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La noblesse atteint son point culminant' dans quatre générations.

Le monde formé des (quatre) éléments et ce qu'il renferme sont sujets à la corruption tant dans leur essence que dans leurs accidents 2; aussi les choses et les êtres des diverses classes, tels que les minéraux, les plantes et tous les animaux, y compris l'homme, changent et se corrompent à vue d'œil. Il en est de même à l'égard des phénomènes que le monde offre à notre observation. Cela se voit P. 248. surtout chez l'homme : les sciences, ainsi que les arts et toutes les choses de cette nature, naissent pour disparaître. La noblesse et l'illustration, simples accidents de la vie humaine, subissent inévitablement le même sort. Parmi les hommes, on n'en trouve pas un seul dont la noblesse remonte, à travers une série non interrompue d'ancêtres, jusqu'à Adam. Exceptons toutefois notre saint Prophète, qui avait reçu cette distinction comme une marque d'honneur et afin que la véritable noblesse fût conservée dans le monde 3. L'état qui précède celui de la noblesse peut se désigner par le terme d'exclusion; cela veut dire : être placé en dehors du commandement et des honneurs, et être privé d'égards et de considération. Nous entendons par là que l'existence de la noblesse et de l'illustration est précédée de sa nonexistence, ainsi que cela a lieu pour tout ce qui a un commencement. La noblesse parvient à son terme en passant par quatre générations successives, ainsi que nous allons l'expliquer. L'homme qui a fondé la gloire de sa famille sait bien par quels moyens il Ꭹ est parvenu;

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aussi conserve-t-il toujours intactes les qualités qui lui ont procuré l'illustration et qui la maintiennent. Son fils, auquel il remet le pouvoir, a déjà appris de lui comment il doit se conduire; mais il ne le sait pas d'une manière complète; celui qui entend raconter un fait ne le comprend pas aussi bien que le témoin oculaire. Le petit-fils succède au commandement et se borne à marcher sur les traces de son prédécesseur et à le prendre pour modèle unique; mais il ne fait pas les choses aussi bien que lui; le simple imitateur reste toujours au-dessous de celui qui travaille sérieusement. L'arrière petit-fils succède à son tour et s'arrête tout à fait dans la voie suivie par ses aïeux; il ne conserve plus rien de ces nobles qualités qui avaient servi à fonder l'illustration de la famille; il ose même les mépriser, et il s'imagine que ses aïeux s'étaient élevés à la gloire sans se donner la moindre peine et sans faire le moindre effort. Se figurant que, par le seul fait de leur naissance, ils avaient possédé la puissance de tout temps et de toute nécessité, il se laisse tromper par le respect qu'on lui témoigne, et ne veut pas concevoir que sa famille soit arrivée au pouvoir par son esprit de corps et par ses nobles qualités. Ne sachant pas quelle est l'origine de la grandeur de ses aïeux, il en méconnaît les véritables causes, et croit que le pouvoir leur était venu par droit de naissance; aussi se met-il bien au-dessus des guerriers dont l'es- P. 249. prit de corps soutient encore la dynastie. Habitué, dès son enfance, à leur donner des ordres, il demeure convaincu de sa supériorité et il ne se doute pas que leur obéissance ait eu pour cause les grandes qualités au moyen desquelles ses prédécesseurs avaient dompté tous les esprits et gagné tous les cœurs. Ses troupes, indisposées par le de considération qu'il leur montre, commencent par lui manquer de respect; ensuite elles lui témoigent du mépris; puis elles le remplacent par un nouveau chef, pris dans une autre branche de la même famille. Elles montrent par lå que la famille dominante impose toujours par son esprit de corps 2, fait que nous avons déjà signalé;

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mais l'individu qu'elles choisissent est celui dont le caractère leur convient le plus. Dès lors la branche favorisée de la famille prospère rapidement, pendant que l'autre se flétrit et perd tout son éclat1. Cela arrive dans toutes les dynasties, dans les familles qui gouvernent des tribus, dans celles dont les chefs occupent de grands commandements et chez tous les peuples dont l'esprit de corps est bien prononcé. Quant aux familles établies dans les villes, elles tombent dans la décadence et leurs familles collatérales les remplacent. Si Dieu voulait, il vous ferait disparaître et amènerait (pour vous remplacer) une nouvelle génération; pour lui, cela ne serait aucunement difficile. (Coran, sour. IV, vers. 132.)

La thèse que la noblesse d'une famille demeure pendant quatre générations est généralement vraie; quoique des maisons soient tombées en décadence et aient disparu avant d'avoir eu des rejetons du quatrième degré; d'autres en ont du cinquième ou du sixième degré, mais elles sont déjà en décadence et sur le point de s'éteindre. On a posé la condition de quatre générations, parce que ce nombre comprend le fondateur, le conservateur, l'imitateur et le destructeur, et qu'en effet il ne saurait être moindre. Dans les éloges et les panégyriques, on trouve encore ce nombre de quatre employé pour désigner le plus haut degré de la noblesse d'une famille : notre saint Prophète a dit « Le noble, fils de noble, fils de noble, fils de noble, c'est Joseph, fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham. » Cette parole indique clairement que Joseph avait atteint au point le plus élevé2 P. 250. de la noblesse. Dans le Pentateuque se trouve un passage qui signifie : Moi, ton Seigneur, je suis puissant3 et jaloux; je me venge des péchés des pères en punissant les enfants jusqu'à la troisième et la

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quatrième génération1. » Cela démontre aussi que, dans la généalogie d'une famille, quatre générations suffisent pour en achever la noblesse et la considération. Nous lisons dans le chapitre du Kitab el-Aghani où se trouve l'histoire d'Owaïf el-Caouafi 2, que Kisra (Nouschirwan) demanda à Noman (son phylarque arabe) si, parmi les tribus arabes, il y en avait qui surpassassent les autres en illustration? Cet officier ayant répondu affirmativement, le roi voulut savoir en quoi consistait cette illustration. Noman lui répondit en ces termes : « La tribu est déjà noble qui a eu successivement pour chefs le père, le fils et le petit-fils; si le commandement passe ensuite à l'arrièrepetit-fils, rien ne manque à l'illustration de cette tribu.» Or c'était de sa propre tribu et de sa propre famille qu'il voulait parler. Le roi, ayant ordonné des recherches, apprit que les seules familles jouissant de cet avantage étaient celle de Hodeïfa Ibn Bedr el-Fezari, de la tribu de Caïs; celle de Hadjeb Ibn Zorara, de la tribu de Temîm; celle de Dou 'l-Djeddeïn, famille cheïbanide, et celle d'El-Achâth Ibn Caïs, de la tribu de Kinda. Kisra fit venir ces chefs, avec tous ceux qui en dépendaient, et chargea une assemblée de juges d'apprécier leurs droits. Hodeïfa s'y présenta d'abord; El-Achâth vint ensuite, vu sa parenté avec Noman; après lui on introduisit successivement Bestam Ibn Caïs le Cheïbanide, Hadjeb Ibn Zerara et Caïs Ibn Acem. Tous ces chefs prononcèrent des discours d'un style très-élégant, et le roi déclara que chacun d'eux était un véritable seigneur, digne de la position qu'il occupait. L'illustration de ces familles devint proverbiale parmi les Arabes, et ne le céda qu'à celle des Beni-Hachem 3.

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P. 251.

On ajouta à cette liste les Beni-Diyan, famille qui formait une branche de la grande tribu yéménite dont l'aïeul était d'El-Hareth1 Ibn Kâb. De toutes ces indications il résulte que quatre générations achèvent la noblesse d'une famille. Au reste, Dieu le sait !

Les tribus à demi sauvages sont plus capables d'effectuer des conquêtes
que les autres peuples.

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Puisque la vie du désert inspire le courage, ainsi que nous l'avons dit dans notre troisième discours préliminaire3, les peuples à demi sauvages doivent être plus braves que les autres. En effet, ils sèdent tous les moyens qu'il faut employer lorsqu'il s'agit de faire des conquêtes et de dépouiller les autres peuples. Le caractère de chaque tribu (nomade) varie cependant avec le temps. Quand ces tribus s'établissent dans les territoires fertiles des hauts plateaux et qu'elles s'habituent à l'abondance et au bien-être que ces contrées leur offrent, alors leur s'affaiblit autant que courage leur férocité et la grossièreté de mœurs qu'ils avaient contractée dans le désert. Comparez les animaux sauvages avec les animaux domestiques3; voyez comment les bœufs sauvages et les onagres perdent leur caractère farouche et violent lorsqu'ils se sont accoutumés à la société des hommes et à une nourriture abondante. Ce changement se manifeste jusque dans leur allure et dans leur pelage. Les peuples sauvages changent également de caractère lorsqu'ils sont apprivoisés par un état de civilisation plus avancé. Cela est dans la disposition et dans la nature de l'homme; il se laisse plier à tout par la puissance de l'habitude. Les conquêtes ne s'effectuent que par l'audace et la bravoure; donc tout peuple habitué à la vie nomade et à la rudesse de mœurs qui se contracte dans le désert pourra vaincre facilement un autre peuple plus civilisé, bien que celui-ci soit aussi nombreux que lui et aussi

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