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PRÉFACE DE L'AUTEUR.

Au nom du Dieu miséricordieux et clément!

Que Dieu répande ses bénédictions sur notre seigneur Mohammed, sur sa famille et sur ses Compagnons 1!

Voici ce que dit Abd er-Rahman Ibn Mohammed Ibn Khaldoun el-Hadrami 2, le pauvre serviteur qui sollicite la miséricorde du Seigneur, dont les bontés l'ont déjà comblé. Puisse Dieu le très-haut le soutenir par sa grâce!

Louanges à Dieu, qui possède la gloire et la puissance, qui tient en sa main l'empire du ciel et de la terre, qui porte les noms et les attributs les plus beaux! (Louanges) à l'Étre qui sait tout, auquel rien n'échappe de ce que manifeste la parole et de ce que cache le silence! (Louanges) à l'Être tout-puissant auquel rien ne résiste, rien ne se dérobe ni dans les cieux, ni sur la terre! De cette terre il nous a formés individuellement, et il nous l'a fait habiter en corps de peuples et de nations; de cette terre il nous a permis de tirer facilement notre subsistance et nos portions de chaque jour. Renfermés d'abord

1 Les docteurs de la loi musulmane définissent ainsi le mot Saheb (Compagnon):

Le titre de Saheb se donne à tous ceux qui, croyant déjà à la mission du Prophète, l'ont rencontré et sont morts dans l'islamisme.» Dans cette définition, on a préféré employer le verbe qui signifie rencontrer, plutôt que celui qui signifie voir, pour ne pas exclure de la catégorie des Compagnons quelques aveugles, tels que Abou Horeira, Ibn Omm Mektoum et autres. Tout musulman orthodoxe est tenu de

Prolégomènes.

montrer une profonde vénération pour les
Compagnons. Lors de la mort de Moham-
med, leur nombre dépassait cent quatorze
mille. On conserve encore les notices bio-
graphiques des plus illustres d'entre eux.
Le Talkih d'Ibn el-Djouzi, manuscrit de
la Bibliothèque impériale, ancien fonds,
n° 631, renferme une liste alphabétique
des principaux Compagnons.

2

L'adjectif ethnique El-Hadrami signifie membre de la tribu de Hadramaout. (Voyez l'Introduction, p. vII.)

TEXTE ARABE,

p. 1.

dans le sein de nos mères, puis dans des maisons, nous devons à sa bonté la nourriture et l'entretien. De jour en jour le temps use P. 2. notre vie; puis survient à l'improviste le terme de notre existence, tel qu'il a été inscrit dans le livre du destin. La durée et la stabilité n'appartiennent qu'à l'Éternel.

Salut et bénédiction sur notre seigneur Mohammed, le prophète arabe, dont le nom est écrit dans le Pentateuque et indiqué dans l'Évangile1! Salut à celui pour l'enfantement duquel l'univers était en travail 2 avant que commençât la succession des samedis et des dimanches, avant l'existence de l'espace qui sépare Zohel de Béhémout! Salut à celui dont la véracité a été attestée par l'araignée

1 Voici les versets de la Bible par lesquels, selon les musulmans, est prédite la venue de Mohammed : « Et ait (Moyses): « Dominus de Sinai venit, et de Seir ortus « est nobis apparuit de monte Pharan. » (Deut. XXXIII, 2.) Seir, la chaîne de montagnes qui s'étend de la mer Morte à la mer Rouge, est, disent-ils, la montagne où Jésus reçut du ciel le saint Évangile; Pharan, c'est la Mecque avec les montagnes des alentours. On pourrait répondre que Pharan est le désert qui s'étend depuis le mont Sinaï jusqu'à la limite méridionale de la Palestine, celle où les Israélites passèrent trente-huit ans. Le second verset est celui-ci : « Ex Sion species decoris ejus. (Ps. XLIX, 2.) Selon la version syriaque, le texte hébreu signifie: « Ex Sion coronam gloriosam Deus ostendet. » Or, disentils, la couronne, c'est le royaume de l'islamisme, et gloriosus est l'équivalent de Mohammed (laudatus). Nous lisons dans l'Evangile de saint Jean (XVI, 7): « Si enim « non abiero, Paracletus non veniet ad « vos. » Les musulmans prétendent que les chrétiens ont altéré le texte de leurs livres sacrés, et que, voulant en faire disparaître

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Dieu créa, ce fut ma lumière. » C'est-à-dire, entre la partie supérieure du monde, le septième ciel, celui de la planète Saturne (Zohel) et la partie inférieure. Le terme béhémout est emprunté à la langue hébraïque, où il signifie animal, bête. En arabe il est employé pour désigner le poisson monstrueux qui porte sur son dos les sept terres. Dans la cosmographie musulmane, il y a sept cieux, placés l'un au-dessus de l'autre (voyez Coran, sour. LXv, vers. 12), et sept terres, dont six sont placées successivement audessous de la nôtre. Dieu chargea un ange de supporter le poids de ces terres; l'ange

et la colombe1! Salut à sa famille et à ses compagnons, qui, par leur zèle à l'aimer et à le suivre, ont acquis une gloire immortelle, et qui, pour seconder ses efforts, se tinrent réunis en un seul corps, tandis que la discorde régnait parmi leurs ennemis! Que Dieu répande sur lui et sur eux ses bénédictions tant que l'islamisme jouira de sa prospérité et que l'infidélité verra briser les liens fragiles de son exis

tence!

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Passons à notre sujet : l'histoire est une de ces branches de connaissances qui se transmettent de peuple à peuple, de nation à nation; qui attirent les étudiants des pays lointains, et dont l'acquisition est souhaitée même du vulgaire et des gens désœuvrés; elle est recherchée à l'envi par les rois et les grands, et appréciée autant par les hommes instruits que par les ignorants.

Envisageons l'histoire dans sa forme extérieure: elle sert à retracer les événements qui ont marqué le cours des siècles et des dynasties, et qui ont eu pour témoins les générations passées. C'est pour elle l'on a cultivé le style orné et employé les expressions

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figurées; c'est elle qui fait le charme des assemblées littéraires, où les amateurs se pressent en foule; c'est elle qui nous apprend à connaître les révolutions subies par tous les êtres créés. Elle offre un vaste champ où l'on voit les empires fournir leur carrière; elle nous montre comment tous les divers peuples ont rempli la terre jusqu'à ce que l'heure du départ leur fût annoncée, et que le temps de quitter l'existence fût arrivé pour eux.

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Regardons ensuite les caractères intérieurs de la science historique ce sont l'examen et la vérification des faits, l'investigation attentive des causes qui les ont produits, la connaissance profonde de la manière dont les événements se sont passés et dont ils ont pris naissance. L'histoire forme donc une branche importante de la philosophie et mérite d'être comptée au nombre des sciences.

Depuis l'établissement de l'islamisme, les historiens les plus dis tingués ont embrassé dans leurs recherches tous les événements des siècles passés, afin de pouvoir les inscrire dans des volumes et les P. 3. enregistrer; mais les charlatans (de la littérature)1 y ont introduit des indications fausses, tirées de leur propre imagination, et des embellissements fabriqués à l'aide de traditions de faible autorité. La plupart de leurs successeurs se sont bornés à marcher sur leurs traces et à suivre leur exemple. Ils nous ont transmis ces récits tels qu'ils les avaient entendus, et sans se mettre en peine de rechercher les causes des événements, ni de prendre en considération les circonstances qui s'y rattachaient. Jamais ils n'ont improuvé ni rejeté une narration fabuleuse, car le talent de vérifier est bien rare; la vue de la critique est en général très-bornée; l'erreur et la méprise accompagnent l'investigation des faits et s'y tiennent par une liaison et une affinité étroites; l'esprit d'imitation est inné chez les hommes et reste attaché à leur nature; aussi les diverses branches des connaissances fournissent-elles une ample carrière au charlatanisme; le champ de l'ignorance offre toujours son pâturage insalubre; mais la vérité est une puissance à laquelle rien ne résiste, et le mensonge est un démon Le mot tofuil signifie parasite, intrus, imitateur.

1

qui recule foudroyé par l'éclat de la raison. Au simple narrateur appartient de rapporter et de dicter les faits; mais c'est à la critique d'y fixer ses regards et de reconnaître ce qu'il peut y avoir d'authentique: c'est au savoir de nettoyer et de polir pour la critique les tablettes de la vérité.

Plusieurs écrivains ont rédigé des chroniques très-détaillées, ayant compilé et mis par écrit l'histoire générale des peuples et des dynasties; mais, parmi eux, il y en a peu qui jouissent d'une grande renommée, d'une haute autorité, et qui, dans leurs ouvrages, aient reproduit en entier les renseignements fournis par leurs devanciers. Le nombre de ces bons auteurs dépasse à peine celui des doigts de la main, ou des (trois) voyelles finales qui indiquent l'influence des régissants grammaticaux. Tels sont Ibn Ishac1, Taberi2, El-Kelbi 3, Mohammed Ibn Omar el-Ouakedi, Seïf Ibn Omar el-Acedi3, Masoudi, et d'autres hommes célèbres qui se sont élevés au-dessus de

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4 Mohammed Ibn Omar el-Ouakedi composa un grand nombre d'ouvrages, dont les plus importants traitaient des expéditions et conquêtes faites par les musulmans après l'établissement du khalifat. Né en l'an 130 (747 de J. C.), il passa de Médine à Baghdad, remplit les fonctions de cadi dans cette ville, et mourut en l'an 207 (822-23 de J. C.).

5 Seif Ibn Omar el-Acedi et - Temîmi composa un grand ouvrage sur les conquêtes des premiers musulmans, une histoire des révoltes et apostasies des tribus arabes, et une histoire de la bataille du Chameau. Taberi reproduit très-souvent les récits de cet historien dans sa grande chronique.

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