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Le commandement des Amer était exercé jadis par une famille turque, les Oulad-Illès, dont l'histoire est intimement liée à celle du pays. Illès, le père de cette famille, était un simple janissaire turc comme Mosli, dont nous aurons à parler plus loin. Ils vinrent ensemble, d'Alger à Zamora, pour y tenir garnison. De là, Illès alla à Msila, où il se maria à une femme du pays, dont la famille jouissait d'nne certaine influence. Peu après, il fut nommé par le bey de Constantine kaïd des Oulad-Derradj, qui font, aujourd'hui, partie du cercle de Batna.

Illès, en mourant, laissa deux fils: Mohammed-Ser'ir et Ahmed-Khodja.

Le premier fut nommé kaïd de Msila, où il ne resta que deux ans; le deuxième remplaça son père aux OuladDerradj, et mourut quelques années après, laissant cinq enfants : Braham, Illès, Mobammed-Khodja, Salah et BenHenni. Toute cette famille vint s'installer à Tassera dans le kaïdat actuel d'Aïn-Tagrout, où elle vécut longtemps dans l'obscurité, jusqu'à ce que Salah, fatigué de cette vie sans lucre et sans honneurs, alla trouver le bey Ahmed à Constantine, et obtint de lui le commandement des Sedrata. Quelques années après, nous le voyons kaïd des Amer de Setif.

Son frère, Ben-Henni, fut, à la même époque, nommé kaïd des Amoucha, et son autre frère, Mohammed-Khodja, du Babor. Ces dernières fonctions étaient, du reste, purement honorifiques, les Amoucha et le Babor ne reconnaissant pas l'autorité du bey.

Lorsque les Français attaquèrent Alger, Salah accompagna le bey quand il alla au secours de cette ville, et fut blessé à Staouëli.

En revenant, il fut prévenu qu'Ahmed-Bey, ayant pris ombrage de lui, voulait le faire assassiner. Il le quitta alors brusquement et se retira au centre de son commandement. Ben Henni, qui était resté prisonnier, parvint aussi à s'échapper et vint retrouver son frère Salah; mais il laissait entre les mains du bey un de ses enfants : SiMohammed.

Peu de temps après ces événements, Ahmed-Bey vint dans le pays, à la tête d'une petite colonne, pour châtier les Oulad-Cheïkh-Saad des Rir'a; mais il fut battu par eux et il se trouvait cerné au Hammam, et dans une position très-critique, lorsqu'il eut l'idée d'appeler Salah à son aide. Celui-ci répondit de suite à son appel et parvint à le dégager. En récompense de ce service, AhmedBey fit à Salah la promesse solennelle de lui rendre SiMohammed; mais, à peine rentré à Constantine, il fit trancher la tête de ce dernier. A la nouvelle de ce manque de foi, Salah s'insurgea; les Oulad-Cheïkh-Saad des Rir'a se joignirent à lui et, tous ensemble, marchèrent sur Constantine. Arrivés chez les Oulad-Abd-en-Nour, les Amer, effrayés de l'audace de Salah, l'abandonnèrent; il ne resta près de lui que les Oulad-Zaïd et les OuladCheïkh-Sâad. Salah, trop faible, dès lors, pour tenir tête au bey, s'enfuit dans le Hodna avec sa famille et les Oulad-Cheïkh-Sâad. A peine le bey, qui les poursuivait, eutil reprit le chemin de Constantine, que tous les fuyards rentrèrent chez les Rir'a-Dahara, où ils restèrent deux ans à guerroyer contre les Rir'a-Guebala, alliés du bey.

Un jour, Salah, voulant faire cesser une rixe chez les Oulad-Zaïd, fut atteint, dans le tumulte, par un coup de pierre, qui lui fit, derrière l'oreille, une blessure dont il

mourut peu de jours après. Ben-Henni prit alors le commandement de la famille; il envoya demander l'aman au bey, qui fit couper la tête au messager et qui vint même pour les razer. Les Oulad-Illès s'enfuirent alors dans le Sahel, puis l'hiver venu, ils revinrent dans leur pays. Ben-Henni envoya un de ses fils demander encore une fois l'aman au bey. Il l'obtint; mais, connaissant la haine d'Ahmed-Bey pour sa famille, il ne s'en tint pas moins sur ses gardes. Bien lui en prit, car, au printemps suivant, Ahmed-Bey, dont l'amour-propre était piqué au vif par le peu de succès de ses expéditions précédentes contre ses sujets insoumis, tomba sur eux à l'improviste. Les Oulad-Illès qui, grâce à la méfiance de Ben-Henni, étaient sur leurs gardes, purent s'enfuir au Sahel, mais les Oulad-Cheikh-Saad furent complétement razés.

Aussitôt le bey parti, les Oulad-Illès vinrent vider leurs silos et allèrent s'installer définitivement au Guergour, où ils rencontrèrent Mohammed-ben-Mosli et les siens.

Les Oulad-Zaïd, la seule fraction des Amer qui fut restée attachée aux Oulad-Illès, leur fournit un goum, avec lequel Ben-Henni batailla contre les tribus restées soumises au bey jusqu'à la prise de Constantine.

A la première nouvelle de cet événement, Ben-Henniben-Illès et Mahmoud-ben-Mosli coururent à Constantine. La saison était alors trop avancée pour que l'on pût profiter, cette même année, de leurs offres de service; ils revinrent donc seuls dans leur pays. Ben-Henni commença à parler de soumission aux Amer.

Les Bou-Chenak, famille puissante des Oulad-Nabet, excita contre lui le fanatisme de ses gens, qui tentèrent de l'assassiner dans une fête. Ben-Henni parvint à s'échap.

per, et vint se retrancher dans les ruines de Setif avec sa famille, le goum des Oulad-Zaïd et une centaine de chevaux qu'il avait enrôlés.

Au printemps, il sortit de Setif, battit les Amer, com. mandés par Bou-Chenak, en plusieurs circonstances, et les força à reconnaître son autorité. Il marcha ensuite contre le cheïkh Msaoud des Rir'a-Guebala, son ennemi de longue date et qui était alors retiré aux Eulma. C'est dans cette expédition, qu'il fut tué près de Guidjal. Ben-Henni mort, Msaoud, avec les Eulma et les Oulad-Abd-en-Nour, tomba sur sa famille; elle s'enfuit à Ras-el-Oued, chez Ahmed-Cherif-ben-Cheïkh-Saad; réclamée bientôt par Msaoud, elle demanda un refuge à El-Hadj-Mohammedben-Abd-es-Selam, khalifa de la Medjana pour le compte de l'émir Abd-el-Kader.

Dès que les Français furent installés à Setif, les OuladIllès vinrent à eux.

BENI-AÏDEL.

Quand nous arrivâmes dans le pays, les Beni-Aïdel et les Illoula-ou-Sammer étaient gouvernés par une famille. de marabouts à qui sa réputation de sainteté avait acquis, depuis longtemps, une autorité absolue sur ces populations indépendantes, et que les Turcs n'avaient même jamais tenté de soumettre.

Sidi-Moussa-ou-Ali, le chef de cette famille, cherif de la descendance des Idrissites, fit pendant sa vie plusieurs choses extraordinaires qui commencèrent à attirer sur Jui l'attention publique. Mohammed-ou-Ali, son fils, est le premier de sa famille qui habita Chellata; il y fonda une zaouïa qui acquit bientôt une célébrité immense dans

toute l'Algérie. C'est aussi lui qui régularisa les dons en nature que lui apportaient ses compatriotes. Si-Mohammed-Saïd, le marabout actuel de Chellata, fut confié par son père mourant à Si-ben-Semati des Beni-lala, son allié par mariage. Ben-Semati se consacra tout entier à l'éducation de son élève, qui, de son côté, se montra digne de sa haute position. Nous aurons plus loin à signaler les services importants que le jeune marabout Si-Mohammed-Saïd-ben-Ali-Cherif a rendus à la France.

BENI-IALA.

La famille influente des Beni-Iala est de noblesse religieuse. Si-Embarek-ben-Semati, son premier représentant, s'établit à un endroit situé sur la route de Setif à Bordj; il y fonda une zaouïa et y mourut. Son tombeau, qui existe encore, s'appelle, à cause de lui, Koubba de Sidi-Embarek. Ses enfants allèrent s'installer d'abord à Zamora, puis à Harbil, chez les Beni-Iala, où la famille. habite toujours. Cette famille, lors de notre arrivée, jouissait d'une influence considérable, qu'elle mit à notre disposition pour l'organisation du pays.

SAHEL-GUEBLI.

Toutes les tribus qui composent aujourd'hui le kaïdat du Sahel-Guebli n'étaient soumises, avant notre arrivée, à aucun gouvernement. Quelques-unes d'entre elles seulement, telles que les Oulad-Khelef et les Beni-Adjeb, obéissaient à peu près à un homme influent, descendant d'une famille de marabouts et du nom de Lakhdar-belQuari. Toutes les autres se gouvernaient à leur guise. Nous venons de dire qu'au milieu de cette anarchie, une

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