Images de page
PDF
ePub

faites que sur le mil, je crois pouvoir étendre aux autres semences végétales les remarques qui vont suivre.

Le procédé de Tiedemann se pratiquait dans l'origine par la méthode des pesées différentielles. J'ai déjà dit que Phillips le modifia en déterminant directement le volume de la jauge dans un cylindre gradué : cette modification a été adoptée par M. Welcker et plus récemment par M. Mantegazza, qui d'ailleurs s'est servi du mil. J'aurai donc à étudier le procédé de Tiedemann sous ses deux formes : la pesée et le cubage direct.

La pesée prête le flanc à une objection décisive. Pour que le poids d'une substance pût donner une idée exacte de son volume, il faudrait que cette substance eût toujours le même poids spécifique; or le poids spécifique d'une semence végétale varie suivant les climats; sous le même climat, elle varie suivant les lieux; dans le même lieu elle varie suivant les années. Tous les agronomes, tous les marchands de grains. savent cela. Ainsi, dans une expérience de 1866, faite avec le concours de M. Sauvage, je constatai qu'un litre de mil, mesuré dans un certain vase, et introduit avec un certain entonnoir, pesait 660,60 (moyenne de cinq expériences; maximum 664; minimum 658). En avril 1872, trouvant ce mil gâté par les souris, j'en ai acheté d'autre, et, me servant du même vase et du même entonnoir, me plaçant par conséquent dans les mêmes conditions, j'ai trouvé qu'un litre du nouveau mil pesait 666,71 (moyenne de sept expériences; maximum 670; minimum 665).

Il y a plus, une même quantité de grain n'a pas le même poids en temps de sécheresse et en temps d'humidité. Tout le monde encore sait cela, et Tiedemann lui-même ne pouvait l'ignorer; il est clair toutefois qu'il ne s'était pas demandé jusqu'où pouvaient aller les erreurs dépendant de cette cause.

Le 3 avril, j'ai placé dans une boîte close une assiette contenant une certaine quantité de mil, à côté d'une soucoupe pleine d'eau. Le thermomètre, pendant le jour, marquait +6 degrés. Au bout de trois jours l'assiette de mil a été exposée à l'air libre dans mon laboratoire; la température du jour s'était rapidement élevée à 12 et 15 degrés. La fenêtre restait ouverte jour et nuit. Le 12 avril, après six jours d'exposition à l'air libre, le mil fut mis dans la balance. Il pesait 277,50.

Ce mil fut alors placé dans une étuve à gaz, et maintenu pendant cinq heures à une température de 40 degrés. On éteignit le gaz et on laissa la porte de l'étuve ouverte jusqu'au lendemain. Le 13 avril, le mil pesait 264 grammes. On chauffa de nouveau l'étuve à 40 degrés pendant cinq heures, au bout desquelles le poids du mil était réduit à 260 grammes.

Alors le mil fut de nouveau laissé à l'air libre; la fenêtre du laboratoire était toujours ouverte. La température du jour était d'environ 17 degrés.

Le 15 avril, le poids était remonté à 262 grammes; le 16, à 2645,50; le 23, à 270 grammes. L'expérience n'a pas été poussée plus loin.

Les conditions artificielles auxquelles j'ai soumis cette quantité de mil ne dépassent certainement pas les limites des changements naturels de la température et de l'humidité. Et cependant le poids de chaque grain de mil a varié, comme 260 grammes: 277%,5, c'est-à-dire de près de 7 pour 100, et si, à cette première cause d'erreur, on joint celle qui résulte de l'influence des lieux et de l'année sur la densité des grains, on reconnaîtra que la mensuration du crâne par les pesées de mil (avec ou sans réduction du poids en volume) ne peut mériter aucune confiance.

Je laisse donc de côté les pesées, que j'ai d'ailleurs lieu de croire abandonnées aujourd'hui, pour ne m'occuper que du cubage direct. Je parlerai d'abord du procédé du mil.

Le cubage proprement dit n'est que le second temps de l'opération. Il faut d'abord commencer par jauger le crâne, et le mil pour cela ne vaut guère mieux que le sable. En voici la preuve :

Je pèse 1 kilogramme de mil, quantité plus que suffisante pour jauger le crâne étalon, puis je remplis successivement ce crâne de diverses manières, en pesant chaque fois le reste R qui n'a pu y pénétrer.

1° Je remplis le crâne en l'inclinant et le secouant mollement sans taper, et j'obtiens R = 125 grammes. Cette première pesée ne doit pas entrer en ligne de compte, parce que tous les auteurs qui ont employé les graines végétales ont

recommandé de taper sur le crâne;

2o Je le remplis en inclinant, secouant et tapant pendan une minute; R = 74 grammes.

30 Même expérience en tapant plus longtemps, et en secouant à plusieurs reprises. R = 54 grammes.

4o Comme la troisième fois. R= 54 grammes.

5° Je m'attache à procéder autant que possible comme dans les expériences 3 et 4; mais cette fois R = 45 45 grammes. 6° Sans vider le crâne de l'expérience 5, je tape encore une minute et le reste descend à 58 grammes.

7° Alors, sans vider le crane, j'introduis le doigt à travers le trou occipital pour refouler le mil; en bourrant ainsi à plusieurs reprises, je produis un vide notable, que je remplis chaque fois; le reste diminue d'autant et se réduit à 3 grammes.

La différence entre cette expérience et la deuxième (je ne parle pas de la première) est de 71 grammes, représentant environ 105 centimètres cubes. Sans doute, le même expérimentateur n'obtiendra jamais de pareils écarts, à moins qu'il ne fasse varier à dessein les conditions du jaugeage; mais, deux expérimentateurs opérant chacun à sa manière, pourront très-bien arriver à des différences très-considérables.

Pour faire disparaître cette grande incertitude, il faudrait trouver le moyen de remplir le crâne au maximum, ce qui n'est possible qu'à l'aide du bourrage. Mais quelle sera la limite de ce bourrage? Est-ce celle de l'expérience 7? Il est clair que le doigt ne peut pénétrer qu'à une faible profondeur, qu'il ne bourre que très-incomplétement. Il faudrait donc se servir du fuseau. C'est ce que j'ai fait, pour continuer l'expérience 7. Dans ce même crâne, qui paraissait déjà plein, où le doigt ne pénétrait plus, le fuseau a pénétré aisément. Les 3 grammes du reste y ont d'abord trouvé place; puis, en bourrant toujours et sans beaucoup de force, j'ai introduit en plusieurs fois 25 autres grammes, repris dans la boîte. Et j'aurais pu en ajouter plus encore, car le fuseau pénétrait toujours, si je ne m'étais aperçu que mon mil commençait à se briser. J'ai donc dù m'arrêter en constatant que le grain s'écrase avant que le crâne soit rempli au maximum, qu'il est impossible, par conséquent, de pousser le jaugeage jusqu'à une limite déterminée et constante, qu'en d'autres termes, ce procédé ne peut être régularisé.

Il y a plus. Le même opérateur, s'efforçant de procéder toujours de la même manière ne parvient jamais à obtenir des jauges constantes pour un même crane. J'ai fait et fait faire, à

ce sujet, plusieurs séries d'expériences, entre autres la suivante : Un de mes aides jaugea huit fois de suite le crâne étalon, par le procédé des tapes. Il tapait fortement sur les parois, aussi longtemps qu'il voyait se produire du vide, et ne s'arrêtait qu'après avoir tapé pendant toute une minute sans résultat appréciable. Chaque expérience durait environ cinq minutes. Le poids des huit jauges de mil varia entre 990 et 978 grammes: différence, 12 grammes, représentant de 17 à 18 centimètres cubes; et, chose bonne à noter, les 4 premières jauges avaient donné une moyenne de 987,50, tandis que la moyenne des 4 dernières ne fut que de 982",75. Cette diminution prouve que la main de l'opérateur, fatiguée et légè rement endolorie, agissait avec une force décroissante, et que, si l'on cubait par ce procédé une vingtaine de crânes seulement, on commettrait, sans le savoir, des erreurs sérieuses.

On abrége beaucoup la durée du jaugeage en joignant à l'action des tapes celle du bourrage pratiqué de temps en temps avec le bout du doigt, comme le faisait Tiedemann; mais alors l'incertitude s'accroît encore, car le procédé n'a plus aucune fixité. Rien ne détermine le moment où il faut bourrer, ou celui où il faut taper. D'ailleurs, le doigt qui bourre se fatigue très-vite; ainsi, ayant fait jauger par un aide le crâne étalon quatre fois de suite, suivant ce procédé mixte, je vis la jauge descendre de 9 5 grammes à 981; alors, reprenant moi-même, après cette dernière pesée, le crâne encore plein, je pus, avec mon doigt non fatigué, y faire pénétrer un supplément de 21 grammes de mil, et porter ainsi la jauge à 1012 grammes.

J'ai fait plusieurs fois moi-même l'essai du procédé mixte, qui consiste à combiner les tapes et le bourrage avec le doigt. J'ai le plus souvent obtenu, sur cinq expériences, un écart de 8 à 10 centimètres cubes; et encore étais-je obligé d'exercer sur les moindres détails de la manœuvre une surveillance impossible à réaliser dans la pratique courante.

Je n'ai parlé jusqu'ici que du jaugeage au mil. Je n'ai pas expérimenté l'orge perlé, employé par M. Welcker, mais j'ai fait divers essais avec la moutarde blanche (procédé de Philipps), et les résultats que j'ai obtenus n'ont pas été plus satisfaisants que ceux du jaugeage au mil. Je suis donc resté convaincu que les graines de nature végétale, et généralement toutes les

substances granuleuses plus ou moins fragiles qui ne peuvent supporter, sans se briser, l'épreuve du bourrage avec le fuseau, ne peuvent donner que des jauges infidèles, et ne sauraient, par conséquent, servir à des recherches rigoureuses.

Après cela, vient la détermination du volume de la jauge dans un vase gradué. Ici, je serai bref, car sous le rapport du cubage direct, le mil ne diffère pas sensiblement du plomb. Comme le plomb, et à l'inverse de ce que fait le sable, il occupe d'autant moins de volume qu'il tombe plus lentement dans le vase. Comme le plomb, et comme le sable aussi, il se tasse d'autant plus qu'il tombe de plus haut; il occupe donc moins de place dans un vase haut que dans un vase bas. Lorsqu'on remplit rapidement le litre L et qu'on le rase, le contenu de ce litre, versé à travers l'entonnoir de 15 millimètres de goulot dans un vase gradué cylindrique de 58 centimètres de haut, n'y occupe plus que 962 centimètres cubes au lieu de 1000: la différence est de 38 centimètres cubes (1). Mais je n'y insiste pas, parce qu'on peut faire disparaître cette cause d'incertitude.

(1) J'ai fait aussi des expériences sur le cubage de la graine de moutarde blanche. Voici quelques-uns des résultats que j'ai obtenus. J'ai rempli le litre en étain L haut de 175 millimètres, en y versant la graine rapidement à l'aide du double litre. Il en a reçu 689 grammes.

Cette jauge, versée à travers un entonnoir de 20 millimètres de goulot dans une éprouvette de 1 litre, haute de 38 centimètres, ne l'a pas remplie. Il est resté un vide de 35 centimètres cubes, exactement comme dans les expériences faites sur le mil avec le même entonnoir.

Ce vide étant comblé, le contenu de l'éprouvette a été porté à 713 grammes.

Reprenant les 689 grammes de la première jauge, je.les ai introduits de nouveau dans la même éprouvette, en me servant d'un entonnoir beaucoup plus étroit, dont le goulot n'avait que 1 centimètre de diamètre. Cette fois il est resté un vide de 80 centimètres cubes; pour le remplir il a fallu ajouter 59 grammes, et le poids de la jauge de l'éprouvette s'est élevé à 748 grammes.

Alors j'ai rempli le flitre en étain L, non plus en y versant directement le grain, mais en l'y introduisant à travers l'entonnoir de 2 centimètres de goulot. Il a pu ainsi en recevoir 697 grammes, c'est-à-dire 8 grammes de plus que la première fois.

Je ne crois pas devoir donner ici l'explication de ces différences; elles tiennent aux causes qui font varier les jauges de plomb, et dont il sera question plus loin. Le crâne étalon, dont la capacité réelle est de 1424 centimètres cubes, reçoit par le procédé mixte des tapes et du bourrage avec le doigt une jauge de graines de moutarde de 1055 grammes en moyenne. En cubant le premier litre de cette masse dans le litre en étain et le surplus dans l'éprouvette, avec l'entonnoir de 2 centimètres, on lui donne un volume de 1480 centimètres cubes; en reprenant la masse entière pour la mesurer en deux fois dans l'éprouvette avec l'entonnoir de 1 centimètre de goulot, on la réduit au volume de 1387 centimètres cubes; différence : 93 centimètres. On peut donc, en variant la combinaison instrumentale, obtenir une capacité bien supérieure ou bien inférieure à la capacité réelle du crâne.

« PrécédentContinuer »