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est plongée dans l'Océan, sur lequel elle semble flotter comme un grain de raisin sur l'eau, et que la mer s'est retirée de quelques côtés de la terre, parce que Dieu voulait former des animaux qui devaient vivre sur le sol laissé à découvert, et y mettre comme population la race humaine, pour lui servir de lieutenant à l'égard des autres animaux. D'après cela, quelques personnes ont pensé, mais à tort, que l'eau était placée sous la terre. Le véritable dessous de la terre c'est le point central de sa sphère, vers lequel tout se dirige par suite de sa pesanteur. Les autres côtés de la terre, avec la mer qui les entoure, forment le dessus. Donc si l'on dit, en parlant d'une portion de la (terre), qu'elle est placée en dessous, cela veut dire que cette portion l'est ainsi par rapport à une autre (partie du monde)'.

la

La partie de la terre que l'eau a laissée à découvert occupe moitié de la surface du globe. Cette partie, qui est d'une forme circu- P. 74. laire, est entourée de tous les côtés par l'élément humide, c'est-à-dire par une mer que l'on nomme l'Environnante. On la désigne aussi par le mot Leblaïa2, dont le second l se prononce d'une manière emphatique. On l'appelle aussi Okíanos (Òxeavós), qui est un mot étranger, ainsi que le précédent. Enfin on la nomme mer Verte, ou mer Noire. La terre, laissée à découvert pour servir d'habitation, renferme des lieux déserts, et la portion inhabitée est plus grande que celle où se trouvent des populations. Ces déserts sont plus nombreux au midi qu'au nord. La région habitée s'étend davantage vers le nord et offre la forme d'une surface convexe. Du côté du midi, elle touche à l'équateur, et du côté du nord à un cercle de la sphère, au delà duquel trouvent les montagnes qui la séparent de l'élément humide et au mi

انه تحت الارض Le manuscrit D porte 1

l'édition de Boulac offre la même leçon, et remplace a par ais, ce qui confirme notre traduction.

2

Pour, il faut lire, avec les manuscrits et l'édition de Boulac,

. Ce mot est peut-être une altération de wéλayos, ou bien il représente

l'Atlantique. Ce dernier mot étant changé
en, puis ponctué d'une manière
inexacte, aura produit le mot Leblaïa.
El-Bekri, dans sa Description de l'Afrique
septentrionale, page 249, donne au mont
Atlas le nom de , Adlant: le nom
d'Atlas était donc connu des Arabes.

lieu desquelles s'élève la barrière de Gog et Magog1. Ces montagnes s'étendent obliquement vers l'orient; de ce côté, ainsi que du côté de l'occident, elles ont pour limites l'élément humide et elles coupent deux segments le cercle qui entoure la terre habitable 2.

La partie découverte de la terre occupe, dit-on, à peu près la moitié du globe; la partie habitée n'en occupe que le quart et se divise en sept climats. L'équateur s'étend de l'occident à l'orient et partage la terre en deux moitiés. Il traverse la partie la plus allongée de la terre et forme le plus grand des cercles qui entourent le globe, de même que le zodiaque et la ligne équinoxiale sont les plus grands cercles de la sphère céleste.

Le zodiaque se partage en trois cent soixante degrés; un degré de la surface terrestre a une longueur de vingt-cinq parasanges;

la pa

P. 75. rasange se compose de douze mille coudées, formant trois milles, car le mille a quatre mille coudées de longueur; la coudée se partage en vingt-quatre doigts; le doigt a pour mesure six grains d'orge alignés les uns à côté des autres, dos contre ventre.

La ligne équinoxiale est dans le même plan que l'équateur; entre elle et chacun des deux pôles il y a quatre-vingt-dix degrés. La partie habitée du monde s'étend depuis l'équateur jusqu'au soixante-quatrième degré de latitude septentrionale. Au delà tout est désert et sans habitants, à cause de l'extrême froid et de la glace. La partie de la terre située au sud de l'équateur est aussi entièrement déserte3; mais c'est par l'effet de la chaleur. Plus loin nous expliquerons toutes

ces matières.

Les auteurs qui ont décrit la partie habitée du monde, ses limites, ce qu'il renferme de villes, de centres de population, de montagnes, de fleuves, de déserts et de sables, Ptolémée, par exemple, dans son

1

Voy. Iagiouge et Magiouge dans la

Bibl. or. de d'Herbelot, et ci-après dans
la description du sixième climat.

2

Voy. la copie du planisphère d'Idrîci

qui se trouve dans la traduction de la

Géographie d'Aboul'féda, par M. Reinaud, t. I, p. 120.

3 Ceci est en contradiction avec ce que l'auteur dit plus loin.

Traité de géographie, et, après lui (Idrici), l'auteur du livre de Roger, ont partagé cet espace en sept portions, qu'ils nomment les sept climats. A chaque climat ils assignent des limites imaginaires qui s'étendent de l'est à l'ouest. Tous les climats ont la même largeur, mais ils diffèrent sous le rapport de la longueur : le premier est plus long que le second; celui-ci est plus long que le troisième, et ainsi de suite. Le septième est le plus court de tous, en conséquence de la forme circulaire de cette portion du globe que les eaux ont laissée à découvert. Les géographes divisent chaque climat en dix parties, qui se suivent d'occident en orient, et qui forment chacune le sujet d'un chapitre dans lequel se trouvent exposés ce qui les distingue et le caractère des peuples qui les habitent. Les mêmes auteurs font mention d'une branche de l'océan Environnant, laquelle se trouve dans le quatrième climat et part du côté de l'occident; on la connaît sous le nom de la mer Romaine (la Méditerranée). Elle commence par un détroit qui, entre Tanger et Tarifa, n'a P. 76. qu'une largeur d'environ douze milles, et qui s'appelle Ez-Zocac (le Passage étroit). De là elle s'étend vers l'orient et acquiert graduellement une largeur de six cents milles. Elle se termine à l'extrémité orientale de la quatrième partie du quatrième climat, à onze mille cent soixante parasanges du lieu où elle commence 1. Là, sur ses bords, est le littoral de la Syrie; au midi, elle baigne les côtes du Maghreb, à partir de Tanger; ensuite elle longe successivement I'Ifrîkiya et le territoire de Barca (la Cyrénaïque), jusqu'à Alexandrie. Au nord, elle a pour limites les côtes de l'Empire byzantin, puis celles de Venise, puis le pays de Rome, ensuite les côtes de la France et celles de l'Espagne jusqu'à Tarifa, lieu situé sur le détroit, vis-à-vis de Tanger. Cette mer porte le nom de mer Romaine et de mer Syrienne; elle renferme un grand nombre d'îles, dont les plus grandes, telles que la Crète, Chypre, la Sicile, Majorque, la Sar

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P. 77.

daigne et Dénia', sont habitées. Suivant les mêmes géographes, deux autres mers sortent de celle-ci, en traversant chacune un détroit, et se dirigent vers le nord. Le premier détroit est auprès de Constantinople; à l'endroit où il communique avec la mer (Méditerranée), on pourrait lancer une flèche d'un bord à l'autre. Après s'être avancé l'espace de trois journées de navigation (dans la mer de Marmara), ce détroit arrive à Constantinople; ensuite il prend une largeur de quatre milles, se prolonge l'espace de soixante (sic) milles et reçoit le nom de canal de Constantinople. Sortant par une ouverture qui a six milles de largeur, cette mer forme la mer de Nitoch2, qui, à partir de cet endroit, s'étend vers l'orient, baigne la province d'Héraclée et s'arrête au pays des Khazars 3, à treize cents milles de son origine. Des deux côtés, sur les bords de cette mer, habitent des peuples grecs, des Turcs, des Bordjan (Bulgares) et des Russes. La seconde mer qui sort de la mer Romaine à travers un détroit s'appelle la mer de Venise. Elle commence à la hauteur du pays de la Grèce, en se dirigeant vers le nord. Arrivée à Sant-Andjel (monte San Angelo), elle se détourne vers l'occident pour atteindre le territoire de Venise et se termine, près d'Ankaliya (le pays d'Aquilée), à onze cents milles de son point de départ. Sur ses deux rives habitent des Vénitiens, des Grecs et d'autres peuples. Cette mer porte le nom de canal de Venise.

Selon les mêmes auteurs, une vaste mer (l'océan Indien) se détache de l'océan Environnant, du côté de l'orient, à treize degrés au nord de l'équateur, et s'incline un peu vers le sud, jusqu'à ce qu'elle atteigne le premier climat. Elle y pénètre en se dirigeant vers l'occident, jusqu'à la cinquième partie de ce climat; elle baigne

'Dénia n'est pas une île, mais, en l'an 405 (1014-1015 de J. C.), après la chute de la dynastie omeiade, cette ville de l'Andalousie formait, avec les Baléares, une souveraineté indépendante, que l'on appelait le royaume de Dénia.

2

, Nitoch, est une altération du mot, Bontoch, c'est-à-dire Pontus. Voy. la traduction de la Géographie d'Abou'lféda, par M. Reinaud, p. 288.

3

* Si l'auteur avait écrit quatre cent vingt milles, il aurait été plus près de la vérité.

l'Abyssinie, le pays des Zendj (Zanguebar), et s'arrête à Bab-elMandeb, localité de cette dernière contrée, et située à quatre mille cinq cents parasanges de l'endroit où cette mer commence. On la désigne par les noms de mer de Chine, mer de l'Inde, mer Abyssinienne. Sur ses bords, du côté du midi, sont les contrées des Zendj et des Berbera1, dont Amro'lcaïs fait mention dans ses poésies 2. Il ne faut pas confondre ce dernier peuple avec les Berbers, race organisée en tribus, qui habite le Maghreb. Ensuite cette mer passe successivement auprès de la ville de Macdachou (Magadoxo), du pays de Sofala, de la contrée des Ouac-Ouac3 et d'autres peuples, au delà desquels il n'existe que des déserts et de vastes solitudes. Sur cette mer, près de son origine, du côté du nord, est la Chine, puis l'Inde, puis le Sind, puis le littoral du Yémen, où se trouvent les Ahkaf“, Zebîd et autres lieux ; ensuite vient le pays des Zendj, placé à l'extremité de cette mer, puis la contrée des Bedja3.

Selon les mêmes écrivains, deux autres mers sortent de la mer Abyssinienne. L'une commence à l'extrémité de cet océan, près du Bab-el-Mandeb; elle est d'abord fort étroite, puis elle va en s'élargissant, et se dirige vers le nord, avec une légère inclinaison vers l'ouest. P. 78. Elle s'arrête à la ville de Colzom (Clysma ou Suez), située dans la cinquième partie du second climat, et se termine ainsi à quatorze cents milles de son lieu de départ. On la nomme la mer de Colzom et la mer d'Es-Souis (Suez). De son extrémité jusqu'à la ville de Fostat

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