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pour adver

par une doc

leurs empires. Il y avait alors dans le Maghreb bien des tribus assez fortes par leur nombre et par leur esprit de corps pour résister aux envahisseurs et même pour les vaincre; mais elles avaient saires des peuples dont l'esprit de corps s'était fortifié trine religieuse qui, ramenant tous les cœurs vers un même but, leur enseignait à mépriser la mort et les rendait invincibles. On voit par là comment une nation s'affaiblit lorsqu'elle ne subit plus l'influence du sentiment religieux et qu'elle s'appuie uniquement sur son esprit de corps. Une dynastie maintient1 dans l'obéissance des peuples aussi forts qu'elle, et même plus forts, pourvu qu'elle les ait vaincus après avoir doublé ses forces par l'influence de la religion. Elle les asservit, quand même elle leur est inférieure en esprit de corps et quoiqu'elle ait moins qu'eux les habitudes de la vie nomade. ReP. 186. marquez, par exemple, ce qui arriva aux Almohades avec les Zenata. Ceux-ci étaient plus habitués à la vie nomade 2 que les Masmouda (les Almohades); ils les surpassaient aussi par l'âpreté de leurs mœurs; mais les Masmouda combattaient pour leur religion sous la conduite du Mehdi, et ils avaient pris une teinture de fanatisme qui doubla la force de leur esprit de corps. Aussi les Zenata succombèrent tout d'abord, et durent obéir au gouvernement almohade, bien qu'ils fussent plus forts que leurs adversaires, tant par l'esprit de tribu que par leur habitude de la vie nomade. Mais, aussitôt que le sentiment religieux eut cessé d'agir sur le vainqueur, les Zenata se révoltèrent dans toutes les parties de l'empire et finirent par s'emparer du pouvoir. Rien ne résiste à la volonté de Dieu.

Une entreprise qui a pour but le triomphe d'un principe religieux ne peut réussir
si elle n'a
pas un fort parti pour la soutenir.

Nous avons déjà fait observer que, pour rallier3 les hommes à une entreprise quelconque, on doit avoir l'appui d'un peuple dévoué. Selon la tradition déjà citée, Dieu n'envoie jamais un prophète aux hommes

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à moins que ce messager divin n'ait des protecteurs1 dans son propre peuple.» Puisqu'il en est ainsi à l'égard des prophètes, hommes les plus capables d'exécuter des choses extraordinaires, il ne faut s'étonner si des individus, sans être prophètes et sans l'appui d'un fort parti, essayent en vain d'effectuer des conquêtes tout à fait en dehors de l'ordre commun. Voyez, par exemple, la tentative d'Ibn Cassi2, chef des soufis (espagnols) et auteur d'un livre de dévotion mystique intitulé Discalceatio3. Ayant pris les armes en Espagne, il se posa comme prédicateur de la vérité et donna à ses partisans le nom de moridin (aspirants). Cela eut lieu peu de temps avant la prédication du Mehdi (des Almohades). Son entreprise eut d'abord quelque succès : les Lemtouna (Almoravides) s'étaient laissé accabler par les Almohades, et l'Espagne ne renfermait plus aucun parti, aucune tribu capable de lui résister. Mais à peine les Almohades eurent-ils subjugué l'Afrique septentrionale qu'Ibn Cassi leur fit sa soumission. Du château d'Arkoch (los Arcos), place forte où il s'était P. 287. installé, il leur envoya un acte d'hommage et s'empressa de leur remettre sa forteresse. Aussi fut-il le premier partisan que les Almohades trouvèrent en Espagne. La révolte d'Ibn Cassi fut appelée le soulèvement des aspirants".

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On peut ranger dans cette catégorie les tentatives de plusieurs individus, appartenant les uns à la basse classe et les autres au corps des légistes, qui prirent les armes avec l'intention de supprimer les abus et de réformer les mœurs. Pour accomplir cette tâche et mériter la faveur de Dieu, bien des gens qui s'adonnent à la vie religieuse et aux pratiques de la dévotion s'insurgent contre le gouvernement tyrannique de leurs émirs. S'étant entourés d'une foule de partisans1 et d'aventuriers appartenant tous à la lie du peuple, ils se mettent à commander le bien et à défendre le mal; mais la plupart d'entre eux courent à leur perte et succombent dans leur entreprise, sans avoir mérité la faveur divine, car Dieu ne leur avait pas prescrit le devoir de réformer les mœurs : il ne donne cette commission qu'aux hommes qui ont le pouvoir de la remplir. Notre saint Prophète a dit: Si quelqu'un d'entre vous remarque des abus, qu'il les fasse disparaître en y portant la main; s'il ne le peut pas avec la main, qu'il y emploie la parole, et, si la langue est trop faible, qu'il y travaille avec son cœur. La puissance des rois et des empires ne saurait être ébranlée ni renversée que par un homme ayant pour soutien une puissante tribu ou un peuple animé d'un fort esprit de corps. Les prophètes ont accompli leur mission parce qu'ils s'appuyaient sur le dévouement de leurs tribus et de leurs familles. Voilà ceux qui réussissent avec l'aide de Dieu. Si Dieu l'avait voulu, il aurait pu les soutenir avec les forces de l'univers entier; mais, dans sa haute sagesse, il ne changea rien à la marche ordinaire des événements. Un homme peut avoir toute l'aptitude nécessaire pour remplir les devoirs de réformateur; mais s'il ne se fait pas soutenir par un puissant parti, il court à sa ruine. S'il revêt le masque de la religion dans le but d'arriver à un haut rang dans le monde, il mérite bien de P. 288. voir frustrer ses projets et d'y perdre la vie. On ne saurait faire triompher la cause de Dieu sans son approbation et son assistance, sans le servir avec un cœur dévoué et sans avoir un zèle sincère pour

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le bonheur des vrais croyants. C'est là une vérité dont aucun musulman, aucun homme raisonnable ne saurait douter.

Le premier mouvement de ce genre qui eut lieu dans l'empire musulman se fit à Baghdad, lors de la guerre civile dans laquelle Taher tua El-Amîn. El-Mamoun, qui se trouvait alors dans le Khoraçan, tardait beaucoup à se rendre en Irac; puis il désigna comme son successeur dans le khalifat Ali Ibn Mouça er-Rida, un descendant d'El-Hoceïn (petit-fils de Mohammed). Les autres membres de la famille abbacide condamnèrent hautement ce choix et, s'étant décidés à prendre les armes, ils répudièrent l'autorité d'El-Mamoun et le remplacèrent sur le trône par Ibrahîm, fils d'El-Mehdi. Pendant que Baghdad se trouvait ainsi en proie à la sédition, la populace, les brigands et la soldatesque se jetèrent sur les bons citoyens, les hommes paisibles; ils dévalisaient les voyageurs et vendaient ostensiblement dans les marchés les fruits de leurs rapines. Comme les magistrats ne pouvaient empêcher ce scandale ni intervenir en faveur des personnes qui se plaignaient d'être volées, tous les hommes pieux et les gens de bien se concertèrent afin de mettre un terme aux brigandages. Un derviche nommé Khaled parut alors dans Baghdad et somma le peuple de l'aider à ramener l'ordre. Beaucoup de monde répondit à son appel; il combattit les bandits, les vainquit et les châtia avec la dernière sévérité. Peu de temps après, un homme de la populace de Baghdad, nommé Abou-Hatem Sehl Ibn Salama elAnsari, se montra avec un Coran suspendu à son cou et somma le peuple de mettre fin aux abus', de rétablir l'ordre et d'agir selon les prescriptions du livre de Dieu et l'exemple du Prophète. Soutenu par les Hachemides (les Abbacides et les Alides) de tout rang P. 289. et de toute classe, il s'installa dans l'hôtel de Taher, y organisa des bureaux de recrutement et, s'étant mis à parcourir la ville, il châtia les malfaiteurs qui dévalisaient les passants et défendit à qui que ce fût de payer aux brigands un droit de sauf-conduit. Khaled le derviche ayant dit qu'il ne reprochait nullement au sultan les

والنهي lisez, النهي Pour

Prolégomènes.

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malheurs qui étaient arrivés, Sehl lui répondit : « Eh bien! moi, je combattrai quiconque agira contre les prescriptions du Coran et de la sonna; peu m'importe que ce soit le sultan ou tout autre. » Ceci se passa en l'an 201 (816-7 de J. C.). Vaincu par les troupes qu'Ibrahîm Ibn el-Mehdi avait expédiées contre lui, il tomba entre leurs mains et eut beaucoup de peine à s'évader 1. Un instant avait suffi pour ruiner sa puissance.

Dans la suite, plusieurs individus à l'esprit exalté suivirent les mêmes errements; ils entreprirent de maintenir la vérité, sans se douter que pour y réussir ils devaient s'appuyer sur un parti trèspuissant, et sans prévoir les résultats de leurs tentatives. Envers les gens de cette espèce, il faut employer les moyens de la douceur, dans le cas où ils ont l'esprit dérangé; s'ils excitent des séditions, il faut les mettre à mort ou les fustiger; ou bien, il faut les rendre ridicules aux yeux du public et les traiter comme des bouffons 2.

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Quelques hommes se sont donnés pour le Fatémide attendu 3, pour des agents chargés de rallier le peuple à sa cause; mais aucun d'eux ne savait qui était ce Fatémide et ce qu'il devait faire. La plupart de ces individus ont été des gens à esprit faible, ou des insensés, ou bien des imposteurs qui, en émettant de pareilles prétentions, cherchaient à saisir le commandement qui était l'objet de leur ambiP. 290. tion. Ne trouvant aucun moyen 5 ordinaire pour parvenir au pouvoir, ils se servaient de celui-ci, sans prévoir le malheur qui les attendait ni les suites fatales de leur révolte et de leur imposture. Ce fut ainsi qu'au commencement de ce siècle (le huitième de l'hégire) un nommé Et

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