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dans la partie occidentale de la province, m'ont déterminé à modifier mon plan de travail.

Du côté de Setif, est partic l'étincelle qui a fait éclater l'insurrection la plus violente que nos annales algériennes aient eu à enregistrer jusqu'à ce jour; il était donc utile de nous occuper immédiatement d'un sujet plein d'actualité. Les faits relatifs au passé de Setif, Bordj-bou-Are

ridj,

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Mesila et Bousaâda, ont entre eux une telle connexité, ne serait-ce qu'en ce qui concerne la biographie de la famille féodale des Mokrani, qu'il est impossible de parler de l'une de ces villes sans toucher à l'autre; c'est ce qui m'oblige à les réunir dans un même volume. Néanmoins, chacune d'elles fera l'objet d'une étude spéciale pour les événements qui la concerneront plus direc

tement.

Nous raconterons, comme complément indispensable, les débuts de la révolte du bach-agha Mokrani et du chef de khouan Si Aziz-ben-el-Haddad, qui a amené les affreux malheurs qui désolent plusieurs de nos centres européens, naguère si prospères et maintenant couverts de sang et de ruines.

Il ne m'appartient pas de rechercher ici les causes de cette désastreuse insurrection; le cadre que s'est tracé notre Société m'impose, à ce sujet, une réserve absolue; mais cette question délicate, étude d'un grand enseignement pour notre pauvre Algérie, si souvent éprouvée par tant de calamités, sera, espérons-le, élucidée plus tard avec toute l'impartialité qu'elle mérite.

Le but actuel de mon travail est suffisamment défini par les lignes suivantes, empruntées à la préface de mes monographies de Bougie et de Gigelli.

Dans la plupart de nos villes algériennes, les hommes chez lesquels s'est éveillé le désir et la curiosité bien naturelle de connaître le passé du pays où la destinée les a placés, sont généralement privés des ressources littéraires que la métropole offre en si grande abondance. Constantine, elle-même, chef-lieu de notre province, si largement pourvue que puisse être sa bibliothèque municipale, ne possède pas encore son histoire. Personne, jusqu'ici, n'a entrepris d'en établir la chaîne à peu près complète et détaillée; les éléments en sont épars dans une série de publications spéciales, souvent très-rares, appartenant au domaine de l'érudition et qui ne sont, à vrai dire, connues que de très-peu de monde; il faut, pour les rassembler, avoir le loisir de se livrer à de nombreuses et patientes recherches.

» J'ai entendu beaucoup de gens se plaindre de l'absence d'un livre accessible à chacun, commode à consulter et réunissant en même temps, sur leur patrie d'adoption, tout ce qu'il leur importait de connaître.

» La Société archéologique de la province de Constantine, qui s'est imposé la tâche de recueillir et de livrer à la publicité tous les faits authentiques pouvant jeter quelque lumière sur l'histoire locale, tient aussi à honneur de répondre au désir manifesté, et nous osons espérer que le projet qu'elle a conçu, loin d'être considéré comme prématuré, sera, au contraire, accueilli avec sympathie.

› Une œuvre de cette étendue, bien qu'elle contienne plusieurs extraits des meilleurs ouvrages déjà publiés, ne peut s'improviser en un jour; mais il ne dépendra pas de nous qu'elle ne soit achevée dans le plus court délai possible. Sans aucune prétention au point de vue littė

raire, elle aura, néanmoins, pour les habitants du pays, le mérite de son utilité.

» Notre rôle, pour le moment, se borne, répétons-le, grouper et à coordonner les faits; celui des futurs historiens de l'Algérie sera de les juger et d'en tirer des vues d'ensemble. »

SETIF

سطيب

Description du pays

En 1837, le traité de la Tafna avait réservé à la France la province de Constantine. C'était l'époque où l'on discutait encore la nécessité de soumettre le peuple arabe, pensant que l'influence de notre civilisation et les avantages de nos relations parviendraient seuls à détruire peu à peu la haine et l'éloignement des Arabes pour nous. On croyait alors que du voisinage des deux peuples naitraient des rapports tels, que nous pourrions jouir en paix du territoire très-resserré que nous nous étions réservé.

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Les traités Desmichels et de la Tafna nous rappellent cette époque d'illusions. Chacun se souvient ce qu'ont été les deux années qui suivirent le traité de la Tafna de notre côté, un respect scrupuleux de chaque clause; des avances faites à nos voisins, une protection pour tous leurs intérêts, des humiliations fréquentes à supporter, des craintes et un état de défensive continuelle à maintenir; de la part des Arabes, au contraire, interdiction absolue de leur territoire à nos nationaux; amendes cl persécutions de toute espèce sur tous les indigènes fréquentant nos marchés; exploitation, en un mot, de notre bonne foi, et simple trève pour réparer les maux de la guerre et se préparer à la recommencer avec des moyens

mieux organisés jusqu'à notre entière expulsion de l'Algérie.

Les choses devaient en arriver à cette extrémité, pour nous éclairer sur le caractère du peuple contre lequel nous étions engagés. Les idées d'occupation restreinte tombèrent alors d'elles-mêmes, et furent abandonnées devant l'évidence des faits d'une situation si fréquemment compromise. Les murailles et les obstacles continus, dernières tentatives des partisans de l'occupation restreinte, trouvèrent sans foi ceux qui avaient appris à connaître notre ennemi, et l'armée s'ébranla pour conquérir en entier le pays. La lumière se fit et chacun comprit qu'il n'y avait plus à déposer les armes qu'après avoir abattu les Arabes, avoir acquis enfin cette influence morale qui, seule, devait être assez puissante pour contenir dans leur lit les passions haineuses soulevées, chez un peuple énergique, par les sentiments religieux et l'horreur du conquérant.

Le traité de la Tafna, avons-nous dit plus haut, avait réservé à la France la province de Constantine, et cependant, à la chute du dernier bey de cette province, Abd-elKader s'était empressé de donner le commandement du territoire qui forme aujourd'hui la subdivision de Setif à Ben Abd-es-Selam-el-Mokrani. L'émir avait déjà reçu, pour cette infraction au traité, plusieurs réclamations dont il n'avait pas tenu compte, et le gouverneur général, repoussant ses prétentions, avait nommé khalifa de la Medjana Si Ahmed, chef d'une autre branche de la famille. féodale des Mokrani, qui continua à se tenir à Galâa, ville fortifiée des Beni-Abbas, et dont les serviteurs ne pouvaient paraitre dans la plaine que furtivement et au risque d'être

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