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seurs de Genseric. Les tribus nomades, qui, déjà, dans les derniers temps de la domination romaine, avaient regagné du terrain sur le pays conquis à la civilisation, devinrent plus entreprenantes, à mesure que les moyens de résistance s'affaiblirent; une lutte permanente s'engagea. Le motif de cette lutte était le plus souvent la violence et les brigandages exercés par les Maures sur les bourgades. C'est à moment que Bélisaire débarqua en Afrique, venant de Constantinople où régnait l'empereur Justinien. Les victoires qu'il remporta sur Gelimer décidèrent la perte définitive de l'Afrique pour les Vandales. Dans l'espace de trois mois, la ruine complète de Gelimer et de son peuple était consommée.

Avant la bataille de Tricamara, qui décida du sort de l'empire vandale, les Maures de la Numidie et de la Mauritanie avaient envoyé des ambassadeurs à Bélisaire pour l'assurer de leur soumission à l'empereur; plusieurs chefs lui donnèrent même leurs enfants en otage et lui demandèrent les insignes de la royauté, ne considérant pas comme suffisante l'investiture qu'ils tenaient des Vandales. Bélisaire se rendit à leurs désirs; toutefois, les Maures ne lui fournirent aucun secours en hommes; ils attendirent l'issue de la guerre dans une stricte neutralité, et n'attaquèrent les Byzantins que lorsqu'ils virent Bélisaire remonter sur son vaisseau pour quitter l'Afrique.

Jabdas, chef des Maures de l'Aurès, à la tête d'une armée de trente mille hommes, se mit à ravager la Numidie et à faire de nombreux prisonniers. Il s'était ligué avec Massinas, que Procope appelle roi des barbares de la Mauritanie, lesquels pourraient bien être les Babares ou Bavares que nous connaissons déjà comme étant les habi

tants des Babors. Le nom de Massinas rapproché de celui des Massissenses ou Massinissenses, que nous avons placés dans la Kabilie, sur la rive gauche de l'Oued-Sahel, permet de supposer qu'il s'agit encore des mêmes peuplades qui s'étaient tant de fois révoltées sous les Romains.

Massinas, pour donner la main à Iabdas, avait dû s'emparer des états d'un autre chef indigène nommé Orthaïas, pendant que labdas se rendait maître de la grande et ferile contrée qui s'étend à l'ouest de l'Aurès, dit Procope, et touche à la région des Maures, sujets d'Orthaïas. Cette contrée est évidemment le Hodna; par conséquent, la chaîne du Bou-Taleb aurait fait partie des possessions de ce dernier chef. Il racontait lui-même à l'historien grec que ses états confinaient à un vaste désert, au-delà duquel habitait une race d'hommes qui avaient la peau blanche et les cheveux blonds. C'étaient sans doute les habitants des montagnes qui bordent la plaine du Hodna du côté du midi (1).

Les triomphes de Salomon, successeur de Bélisaire, remirent un instant au pouvoir de l'empereur d'Orient quelques portions intérieures du pays. Les monts Aurès, devenus le centre d'une résistance active de la part des indigènes, furent conquis par lui et fortifiés contre de nouvelles incursions.

Il se rejeta ensuite sur la province de Zaba, ou première Mauritanie, et la rendit tributaire. Cette province n'est autre que la Sitifienne. Procope l'appelle aussi Zabi (aujourd'hui Bechilga, près de Messila), qui était une des villes les plus importantes de la contrée.

(1) La Mauritanie silifienne, par M. Poulle.

Les montagnes situées entre Batna et Setif furent, sans doute, visitées à cette époque par Salomon; mais les rigueurs de l'hiver l'empêchèrent de s'y maintenir et l'obligèrent à descendre dans la plaine du Hodna, où sa présence était plus utile pour relever le moral des populations que pour les délivrer des bandes maures. C'est à ce moment, c'est-à-dire à la fin de l'année 540,, que Zabi et d'autres villes du Hodna sortirent de leurs ruines, et que furent reconstruites à Setif les murailles byzantines, qui, de nos jours encore, forment la kasba, ou quartier militaire, sur la place Barral et sur l'ancien marché arabe.

Un fragment d'inscription attribuerait, en effet, à Salomon cette reconstruction. Il est ainsi conçu :

ANTIQVAMC.....
SOLOMONFORTI.......

M. Poulle l'a complétée de la manière suivante :

Antiquam civitatem Sitifim Solomon fortissimus œdificavit ou munivit.

Le génie militaire n'a fait que restaurer les parties. endommagées par le temps. Les murs avaient été faits avec soin; mais on reconnaît sans peine qu'on n'y a employé que des pierres de taille qui étaient sur place; les assises ne sont pas régulières comme dans les constructions romaines, les pierres sont mal jointes, et un grand nombre avaient déjà appartenu à d'autres monuments (1).

(1) Poulle, Revue africaine (1861) et Recueil archéologique de Constantine (1863).

La ville de Setif, métropole de la Mauritanie sitifienne, devait, à l'époque de sa splendeur, jouir d'une certaine importance. Les restes de son enceinte, tels qu'ils existaient encore au seizième siècle, permettaient, au rapport des historiens, d'évaluer son circuit à quatre mille mètres. Mais nous ne saurions affirmer si cette enceinte était antérieure ou postérieure au terrible tremblement de terre qui renversa Setif en l'an 419.

« Les secousses furent épouvantables, dit Saint Augustin. De sorte que tous les habitants furent obligés de rester cinq jours dans les champs, et que près de deux mille païens, terrifiés par le phénomène, demandèrent le baptême à grands cris. Voilà comment Dieu punit ceux qui ne veulent pas le servir (1). »

La ville, ravagée de nouveau par les Vandales, fut réédifiée par Salomon, ainsi que le constate l'inscription que nous avons rapportée ci-dessus; seulement le développement de la nouvelle enceinte n'avait plus que cent cinquante mètres de côté sur cent vingt.

Setif était le siége d'un évêché. L'Africa christiana de Morcelli nous a conservé le nom de :

Severus, évêque de Setif vers l'an 400;

Novatus, qui assista, à Carthage, à la conférence de 411 et au concile de 419;

Donatus, qui alla au concile convoqué, en 484, par Huneric, roi des Vandales;

Optatus, qui alla au concile convoqué, en 525, par Boniface, évêque de Carthage.

De nombreux et curieux monuments épigraphiques

(1) Saint Augustin, Sermon xix, no 6.

ont été découverts à Setif même, ou parmi les ruines qui couvrent la campagne environnante. Nous reproduisons l'inscription suivante, dédiée à Saint Laurent, martyr, et conservée avec soin dans l'église de Setif:

IN HOC LOCO SANCTO DEPOS
ITAE SVNT RELIQVIAE SANCTI
LAVRENTI MARTIRIS DIE III M N
AVG CONS HERCVLANI V C

DIE DOMINI DEDICANTE LAVRENTIO

USP MOR DOMANP CCCCXIII. AMEN

Les reliques de Saint Laurent, martyr, ont été déposées dans ce saint lieu, le 3 du mois d'août, jour de dimanche, de l'année provinciale 413, sous le consulat d'Herculanus. (Correspondant au 3 août 552 de l'ère chrétienne.)

Une autre pierre sculptée, également découverte à Setif, démontre que le culte de Mithra ou du dieu soleil, originaire de la Perse, eut aussi des disciples dans cette région de la Mauritanie. Cette pierre représente en ronde bosse, fortement accentuée, un jeune homme assis sur la croupe d'un taureau; sa main gauche saisit le museau de l'animal; de la main droite il lui enfonce un glaive dans le cou. Sa coiffure consiste en un bonnet phrygien; il porte un manteau jeté sur l'épaule gauche et flottant; la poitrine est cuirassée, et la jambe qui s'appuie à terre est revêtue d'un pantalon couvrant le pied. A la base du tableau, on voit un chien, un scorpion, un serpent, et, sur un des côtés, un oiseau. Deux banderoles en haut et en bas portent cette inscription :

DEO INVICTO MYTRE LEG II HERCULEA FEC.
COHS.X.ET.VII VOTVM. SOLVERVNT

L. A.

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