Images de page
PDF
ePub

A l'instigation de Koreïb Ibn Khaldoun, ils emprisonnèrent cet officier et tuèrent son fils. Koreïb s'empara alors du gouvernement de Séville. Ibn Saîd rapporte ce qui suit sur l'autorité d'El-Hidjari : « Après la mort d'Abd-Allah Ibn Haddjadj, son frère Ibrahîm voulut s'emparer du pouvoir, et, pour mieux y réussir, il s'allia par un mariage à la famille d'Ibn Hafsoun1, un des insoumis les plus redoutables de l'Espagne, et qui s'était rendu maître de la ville de Malaga et de toute cette province jusqu'à Ronda. Ayant ensuite abandonné ses nouveaux alliés, il se tourna vers Koreïb Ibn Khaldoun, gagna son amitié et devint son lieutenant dans le gouvernement de Séville. Koreïb opprimait les habitants et leur témoignait un mépris excessif, tandis qu'Ibrahîm les traitait avec douceur et intercédait toujours en leur faveur auprès de son chef. S'étant concilié de cette manière l'affection du peuple à mesure que Koreïb la perdait, il fit demander secrètement à l'émir Abd-Allah des lettres de nomination au gouvernement de Séville afin de s'assurer, au moyen de cette pièce, toute la confiance de ses administrés. Ayant obtenu ce diplôme, il en donna connaissance aux notables (s) de la ville, et ceux-ci, lui étant tout dévoués, se déclarèrent contre Koreïb, dont la conduite les avait indignés. Le peuple se souleva, tua Koreïb et envoya sa tête à l'émir Abd-Allah. Ibrahîm devint ainsi maître de Séville.

Π

[ocr errors]

Il résidait, dit Ibn Haiyan, tantôt à Séville et tantôt au château de Carmona, une des places les plus fortes de l'Espagne2. C'est là qu'il tenait sa cavalerie. Il enrôla des troupes, les organisa et, pour cultiver la faveur de l'émir Abd-Allah, il lui envoya de l'argent, de riches présents et des secours d'hommes à chaque bruit de guerre. Sa cour fut un centre d'attraction; ses louanges étaient dans toutes les bouches; les hommes de naissance qui se rendaient auprès de lui rece

1

M. Dozy a raconté les aventures de cet homme remarquable dans le second volume de son Histoire des musulmans d'Espagne.

2

Comme le nom du chef dont lbn Haiyan parle dans le passage suivant n'y

est pas mentionné, j'avais cru, en rédigeant la note 3 de la page 201 du second volume de l'Histoire des Berbers, qu'il s'agissait de Koreïb Ibn Khaldoun. J'ai reconnu depuis que l'historien pensait à Ibrahîm Ibn el-Haddjadj.

vaient de riches présents; les poëtes célébraient ses nobles qualités et obtenaient de belles récompenses; Abou Omar Ibn Abd-Rabbou, l'auteur de l'Icd1, recherchait son patronage et négligeait pour lui tous les autres chefs qui s'étaient insurgés (contre le gouvernement des Oméiades) 2. Reconnaissant le haut mérite de cet auteur, (Ibrahîm) le comblait de dons. »

La famille Khaldoun conserva toujours à Séville la haute position dont Ibn Haiyan, Ibn Hazm et d'autres écrivains ont parlé. Sa prospérité dura, sans interruption, tant que régnèrent les Oméiades, et ne disparut qu'à l'époque où l'Espagne se trouva partagée en plusieurs royaumes indépendants. Cette maison, n'ayant plus alors la foule de clients qui faisaient sa puissance, avait perdu le commandement. Lorsque Ibn Abbad eut consolidé son autorité dans Séville, il ouvrit à la famille Khaldoun la carrière du vizirat et des emplois administratifs. Les membres de cette famille assistèrent avec Ibn Abbad et Youçef Ibn Tachefin à la bataille de Zellaca, et plusieurs d'entre eux y trouvèrent le martyre. Dans cette journée, les roi des Galiciens (Alphonse VI, roi de Léon et de Castille) essuya une défaite entière. Pendant la mêlée, les Khaldoun se tinrent inébranlables auprès d'Ibn Abbad, et se laissèrent tailler en pièces. Ce fut avec l'aide de Dieu seul que les musulmans purent remporter la victoire. A la suite de ces événements et de l'occupation de l'Espagne par Youcef Ibn Tachefîn et ses Almoravides, la domination des Arabes fut renversée, et leurs tribus se désorganisèrent.

De mes aïeux en Ifrîkiya.

Les Almohades, peuple qui eut pour souverains Abd el-Moumen et ses enfants, enlevèrent l'Espagne aux Almoravides et confièrent, à

1

Voyez ci-après, p. 30, note 2.

On trouvera la liste nominative de ces chefs dans le Baiyan, t. II, p. rv et suiv. et dans le Maccari de M. de Gayangos, vol. II, p. 439 et suiv. Dans le second vo

lume de l'Histoire d'Espagne de M. Dozy, on trouvera des détails très-curieux et parfaitement authentiques au sujet de Koreib Ibn Khaldoun.

1

[ocr errors]

diverses reprises, le gouvernement de Séville et de l'Andalousie occidentale au dignitaire le plus éminent (s; zaim) de leur empire, le cheikh Abou Hafs, chef de la tribu des Hintata. Plus tard, ils élevèrent son fils, Abd el-Ouahed, à ce poste; puis ils nommèrent Abou Zékérïa, fils de celui-ci. A cette époque, nos ancêtres de Séville s'étaient ralliés aux Almohades, et un de nos aïeux maternels, nommé Ibn el-Mohteceb, donna au nouveau régent une jeune captive galicienne. Abou Zékérïa en fit sa concubine et eut d'elle plusieurs enfants: savoir, Abou Yahya Zékérïa, Omar et Abou Bekr. Le premier fut son successeur désigné; mais il mourut avant son père. Cette femme porta le titre de Omm el-Kholefá a mère des khalifes2. Postérieurement à l'an 620, Abou Zékérïa passa au gouvernement de l'Ifrîkiya; puis, en l'an 625 (1228 de J. C.), il répudia la souveraineté des descendants d'Abd el-Moumen, se déclara indépendant, et resta maître de ce pays. Vers la même époque, l'empire des Almohades en Espagne se désorganisa, et Ibn Houd se révolta contre eux 3. A la mort de ce prince, toute l'Espagne (musulmane) fut bouleversée, et le roi chrétien l'attaqua avec acharnement, faisant de fréquentes incursions dans la Forontîra, formée par la plaine qui s'étend depuis Cordoue et Séville jusqu'à Jaën. Ibn el-Ahmar se mit en révolte à Arjona, forteresse située dans l'Andalousie occidentale, espérant s'approprier les derniers restes de l'Espagne (musulmane). S'étant adressé au conseil municipal de Séville, corps dont les membres appartenaient aux familles d'El-Badji, d'El-Djedd, d'El-Oué

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

pas

zir Seïyid en-Nas et de Khaldoun, il l'invita à se déclarer contre Ibn Houd, et à laisser la Forontîra au roi chrétien, afin de se borner à la possession des montagnes du littoral et des villes fortes de cette région, depuis Malaga jusqu'à Grenade et de là jusqu'à Almeria. Comme ces chefs ne virent la nécessité d'abandonner leur pays, Ibn el-Ahmer rompit toute relation avec eux et avec leur président Abou Merouan el-Badji. Dès lors il reconnut tantôt la souveraineté d'Ibn Houd, tantôt celle du prince de la famille d'Abd el-Moumen qui régnait à Maroc, et tantôt celle de l'émir Abou Zékérïa, souverain de l'Ifrîkiya. S'étant établi à Grenade, il en fit la capitale de son royaume, et laissa sans défense la Forontîra et les villes qu'elle renfermait. La famille Khaldoun, s'apercevant alors du danger auquel les entreprises du roi chrétien l'exposeraient par la suite, abandonna Séville, et s'étant rendue à Ceuta, sur la côte opposée de la Méditerranée, elle s'établit dans cette ville. Le roi chrétien ne tarda pas à se jeter sur les places fortes de la Forontîra, et, dans l'espace de vingt ans, il s'empara de Cordoue, de Séville, de Carmona et de Jaën, ainsi que des dépendances de ces villes.

Arrivée à Ceuta, la famille Khaldoun s'unit par des mariages à celle d'El-Azefi 1, et cette alliance eut du retentissement. Parmi ses membres qui avaient émigré en Afrique, se trouvait notre aïeul, ElHacen Ibn Mohammed, fils d'une fille d'Ibn el-Mohteceb. Voulant faire valoir les services que ses aïeux avaient rendus à la famille d'Abou Zékérïa, il vint à la cour de cet émir, qui le reçut avec une haute distinction. Ensuite il passa en Orient, et, après avoir accompli le pèlerinage, il retourna en Afrique et trouva, auprès de l'émir Abou Zékérïa, qui était alors sous les murs de Bône, l'accueil le plus gracieux. Depuis ce moment, jusqu'à sa mort, il vécut à l'ombre tutélaire de l'empire hafside, jouissant des faveurs du prince, qui lui avait assigné un traitement et des ictá2. Il mourut à Bône et y fut enterré. La jeu

'Pour l'histoire de cette famille distinguée, voyez Histoire des Berbers, t. IV, p. 64, 160, 198 et suiv.

* Le souverain pouvait concéder à ses protégés la jouissance d'un immeuble, ou bien le droit de s'approprier les impôts

nesse de son fils Abou Bekr Mohammed fut entourée de la même protection et comblée des mêmes bontés. La mort de l'émir Abou Zékérïa, événement qui eut lieu à Bône en l'an 647 (1249 de J. C.), ne diminua en rien la prospérité dont il jouissait : El-Mostancer Mohammed, fils et successeur d'Abou Zékérïa, le maintint dans la belle position qu'on lui avait faite. Le cours du temps amena ensuite les changements qui lui sont ordinaires: El-Mostancer mourut en 675 (1277 de J. C.), et son fils Yahya (El-Ouathec) lui succéda; mais l'émir Abou Ishac arriva d'Espagne, où il s'était réfugié du vivant de son frère El-Mostancer 1, et se rendit maître de l'Ifrikiya, après avoir déposé son neveu. Ce nouveau souverain confia à notre aïeul les fonctions d'émir el-achghal (ministre des finances), avec les mêmes attributions que celles des grands officiers almohades chargés précédemment de remplir cette charge. Ainsi il avait le droit de nommer les percepteurs, de les destituer et de leur faire rendre leurs comptes (par l'emploi de la torture). Abou Bekr s'acquitta de ces devoirs. d'une manière distinguée. Plus tard, quand le sultan Abou Ishac envoya à Bougie son fils et successeur désigné, Abou Farès, il lui assigna comme premier ministre (hadjeb) notre grand-père Mohammed (fils d'Abou Bekr 2), qui ensuite donna sa démission et retourna à la capitale. L'imposteur Ibn Abi Omara s'étant emparé de (Tunis), siége de l'empire hafside, emprisonna Abou Bekr, et, lui ayant arraché toutes ses richesses par l'emploi des tortures, le fit étrangler dans le lieu où on l'avait enfermé 3. Le sultan Abou Ishac, accompagné de ses fils et de notre grand-père Mohammed, fils d'Abou Bekr, se rendit à Bougie, où il espérait trouver un refuge; mais, arrivé dans cette ville, il fut mis aux arrêts par son propre fils, Abou Farès. Celui-ci sortit ensuite à la tête des troupes, emmenant ses frères avec lui, et marcha contre le prétendant, qui se faisait passer pour El-Fadl, fils

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PrécédentContinuer »