Images de page
PDF
ePub

grammaire et le droit, et me donna un idjaza général'. Pour les renseignements qu'il me communiquait, il citait l'autorité des divers maîtres sous lesquels il avait étudié et dont il avait inscrit les noms sur un registre. Un des mieux connus parmi eux était Abou 'l-Abbas Ahmed Ibn el-Ghammaz el-Khazradji, cadi de la communauté 2, à Tunis.

6° J'étudiai le droit à Tunis sous plusieurs maîtres, savoir: Abou Abd-Allah Mohammed Ibn Abd-Allah el-Djeïyani (natif de Jaën) et Abou 'l-Cacem Mohammed Ibn el-Casîr, qui m'enseigna aussi l'abrégé du Modaouena 3, composé par Abou Saîd el-Berdaï (§1μl) et intitulé El-Temhîd, ainsi que le Modaouena (ou digeste) des doctrines particulières de la jurisprudence malékite. Je fis aussi un cours de droit sous sa direction, et je fréquentai, en même temps, les séances de notre cheïkh Abou Abd-Allah Mohammed Ibn Abd es-Selam, cadi de la communauté. Mon frère Mohammed, maintenant décédé, assistait avec moi à ces réunions. Je profitai beaucoup des lumières d'Ibn Abd es-Selam, à qui j'entendis aussi lire et expliquer le Mowatta de l'imam Malek. Il avait appris, par la voie de la tradi

[blocks in formation]

dence enseigné par cet imam. Le rédacteur, Abd er-Rahman Ibn el-Cacem, mourut au vieux Caire, l'an 191 (806 de J. C.).

4

Notre auteur avait deux frères, Mohammed et Yahya. Le premier paraît être mort jeune; le second partagea pendant quelques années la fortune de son frère Abou Zeïd, et, comme lui, il composa un ouvrage historique ayant pour sujet la ville de Tlemcen et la dynastie abd el-ouadite; comme lui, il prit une part assez active dans les mouvements politiques de l'Afrique septentrionale et il remplissait les fonctions de secrétaire d'état à Tlemcen lorsqu'il fut assassiné par l'ordre du prince royal Abou Tachefin. (Hist. des Berbers, t. III, p. 474 et suiv.)

tion orale, le texte de ce livre; s'étant adressé à un docteur d'une grande autorité, Abou Mohammed Ibn Haroun et-Taï, le même qui plus tard tomba en démence.

Je pourrais citer encore les noms de divers cheïkhs tunisiens sous lesquels je fis des études, et desquels je tiens de bons certificats et des idjaza. Ils moururent tous à l'époque de la grande peste.

En l'an 748 (1347 de J. C.), Abou 'l-Hacen, souverain du Maroc, s'empara du royaume d'Ifrikiya 1. Il arriva dans notre ville, accompagné d'un grand nombre de savants, qu'il avait obligés à le suivre, et qui formaient le plus bel ornement de sa cour. On y remarquait :

1o Le grand mufti et chef du rite malékite dans le Maghreb, Abou Abd-Allah Mohammed Ibn Soleiman es-Sitti 2, docteur que je me mis alors à fréquenter et dont les enseignements me furent très-utiles.

2o Abou Mohammed Abd el-Moheïmen el-Hadremi, chef traditionniste et grammairien du Maghreb, secrétaire du sultan Abou 'l-Hacen, et chargé d'écrire l'alama (parafe impérial) au bas de toutes les pièces émanant du prince. M'étant attaché à lui, je profitai de ses leçons et reçus de lui la licence d'enseigner les six principales collections de traditions, et de plus le Mowatta, le Sier d'Ibn Ishac', le traité d'Ibn es-Salâh sur les traditions, ainsi que plusieurs autres ouvrages dont j'oublie les titres. Dans la science des traditions il possédait des connaissances qui remontaient aux meilleurs sources, et l'on voyait que, pour les apprendre correctement et les retenir, il avait mis tous les soins possibles. Il possédait une bibliothèque de plus de

'Histoire des Berbers, t. III, p. 29.

Es-Sitti () signifie membre de la tribu berbère de Sitta, branche de celle d'Aureba.

3 Les auteurs de ces recueils étaient El-Bokhari, Moslem, Abou Dawoud, ElTermidi, En-Neçaï et Ibn Madja. Quelques écrivains remplacent ce dernier nom par celui de Malek. A la suite de cette liste, on cite le nom d'Ed-Daracotni et ceux des

auteurs des divers mosnad « corps de traditions, mentionnés dans le Dict. bibliographique de Hadji Khalifa (t. II, p. 550: t. III, p. 37, et t. V, p. 532 et suiv.).

Cet ouvrage, renfermant une masse de traditions relatives aux expéditions militaires des premiers musulmans, jouissait d'une grande autorité. Ibn Hicham, l'auteur de l'Histoire de Mohammed intitulée Siret er-Rasoul, y a puisé à pleines mains.

trois mille volumes, composée d'ouvrages sur les traditions, le droit, la grammaire, la philologie, les sciences fondées sur la raison et autres sujets; le texte de tous ces livres était d'une grande correction, à cause du soin qu'on avait mis à les bien collationner. Il n'y avait pas de divan (recueil de poésies) dans lequel on ne lût une inscription de la main de chacun des cheïkhs qui, à partir du temps de l'auteur, avaient successivement enseigné le contenu de l'ouvrage; les traités de droit et de grammaire, ainsi que les recueils d'anecdotes philologiques, portaient aussi des inscriptions pour en garantir l'authenticité.

3o Le cheïkh Abou 'l-Abbas Ahmed ez-Zouaoui, premier mocri1 du Maghreb. Je lus le Coran sous lui, à la grande mosquée, selon les sept leçons telles qu'Abou Amr ed-Dani (natif de Dénia) et Ibn Choreïh2 nous les ont transmises; mais je n'ai pas pu terminer cette lecture. Je l'entendis aussi expliquer plusieurs ouvrages et je reçus de lui une licence générale (idjaza).

cen,

4° Abou Abd Allah Mohammed Ibn Ibrahîm el-Abbeli 3, le grand maître pour les sciences fondées sur la raison. Sa famille était de Tlemville où il passa sa jeunesse. Ayant étudié les livres qui traitent des mathématiques (le), il se rendit maître de cette branche des connaissances humaines. Lors du grand siége de Tlemcen*, il quitta cette ville et fit le pèlerinage de la Mecque. En Orient il rencontra les docteurs les plus illustres; mais il se trouva dans l'impossibilité de profiter de leurs lumières, à cause d'une indisposition temporaire qui lui avait dérangé l'esprit. Rentré dans son pays, il étudia la logique, les principes fondamentaux de la théologie dogmatique et

[blocks in formation]

ceux de la jurisprudence canonique sous le cheikh Abou Mouça Eïça Ibn el-Imam 1. A Tunis il étudia, avec son frère, Abou Zeïd Abd erRahman, sous le célèbre Telmîd Ibn Zeïdoun (c'est-à-dire, élève d'Ibn Zeïdoun). Revenu à Tlemcen, il se trouva en possession de connaissances très-étendues dans les sciences qui sont fondées sur la raison et dans celles qui ont pour base la tradition 2. Il reprit ses études dans cette ville sous la direction d'Abou Mouça, celui que nous venons de nommer. Quelque temps après, il passa en Maghreb, ayant été forcé de s'enfuir de Tlemcen, parce qu'Abou Hammou Mouça Ibn Yaghmoracen, souverain de cette ville, avait voulu le contraindre à prendre la direction générale des finances et le contrôle des revenus fournis par les impôts. Arrivé à Maroc, il suivit avec assiduité les leçons du célèbre Abou'l-Abbas Ibn el-Benna, et, s'étant rendu maître de toutes les sciences fondées sur la raison, il hérita de la place que ce savant tenait dans l'opinion publique et même d'une réputation encore plus étendue. Après la mort de ce professeur, il se rendit dans les montagnes des Heskoura3, sur l'invitation d'Ali Ibn Mohammed Ibn Teroumît, qui désirait faire quelques études sous la direction d'un homme aussi habile. Les enseignements d'un tel maître ne pouvaient manquer d'être profitables, et quelques années plus tard, lorsque Abou Said, sultan du Maghreb, obligea Ibn Teroumît de quitter les montagnes des Heskoura et de se fixer dans la Ville-Neuve (El-Beled el-Djedid), El-Abbeli l'accompagna. Dans la suite, celui-ci fut admis par le sultan Abou 'l-Hacen au nombre des savants qu'il recevait dans sa société intime. Dès lors il se dévoua à propager dans le Maghreb les sciences

[blocks in formation]

fondées sur la raison, et ses efforts eurent beaucoup de succès. Un grand nombre de personnes l'eurent pour professeur, de sorte qu'il devint le lien qui unissait les anciens savants avec ceux de son époque. Quand il vint à Tunis avec le sultan Abou 'l-Hacen, je me mis à le fréquenter assidûment, afin d'étudier sous sa direction la logique, les principes fondamentaux de la théologie dogmatique, ceux de la jurisprudence, toutes les sciences philosophiques et les mathématiques. Je fis tant de progrès sous lui qu'il m'en témoigna souvent sa haute satisfaction.

5o Un autre savant que le sultan Abou 'l-Hacen amena à Tunis fut notre ami Abou 'l-Cacem Abd-Allah Ibn Youçof Ibn Ridouan, docteur en jurisprudence malekite. Il était un des secrétaires du souverain et se trouvait alors sous les ordres d'Abou Mohammed Abd el-Moheïmen.

Celui-ci remplissait les fonctions de secrétaire d'État et d'écrivain de l'alama, c'est-à-dire, de la formule inscrite au bas de toutes les ordonnances, manifestes et autres documents qui émanaient du sultan. Ibn Redouan fut un des ornements du Maghreb par la variété de ses connaissances, la beauté de son écriture, la régularité de sa conduite, l'habileté qu'il montrait en dressant des contrats, l'élégance de son style dans les lettres écrites au nom du sultan, la facilité avec laquelle il composait des vers et son talent pour la prédication. En effet, il remplissait très-souvent l'office d'imam quand le sultan assistait à la prière. Je fis connaissance avec lui lors de son arrivée à Tunis, et j'eus beaucoup à me louer de notre intimité. Je ne le pris cependant pas pour maître, puisque nous étions à peu près du même âge; mais, malgré cela, je profitai autant de ses lumières que de celles de mes précepteurs ordinaires.

A l'époque où notre auteur allait entrer dans la vie publique, les Hafsides, dynastie berbère almohade, régnaient sur les pays dont se composent aujourd'hui les régences de Tunis et de Tripoli. La province de Constantine et celle de Bougie formaient des vice-royautés gouvernées par des princes de cette famille.

« PrécédentContinuer »