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opinion, je dirai qu'ayant vu opérer (sur des zaïrdja) sans prendre ce vers pour type, j'ai reconnu que la réponse n'était pas versifiée. Nous parlerons encore de ce fait en son lieu et place1.

Bien des gens refusent d'admettre que cette opération soit sérieuse et qu'elle puisse fournir une réponse à ce qu'on demande. Ils nient P. 218. qu'elle soit réelle et la regardent comme une suggestion de la fantaisie et de l'imagination. S'il faut les en croire, l'homme qui opère sur la zaïrdja prend les lettres d'un vers qu'il a fait comme il l'entend, et les insère parmi les lettres dont la question se compose et celles qui appartiennent aux rayons; il opère au hasard et sans règle; il produit, à la fin, le vers (qu'il a fabriqué) et fait accroire qu'il l'a obtenu en suivant un procédé régulier. Une opération conduite de cette manière ne serait qu'un mauvais jeu de l'imagination; celui qui voudrait s'y livrer serait bien certainement incapable de saisir les rapports qui existent entre les êtres et les connaissances, et de voir combien les opérations de la perception diffèrent de celles de l'intelligence. Du reste chaque observateur est porté à nier tout ce qu'il n'aperçoit pas. Pour répondre à ceux qui traitent de jongleries les opérations faites sur la zaïrdja, il nous suffira de dire que nous avons vu pratiquer ces opérations selon les règles de l'art, et que, d'après notre opinion bien arrêtée, elles se font toujours de la même manière et suivant un véritable système de règles 2. Celui dont l'esprit est capable d'un certain degré de pénétration et d'attention n'aura pas moindre doute à ce sujet, s'il veut assister à une de ces opérations. L'arithmétique, science dont les résultats sont de la dernière évidence, offre beaucoup de problèmes que l'intelligence ne saurait comprendre tout d'abord, parce qu'ils renferment des rapports que

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le

vent plusieurs traités sur l'emploi de la
zairdja d'Es-Sibti. Nous en reparlerons
dans la traduction de la troisième partie.

3 Dans le texte arabe, il faut lire, ici et
plus bas,, c'est-à-dire, des ques-
tions qui fatiguent l'esprit et qui paraissent
impossibles à résoudre.

l'on ne saisit pas facilement et qui se dérobent à l'observation. Que doit-il en être à l'égard d'un art comme celui de la zaïrdja, dont la nature est si extraordinaire, et qui se rattache à son sujet par des rapports si obscurs? Nous citerons ici un problème assez difficile, afin de faire comprendre la force de notre observation. On prend plusieurs dirhems (monnaies d'argent) et, à côté de chaque pièce, on place trois folous1. Avec la somme des folous on achète un oiseau et avec celle des dirhems on en achète plusieurs autres au même taux que le premier. P. 219. Combien a-t-on acheté d'oiseaux? La réponse est: neuf. En effet nous

savons qu'il y a vingt-quatre folous dans un dirhem; donc trois folous sont le huitième d'un dirhem. Or, puisque chaque unité se compose de huit huitièmes, nous pouvons supposer qu'en faisant cet achat nous avons réuni le huitième de chaque dirhem aux huitièmes des autres dirhems, et que chacune de ces sommes fait le prix d'un oiseau. On a donc acheté avec les dirhems seuls huit oiseaux; nombre qui est celui des huitièmes qui composent l'unité; ajoutons-y l'oiseau acheté d'abord avec la somme des folous, et nous aurons, en tout, neuf oiseaux, puisqu'avec les dirhems nous avons acheté au même taux qu'avec les folous 2.

On voit, par cet exemple, comment la réponse est renfermée implicitement dans la question, et s'obtient de la connaissance des rapports cachés qui existent entre les quantités dont le problème donne l'indication. Lorsqu'une question de cette nature se présente pour la première fois, on s'imagine qu'elle appartient à une catégorie dont la solution ne peut s'obtenir du monde invisible. Mais, au moyen des rapports mutuels des choses, on parvient à tirer l'inconnu de certaines données. Cela est surtout vrai en ce qui regarde les faits présentés par le monde sensible et par les sciences; quant aux événe

1

que

Monnaie de cuivre. Le mot folous dérive d'obolus; les Arabes le regardent comme un pluriel dont le singulier est fels.

2 L'auteur aurait pu résoudre ce problème d'une manière beaucoup plus sim

ple, en disant si trois divisé par trois donne un, vingt-quatre divisé par le même nombre donnera huit; or huit et un font neuf.

ments futurs, ce sont des secrets dont il est impossible d'obtenir une connaissance certaine, tant que nous en ignorons les causes et que nous n'en avons pas des notions certaines. D'après ce que nous venons d'exposer, on comprendra comment le procédé qui, au moyen de la zaïrdja, tire une réponse des mots dont se compose la question, se réduit à faire paraître, sous une autre forme, certaines combinaisons de lettres dont l'ordre était d'abord celui des lettres qui formaient la question. Pour celui qui entrevoit les rapports qui existent entre les lettres de la question et celles de la réponse, tout ce qu'il y a de mystérieux devient clair. Les hommes capables de reconnaître ces rapports et d'employer les règles dont nous avons parlé peuvent obtenir assez facilement la solution qu'ils cherchent. Chaque réponse de la zaïrdja, envisagée sous un autre point de vue, offre, par la position et la combinaison de ses mots, un des caractères dont toute réponse est susceptible, c'est-à-dire une négation ou une affirmation. Sous le premier point de vue, la réponse a un autre carac- P. 220. tère; ses indications rentrent dans la classe des prédictions et de leur accord avec les événements1; mais on ne parviendra jamais à la connaissance (des événements futurs) si l'on emploie des procédés du genre de celui dont nous venons de parler. Bien plus, il est défendu à l'homme de s'en servir dans ce but. Dieu communique la science à qui il veut; Dieu sait, et vous ne savez pas. (Coran, sour. II, vers. 213.)

'Je crois avoir saisi l'idée que l'auteur a voulu exprimer par la phrase dont voici

: a

la traduction littérale la catégorie de
l'accord du discours avec l'extrinsèque. »

SECONDE SECTION.

DE LA CIVILISATION CHEZ LES NOMADES ET LES PEUPLES A DEMI SAUVAGES ET CHEZ CEUX
QUI SE SONT ORGANISÉS EN TRIBUS. - PHÉNOMÈNES QUI S'Y PRÉSENTENT. PRINCIPES
GÉNÉRAUX. - ÉCLAIRCISSEMEnts.

P. 221.

La vie nomade et la vie sédentaire sont des états également conformes à la nature.

Les différences qu'on remarque dans les usages et les institutions 1 des divers peuples dépendent de la manière dont chacun d'eux pourvoit à sa subsistance; les hommes ne se sont réunis en société que pour s'aider à obtenir les moyens de vivre. Ils commencent par chercher le simple nécessaire; ensuite ils tâchent de satisfaire à des besoins factices, puis ils aspirent à vivre dans l'abondance2. Les uns s'adonnent à l'agriculture; ils plantent et ils sèment; les autres s'occupent à élever certains animaux, tels que moutons, bœufs, chèvres, abeilles, vers à soie, etc. dans le but de les multiplier et d'en tirer profit. Les gens de ces deux classes sont obligés à habiter la campagne; car les villes ne leur offrent pas des terres à ensemencer, des champs à cultiver, des pâturages pour leurs troupeaux. Contraints par la nécessité des choses à habiter la campagne, ils s'y réunissent en société, afin de s'entr'aider et de se procurer les seules choses que leur façon de vivre et leur degré de civilisation rendent indispensables. Nourriture, abri suffisant, moyens de se tenir chaud : voilà ce qu'il leur faut, mais seulement assez pour soutenir leur existence; ils sont d'abord incapables d'en obtenir davantage. Plus tard, lorsqu'ils se trouvent dans des circonstances meilleures et que leurs richesses les mettent au-dessus du besoin, ils commencent à jouir de la tranquillité et du bien-être. Combinant encore leurs efforts, ils travaillent pour obtenir plus que le simple nécessaire; on les voit

1 Littéral. « dans les états. >>

2 Les termes dont l'auteur se sert ici

sont: ed-dorouri (l'indispensable), el-hadji (le nécessaire) et el-kemali (le parfait).

amasser des vivres, rechercher de beaux habillements, bâtir de grandes maisons, fonder des villes et des bourgs pour se mettre à l'abri de tentatives hostiles. L'aisance et l'abondance introduisent des habitudes de luxe qui se développent avec vigueur et qui se reconnaissent à la manière d'apprêter les viandes, à l'amélioration de la cuisine, à l'usage des habillements de soie, de brocart et d'autres belles étoffes, et cætera. Les maisons et les palais reçoivent alors une grande hauteur1; construits avec solidité et embellis avec goût, ils montrent comment la disposition pour les arts passe de la puissance à l'acte et arrive à la perfection. On construit des châteaux et des habitations dont l'intérieur est orné de fontaines; on élève de beaux édifices décorés avec un soin extrême 2; on s'occupe à l'envi3 d'améliorer les objets d'un usage journalier, tels qu'habits, lits, vaisselle, ustensiles de cuisine. Voilà ces hommes devenus citadins (hader). Le mot hader signifie ceux qu'on a toujours présents sous la main (haderoun), et tels sont les habitants des villes et des bourgades. Parmi eux, les uns exercent des métiers pour vivre ; d'autres s'adonnent au commerce et, par les grands profits qu'ils en retirent, ils surpassent en richesses et en bien-être les gens de la campagne. Délivrés des tracas de la pauvreté, ils vivent selon leurs moyens. On voit par là P. 222. que la vie de la campagne et celle des villes sont deux états également conformes à la nature.

5

L'existence de la race arabe dans le monde est un fait parfaitement naturel.

Dans le chapitre précédent nous avons mentionné que les gens de la campagne pourvoient à leur subsistance d'une manière conforme à la nature. S'adonnant à l'agriculture ou bien à l'éducation des troupeaux, ils se contentent du strict nécessaire en fait de nourriture,

2

معالاة lisez, معالات Pour

ويبالغون في lisez, وتنجيدها Pour تنجيدها

a la يحتفلون Je crois qu'il faut lire 3 يختلفون place de

Pour, lisez oil.

5 Dans toute cette section et dans plusieurs autres endroits des Prolégomènes, l'auteur entend, par le mot Arabe, les Arabes nomades.

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