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La deuxième légion surnommée l'Herculéenne a élevé ce monument au dieu invincible Mithra; la dixième et la septième cohorte en ont volontairement accompli le vœu.

Puisque nous avons parlé de monuments rappelant les croyances religieuses des temps antiques, il nous reste à mentionner d'autres vestiges d'un culte qui semble avoir eu en Afrique de nombreux adeptes. Ce sont les tombeaux circulaires, cromlechs ou autres, dits celtiques ou druidiques, dont l'existence a été signalée dans la Medjana et chez les Mahdid. La nécropole que l'on appelle Bel-Kerim, aux cent mille tours, située près de l'OuedZiatin, constate le passage d'une nombreuse génération dans ces contrées solitaires, où de rares bergers promè nent aujourd'hui leurs troupeaux (1).

Tout le pays de Setif est riche en ruines romaines. Les restes de villes, villages, châteaux-forts, fermes, tombeaux, couvrent le sol. Dans les vallées, ces grands débris vous arrêtent de lieue en lieue. Partout, ce sont de grandes pierres debout, formant les angles des maisons, les chambranles des portes, et reliées entre elles par des murs en pierres de taille de grand appareil. Les villes ont souvent une étendue de plus de cinquante hectares; les unes étaient entourées de remparts, les autres ouvertes. Il serait difficile de rechercher, avec le seul aide des Itinéraires, les noms des villes qui formaient les étapes de Setif à Lambèse, l'épigraphie les révélera quelque jour sur les lieux mêmes, quand des explorations sérieuses seront entreprises dans ces fouillis de décombres.

(1) Voir le travail de M. Payen, Annuaire de la Société archéologique de Constantine, année 1863.

M. Pelissier, dans l'Exploration scientifique de l'Algérie, indique, d'après les Itinéraires anciens, plusieurs voies romaines reliant Setif aux autres villes de la Numidie et de la Mauritanie. Celle allant à Cirta passait, d'après l'Itinéraire d'Antonin, par Cuiculi (Djemila),

Mileum (Mila).

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Idicra,

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La Table de Peutinger indique, entre Cirta et Sitifi, une route qui doit être la même que celle d'Antonin, car elle a exactement le même développement de cent milles; mais sur laquelle un plus grand nombre de stations sont désignées. Ces stations sont :

Monte (Mons), -Cuicul Colonia (Djemila), Caput Budelli, Modolana, Berzeo, -Fons Camerata (Mahalla des Beni-Guecha?), Nobas Fusciani, Colonia (Mila), -Numituriada, - Aquartille.

Mileum

La Table de Peutinger donne aussi une route de Sitifi à Theveste sans passer par Cirta. Cette route, jusqu'à Gasaupala, était la même que celle de Theveste à Cirta. Lå, elle s'en séparait, et, laissant Cirta sur la droite, elle passait par les localités suivantes :

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Ad Rubras, - Ad Centenarium, Thenebreste, Thigisi, Sigus,

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Buduxi (Fedj Sila?), — Visalta, Lucullianis, Salmana, — Thadute (ruines de Tatoubt, chez les Zemoul?), - Ad Saturnos, Baccarus.

On pourra retrouver plusieurs de ces stations dans les plaines des Sebakh, des Oulad-Abd-en-Nour et des Eulma. Je signale, entre autres, les ruines considérables que j'ai vues aux lieux dits Bou-Tekhematen, Gabel-Tarf, Biar-etTaïa, Bir-er-Raïan, Enchir-el-Atech, sur les bords du lac dit Chott-Saïda, Biar-Oulad-Atman. La plupart de ces emplacements de villes antiques se trouvent sur le par

cours de la route arabe allant de Setif à Batna (1). De Sitifi, la grande voie qui conduisait de Carthage à Césarée se dirigeait sur Auzia (Aumale), en passant par les stations suivantes :

Perdices, Cellas,

- Macri, Zabi (Bechilga, près

Messila) et enfin Ad-Aras et Tatilti.

Cette portion de la route passait au midi des Biban. L'Itinéraire d'Antonin indique deux routes qui, de Setif, conduisaient à Saldæ (Bougie).

La première passait par Horrea (Aïn-Rouâ), — Lesbi, – Tubusuctus (Tiklat).

La seconde avait, comme la première, soixante-dixneuf milles de développement. Elle passait par Ad Sava municipium, Ad Olivam, Ruha municipium.

Enfin, la route de Sitifi à Igilgili, dont le développement était de quatre-vingts milles, passait par Satafi, Ad Basilicam, - Ad Ficum.

Peutinger fait passer un embranchement de cette route par Choba (Ziama.

(1) Voir, sur ces ruines, ma Monographie des Oulad-Abd-en-Nour.

Période arabe, berbère et turque

En l'an 27 de l'hégire (647-8 de J.-C.), eut lieu la première expédition musulmane en Afrique. Les cavaliers arabes qui y prirent part en rapportèrent un butin tellement considérable, qu'ils conçurent le projet d'envahir le pays. Une armée, composée d'abord d'environ vingt mille hommes, se mit en marche, écrasant sur son passage tout ce qui tentait de lui résister; mais elle ne dépassa pas la contrée qui forme aujourd'hui la régence de Tunis.

La troisième invasion, dirigée par Okba-ben-Nafa en l'an 50 (670 de J.-C.), eut un caractère de conquête beaucoup plus caractérisé. Avant de l'entreprendre, Okba fonda la ville de Kairouan pour lui servir de base d'opération, puis s'élança vers l'occident, portant ses armes victorieuses jusqu'aux bords de l'Océan.

Le roman chevaleresque ayant pour titre Conquête de l'Afrique, raconte la prise de Setif par les armées musulmanes; mais cet ouvrage fantaisiste, composé longtemps après les événements, ne nous inspire pas une grande confiance. L'auteur rapporte un épisode dans le genre de celui où le patrice Grégoire promettait la main de sa fille au guerrier chrétien qui le délivrerait du général arabe. Les plus vaillants, de part et d'autre, descendent dans l'arène, des coups de lance homériques sont échan

gés, et les redoutables champions de l'islam font rouler tous leurs ennemis dans la poussière. La conclusion ne varie pas la ville ouvre ses portes aux vainqueurs, qui deviennent ainsi les heureux possesseurs des belles filles et des trésors des chrétiens.

L'historien Ibn-Khaldoun garde le silence, ce qui nous fait supposer que l'expédition d'Okba ne produisit, au début, que peu d'effet sur le pays qu'elle laissa au nord.

Mais toutes les populations berbères, répondant à l'appel de leur chef Koceila, puis de la Kahena, reine des monts Aurès, parvinrent à refouler les envahisseurs arabes et à vivre indépendantes pendant plusieurs années.

En l'an 74 (693), les Arabes revinrent en Afrique avec de nombreux renforts. A leur approche, la Kahena fit détruire toutes les villes et fermes du pays; aussi, dit Ibn-Khaldoun, cette vaste région qui, depuis Tripoli jusqu'à Tanger, avait offert l'aspect d'un immense bocage, à l'ombre duquel s'élevait une foule de villages touchant les uns aux autres, ne montra plus que des ruines. Voilà ce qui nous explique la ruine totale des nombreux établissements dont nous ne voyons plus aujourd'hui que les vestiges à fleur de terre. Les Berbères virent avec un déplaisir extrême la destruction de leurs propriétés, et abandonnèrent la Kahena pour faire leur soumission à Ilassan. Ce général musulman profita d'un événement aussi heureux, et, ayant réussi à semer la désunion parmi les adhérents de la Kahena, il marcha contre ceux des Berbères qui obéissaient encore à cette femme, et les mit en pleine déroute. L'offre d'une amnistie générale décida les vaincus à embrasser l'islamisme, et à reconnaître l'autorité du gouvernement arabe; mais leur conversion

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