Images de page
PDF
ePub

comme chef de cette tribu, et cela, postérieurement à l'invasion hilalienne. Ce lahïa est représenté comme descendant des Hammadites. D'après cette tradition, il recueillit ou appela à lui des familles étrangères à sa tribu et leur donna des terres.

La suprématie sortit de la famille de Iahïa pour passer dans celle de Ouadfel, fils adoptif du chef de la fraction des Oulad-Mohammed-ben-Iahïa. Voici comment la légende rapporte l'adoption de Ouadfel : Une caravane de pélerins revenant de la Mecque, passa sur le territoire des Rir'a. Une jeune veuve, originaire de la tribu des Oulad-Sidibou-Abd-Allah de la province d'Alger, qui se trouvait dans la caravane avec son petit enfant, quitta ses compagnons de route. Elle vint trouver le chef de la fraction des Oulad-Amer-ben-lahia, et lui demanda s'il voulait la prendre pour femme.

Quel est ton nom? lui dit le cheïkh.

Khetsara (la choisie), répondit-elle.

Khetsara, répliqua le cheïkh, ce nom ressemble trop à Khessara (la perle), je ne veux pas de toi.

Elle alla trouver alors le cheïkh des Oulad-Mouça, Benlahïa, qui lui fit la même réponse. Elle se présenta ensuite au cheïkh des Oulad-Mohammed, qui, ayant appris son nom, lui dit Khetsara ressemble, il est vrai, à Khessara. Qu'il y ait gain ou perte, peu m'importe, entre sous ma tente; et il l'épousa. Le cheïkh éleva, comme s'il avait été son propre fils, l'enfant adoptif qui s'appelait Ouadfel. Devenu homme, ce dernier s'acquit bientôt, par sa bravoure, une certaine influence sur la peuplade au milieu de laquelle il vivait. Il fut, un jour, arrêté à Constanpar le gouvernement turc, qui était mécontent de son

tine

père adoptif. Pour éluder la responsabilité qu'on voulait faire peser sur lui, il représenta que les liens de parenté qui l'unissaient au cheikh Mohammed-ben-lahïa étaient tout à fait fictifs. En se disculpant, il sut plaire à ses juges, et le gouvernement turc lui offrit le commandement de la tribu, s'il voulait s'engager à faire périr son père adoptif. Ouadfel accepta et repartit pour les Rir'a. Grâce à l'appui des Turcs, grâce à son habileté, il se fit accepter du plus grand nombre. Le cheïkh des Oulad-Mohammedben-lahia s'enfuit dans la montagne avec ses partisans, el, après sa mort, les familles qui avaient partagé sa fortune revinrent peu à peu dans le pays.

Pour asseoir son pouvoir naissant, Ouadfel chercha à se constituer une sorte de makhzen, qu'il composa des personnes et des fractions les plus influentes; il sut se les attacher en leur permettant de choisir les meilleures terres, et, progressivement, il parvint à réunir tous les Rir'a sous son commandement. Les descendants de Ouadfel, qui furent Guessoum, Såda, Msaoud, Bou-Abd-Allah, Mohammed ben-Guessoum, Saâd et Moubarek, exercèrent successivement le pouvoir sur la totalité de la tribu. Sous le commandement de Moubarek, un fait, insignifiant en apparence, fut la première cause de l'importance qu'acquit rapidement la tribu des Rir'a, importance qui lui vaut encore maintenant une influence marquée sur les tribus voisines. Le cheïkh Moubarek, à la suite de quelques différends survenus entre le bey et lui, se révolta. Il envoya à Alger un de ses parents, pour demander au pacha à relever directement de lui et non du bey de Constantine. Le pacha, mécontent en ce moment d'un de ses lieutenants qui était à la tête d'une colonne près de Bis

kra, résolut de le faire tuer. La femme de ce lieutenant, qui était à Alger, eut vent de cette résolution, et elle s'adressa précisément au messager du cheikh Moubarek pour le prier de prévenir son mari des desseins du pacha. Elle lui donna son anneau comme signe de reconnaissance. Le messager accepta la mission, et partit déguisé avec les cavaliers chargés d'assassiner le lieutenant. Il fit route avec eux jusqu'à Medoukal, oasis du Sahara. Arrivé là, il prit les devants, atteignit la colonne, prévint le chef du danger qui le menaçait, et l'emmena avec lui aux Rir'a. Quelque temps après, ce lieutenant rentra en grâce, et, à la mort du pacha, il lui succéda. Par reconnaissance, il protégea toujours les Rir'a, donna à cette tribu le marché du Khemis, qui, auparavant, se tenait aux Aïad, et les maintint dans le commandement d'Alger.

Jaloux de faire rentrer les Rir'a sous son autoritè immédiate, le bey de Constantine engagea alors le cheikh Saad, neveu du cheikh Moubarek, à tuer ce dernier, lui promettant de l'investir à sa place.

Le cheïkh Saâd, cédant à ces suggestions, donna une fête dans laquelle il tua son oncle de sa propre main. A la nouvelle de ce crime, une partie des Rir'a ayant pour chef Bou-Abd-Allah, frère du cheïkh Moubarek, se souleva contre le cheïkh Saâd. Pendant cinq ans, ces deux fractions bataillèrent. Le cheïkh Saåd fut enfin forcé de quitter la place; il s'enfuit dans l'ouest; mais, bientôt éprouvé par la misère, il revint dans son pays, demanda et obtint l'aman et l'oubli du passé de Bou-Abd-Allah, et s'installa près de lui.

Malgré la leçon qu'il avait reçue, le cheïkh Saâd, loin

de renoncer à ses projets ambitieux, conspira de nouveau contre Bou-Abd-Allah et chercha à le faire assassiner. Celui-ci découvrit ses menées; il ordonna de l'arrêter lui et son principal complice; il leur fit rompre les membres sur le marché, et les y laissa ainsi mutilés pendant trois jours, après quoi il les acheva de sa main.

Bou-Abd-Allah, furieux des intrigues que le bey encourageait dans son commandement, se révolta contre lui. Le bey vint avec une colonne, le raza et nomma un homme des Oulad-Mosli à sa place. Mais celui-ci, ne pouvant parvenir à se faire obéir, le bey fut contraint de rendre le commandement, deux mois après, à BouAbd-Allah.

Bou-Abd-Allah, frappé, dit la tradition, par la malédiction d'un marabout, mourut peu de temps après, rongé par un cancer. Il laissait sept fils: l'ainé, Ahmedben-Sakheri, lui succéda; quatre moururent sans enfants et les deux autres, El-Msaoud et El-Hadj-Mohammed-benGuessoum, commandèrent plus tard; ces deux derniers sont les souches d'où descendent les familles seigneuriales actuelles des Rir'a.

En résumé, la rivalité de pouvoirs entre les membres d'une même famille fut la cause d'une lutte qui devait durer jusqu'à l'occupation française; lutte si acharnée, que, lorsque les événements extérieurs appelaient la tribu aux armes, si les Rir'a-Dahara combattaient d'un côté, pour cette seule raison, les Rir'a-Guebala combattaient de l'autre. Ainsi, on voyait les Dahara soutenir la branche des Mokrani des Oulad-el-Hadj, tandis que les Guebala étaient avec celle des Ben-el-Guendouz; puis les Guebala ayant passé du côté des Ouled-el-Hadj, les Dahara se

déclaraient pour le parti de Ben-Abd-es-Selam. Dans une seule circonstance, où l'intérêt commun était en question, lorsque le dernier bey, El-Hadj-Ahmed, voulut rentrer à Constantine après la prise d'Alger, les deux sofs des Rir'a se réunirent pour l'attaquer.

Le gouvernement turc avait donné simultanément l'investiture à des représentants de l'une et de l'autre branche; mais la querelle était trop envenimée entre les deux partis pour que cette concession pût mettre fin à la guerre. Les uns et les autres étaient à tour de rôle au pouvoir, en prison ou en fuite.

Lors de la prise de Constantine, Ahmed-Cherif-benCheikh-Saâd offrit ses services aux Français, qui le nommèrent cheïkh des Rir'a; mais, peu de temps après, il embrassa le parti d'Abd-el-Kader. Le général Négrier nomma à sa place Msaoud, qui profita de sa position pour attirer notre attention sur les Oulad-Cheïkh-Saâd retirés å Ras-el-Oued. Le colonel Levasseur, aidé de Msaoud, les raza. Mohammed-Ser'ir-ben-Cheikh-Saâd, le plus jeune d'entre eux, vint alors faire des offres de soumission; elles furent acceptées, et le général Galbois l'investit conjoin. tement avec le cheïkh Msaoud, et, à dater de ce jour, le commandement des Rir'a fut définitivement divisé en deux les Dahara sont aujourd'hui entre les mains de la famille de Ben-Cheïkh-Saâd, et les Guebala dépendent de El-Aroussi-ben-Cheikh-Msaoud.

AMER.

Avant la domination française, les Amer-Dahara, les Amer-Guebala et les Oulad-Nabet formaient une seule tribu sous le nom collectif de Amer.

« PrécédentContinuer »