur de tout reproche devant Allah.

Yagoub ben Abi Yagoub (qu'Allah lui fasse miséricorde) a rapporté que Abou Mansour se mit à la poursuite du fils de Khelef, vers la fin du gouvernement des

du Koran et des compilations religieuses qui en dérivent. Cet ordre de connaissances est nommé d'un seul mot Jgáil!, el Menqoul, l'extrait, parcequ'en effet il est extrait du livre sacré. Les questions de conseil, « Msaïl raï el Mouslimin », sont l'ensemble des arrêts et décisions prises par l'assemblée des Musulmans. On les nomme aussi, el Idjem'a.

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Rostemides. Ce dernier s'enfuit chez les Zouagha, les réunit autour de lui et les décida à le défendre. Ils étaient en effet de la secte de son père, et ils y persistèrent avec énergie, jusqu'à ce qu'ils l'abandonnassent dans des circonstances que nous exposerons plus tard, s'il plaît à Allah. Abou Mansour et les Nefousa qui l'acompagnaient arrivèrent dans les environs de Trablės; ils y trouvèrent les Zouagha rassemblés en grand nombre, campés autour de la tente de Khelef et prêts à combattre pour lui. Alors un des Anciens les plus âgés des Beni Iahrasen, nommé Abou Mselma, leur dit : « O Zouagha, voulez-vous accepter une des trois propositions suivantes : la première, d'abandonner les environs de Trablės, de vous retirer à Djerba, de vous y fortifier, et d'y garder votre ami; la seconde, d'envoyer une députation à l'Imâm, à Tabèrt, et de lui demander qu'il vous donne le fils de Khelef pour gouverneur, en vous affranchissant de votre dépendance vis-à-vis des Nefousa; la troisième, de me confier le fils de Khelef; je le conduirai chez les Nefousa, et je vous garantis formellement qu'il ne lui sera fait aucun mal. » Quand il eut fini de parler, un homme des Zouagha s'écria « Ce Iahraseni ne cherche qu'à tendre quelque piége aux Khelfia.» «Que dis-tu? » dit Abou Mselma. Mais un autre intervint, et dit : « Tu n'as rien entendu, Abou Mselma, rien. » Il répondit : « Je n'ai rien entendu. »> Puis il appuya ses mains contre terre et se leva.

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Les Zouagha se préparèrent à combattre Abou Mansour. Le combat eut lieu en effet, et fut extrêmement violent. Ils furent vaincus, et se débandèrent. Or, toute la campagne de Trablès était alors couverte de petits arbres, que les cultivateurs plantaient partout à leur grẻ; pour

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