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2. Soc. 42.105.2

MICROFILMED
AT HARVARD

DE LA SOCIÉTÉ

D'ANTHROPOLOGIE

DE PARIS

PARTIE HISTORIQUE

DISCOURS ET ÉLOGES

LUS DANS LA SÉANCE SOLENNELLE DU 19 DÉCEMBRE 1872

I

DISCOURS DE M. LAGNEAU

PRÉSIDENT

MESSIEURS,

Au sortir des événements terribles qui sont venus frapper la France, encore sous le coup des désastres de la patrie, nous nous sommes promptement réunis pour reprendre nos travaux trop longtemps interrompus. Plus d'une année s'est déjà écoulée depuis la réouverture de nos séances ordinaires, depuis la reprise de nos publications; néanmoins jusqu'à ce jour nous

avions différé toute réunion solennelle.

Un nouvel ajournement devait être évité, car, indépendamment du désir bien naturel de reprendre les traditions antérieures de la Société, il nous incombait de décerner les encouragements dont Eugène Godard nous a institués les dispensateurs. Il importait également qu'un juste hommage fût rendu dans cette enceinte aux savants récemment décédés, s'étant distingués, tant en France qu'à l'étranger, dans les connaissances anthropologiques.

2e SERIE. TOME 1.

a

Récompenser les investigations de zélés observateurs, rappeler les titres et les droits à notre estime de savants regrettés, tel est donc le double but de notre réunion d'aujourd'hui. Longtemps la science de l'homme a été négligée. Félicitonsnous de pouvoir constater qu'elle occupe actuellement le rang élevé auquel lui donne pleinement droit la supériorité du sujet de ses recherches si multiples, si diverses. Au récent congrès d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques de Bruxelles, on a pu juger de l'intérêt toujours croissant qu'inspirent ces sciences connexes, par l'affluence considérable des membres y ayant pris part, et par l'importance des questions qui y furent traitées par nombre de savants étrangers et français, entre autres par nos collègues MM. Broca, Faidherbe, de Quatrefages, de Mortillet, Hamy, etc.

A Bordeaux, à la première session de la Société pour l'avancement des sciences, non-seulement les auditeurs se pressèrent en foule à la conférence générale de M. Broca sur les troglodytes des Eyzies, mais aussi de nombreux savants se firent inscrire et communiquèrent d'importantes recherches à la section d'anthropologie.

Enfin à Paris, l'Académie des sciences, section de l'Institut de France, l'assemblée scientifique la plus élevée, a montré en quelle estime elle tient les sciences anthropologiques, lorsqu'elle a désigné pour son président de l'année 1872 le seul anthropologiste qu'elle ait dans son sein, notre savant collègue M. de Quatrefages.

Les sciences anthropologiques sont donc justement appréciées. Leur importance est donc généralement reconnue. A notre Société de montrer que ces sciences, encore peu avancées, sont susceptibles de nombreux progrès, de fréquentes appli

cations.

II

ÉLOGE D'ÉDOUARD LARTET

PAR M. E.-T. HAMY

SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT

Notre dernière séance solennelle était consacrée à célébrer un double anniversaire. La Société d'anthropologie de Paris avait heureusement terminé sa première décade, et des diverses branches de l'histoire naturelle de l'homme, celle qu'elle avait cultivée avec le plus de soin peut-être, la paléontologie humaine, atteignait presqu'au même moment sa dixième année d'existence.

C'était, en effet, en 1859, et quelques semaines seulement. après la constitution de notre compagnie, que les découvertes d'Abbeville et de Denise avaient reçu en Angleterre et en France une sanction définitive, Et les organisateurs de la séance du 8 juillet 1869 avaient voulu rappeler à la fois deux dates mémorables dans l'histoire de notre science, en associant à ce compte rendu décennal des progrès de nos études l'éloge de Boucher de Perthes, qui avait si chaleureusement plaidé la cause de l'homme fossile.

Boucher de Perthes avait vaillamment combattu pendant de longues années pour la vérité, et l'habile orateur qui nous racontait ses interminables luttes a su fort bien mettre en relief la physionomie originale de l'archéologue abbevillois.

Mais ce qu'il ne pouvait pas dire, c'est que, si Boucher de Perthes avait été un des initiateurs de l'anthropologie préhistorique, c'était à l'homme célèbre qui nous présidait ce jour même, à Edouard Lartet, que revenait l'honneur de l'avoir constituée à l'état de science. La première vertu de Lartet était, en effet, la modestie, et c'est seulement aujourd'hui que nous avons perdu ce maître illustre qu'il est permis de rendre. justice à ses impérissables travaux.

Edouard-Amand-Isidore-Hippolyte Lartet était né le 15 avril 1801 (25 floréal an IX) à Saint-Guiraud, près de CastelnauBarbarens, dans le département du Gers, de Jean-Hospice Lartet et de Marie-Anne Sicres. Il était le plus jeune des cinq fils issus de ce mariage. Son enfance s'écoula aux bords de l'Arratz, dans la vieille propriété d'Em-Poucourou, berceau de sa famille depuis plus de trois siècles; puis, comme ses autres frères, il fut envoyé au collége, où il fit des études littéraires aussi complètes que le comportait l'enseignement secondaire du premier empire. Il a laissé à Auch d'excellents souvenirs; il fut même un des trois élèves qui remportèrent les médailles d'honneur données à cet établissement par Napoléon Ier.

Ces fortes études classiques, dont il devait tirer plus tard un si heureux parti, l'avaient mis en état de subir avec distinction les épreuves universitaires, en même temps que, comme deux de ses frères, il abordait le droit à la faculté de Toulouse.

Edouard Lartet n'avait pas pour les sciences juridiques de prédilection bien particulière : il laissait ses frères suivre leur goût pour le barreau et la magistrature, s'attachant de préférence aux lectures historiques et archéologiques. Le père de famille cependant, qui voulait que, dans la profession d'avocat à laquelle il destinait le lauréat du collège d'Auch, celui-ci sût unir la pratique à la théorie, l'envoya, après sa licence, faire son stage à Paris, en compagnie d'un frère plus âgé ; il le fit même entrer un peu plus tard à titre bénévole dans une étude d'avoué.

Ce n'était pas tout à fait peine perdue; exact, comme il l'a toujours été, dans sa longue carrière, à remplir tous les devoirs que lui imposait sa condition, Edouard Lartet accomplissait, sans doute, avec régularité les nouvelles fonctions qui lui étaient dévolues. Mais son séjour dans la capitale profitait surtout à ses travaux favoris; souvent, par échappées, il allait chercher dans les grands établissements du quartier latin, qu'il habitait du reste, le haut enseignement à l'aide duquel il complétait peu à peu son éducation première; puis il lisait et lisait encore, et comme son budget d'étudiant était assez modeste, il revendait les livres lus pour s'en procurer d'autres.

Aussi, quand il revint dans le Gers, Edouard Lartet, certainement rompu à la pratique des affaires, était bien plus encore

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