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envers les siens et les supplices qu'il avait inventés pour les punir. La nuit mit fin à cette journée, la plus sérieuse de toute la guerre, et Théodose rentra dans ses cantonnements à Setif. I signala sa présence dans cette ville par un acte de justice que les populations attendaient. depuis longtemps, en faisant périr par les flammes Castor et Martinianus, deux complices des exactions de Ro

manus.

Peu de temps après, il envahit, pour la troisième fois, le territoire des Isafliens. Igmazen, épouvanté, eut une entrevue avec Théodose et lui parla de paix; celui-ci déclara qu'il n'y aurait de paix que du jour où Firmus, cause et prétexte de cette guerre, lui serait livré. Igmazen réfléchit longtemps sur la conduite qu'il devait tenir. Enfin il se décida à livrer Firmus, et il faut croire qu'une somme d'argent promise fut un puissant argument en faveur de Théodose. A cause de l'attachement que les indigènes ont pour Firmus, Igmazen a recours à un moyen rare et curieux pour le livrer. Il engage à dessein. avec Théodose plusieurs combats dans lesquels les Isafliens doivent être vaincus et se détacher par là de Firmus, qui commence à leur être à charge. Celui-ci n'ayant plus rien à espérer de ces peuples, veut s'enfuir dans des contrées plus éloignées; mais il s'aperçoit que, gardé à distance, il n'a plus la liberté de fuir. La prudence lui conseille la ruse; il feint d'avoir pris son parti, et, profitant du sommeil de ses gardiens, il s'éloigne avec précaution, rampant, dit Ammien, plutôt qu'il ne marchait, et, quand il fut arrivé dans un lieu retiré, il se pendit.

Igmazen gémit en secret de n'avoir pu offrir à Théodose qu'un cadavre; telles n'étaient probablement pas

les conditions du traité conclu entre eux. Quoi qu'il en soit, il fit comme il put ses excuses au général, en lui envoyant, à dos de chameau, le corps de Firmus. Théodose l'exposa publiquement aux yeux de ses soldats, qui venaient, l'un après l'autre, jurer sur le cadavre que c'était bien là Firmus. Le général romain rentra ensuite en triomphaleur à Setif avec la dépouille du vaincu.

D'autres rebellions, entre autres celle de Gildon, frère de Firmus, troublèrent le repos de la contrée. Le comte Boniface, général de Valentinien III, pacifia la Mauritanie et la rattacha à l'empire; mais, irrité de voir accueillies par Placidie, impératrice régente, les calomnies que propageait contre lui Aëtius, son rival de gloire et de fortune, Boniface eut recours, dans sa détresse, aux Vandales, qui, partout, s'étaient montrés les plus grands ennemis de l'empire. Pour obtenir leur secours, il propose à Genseric, leur chef, de partager avec lui la moitié des provinces africaines que Rome lui a confiées. Genseric comprit du premier coup d'œil quelles chances heureuses s'ouvraient pour les siens; il n'hésita pas un instant. Déjà, l'Espagne n'offrait plus à ses hordes avides qu'une proie presque épuisée; l'Afrique, au contraire, vierge jusqu'alors d'incursions barbares, semblait offrir, au premier qui s'y présenterait, d'inépuisables ressources par le pillage de ses richesses et l'occupation de son territoire. Les compagnons de Genseric, au moment où il partit de la côte d'Espagne, s'élevaient, suivant quelques historiens, à quatre-vingt mille, suivant d'autres, à cinquante mille, hommes, femmes et enfants. C'est avec ces forces qu'il entra en possession de la portion de l'Afrique qui lui était cédée par le comte Boniface, c'est-à-dire de

l'Afrique jusqu'à la Numidie, ou des trois Mauritanies tingitane, césarienne et sitifienne.

A cette époque, l'Afrique était le théâtre des plus affreuses dissensions; les orthodoxes, les circoncellions et les manichéens, ensanglantaient leurs mains dans des querelles religieuses, se persécutant et se massacrant réciproquement.

Les révoltes successives de Firmus et de Gildon, l'appui qu'elles avaient trouvé dans le pays, les ferments de haine que des répressions sanglantes avaient dû y déposer, préparaient un succès facile à celui qui tenterait la conquête du pays.

Ce fut dans ces circonstances que Genseric apparut en Afrique. Une foule de sauvages nus sortirent de leurs forêts et des vallées du mont Atlas, pour rassasier leur vengeance sur les tyrans civilisés qui les avaient chassés de leur pays natal. La masse des propriétaires indigènes, qu'une odieuse et impitoyable fiscalité avait dépouillés, se rangea du côté de Genseric. Mais, de tous ceux qui donnèrent assistance aux Vandales, les plus empressés, les plus ardents furent les sectaires connus dans l'histoire sous le nom de donatistes. Ils avaient hâte de se venger sur les catholiques de toutes les persécutions que l'intolérance des empereurs leur avait fait subir. Enfin, pour compléter cette nomenclature des ennemis. naturels de la puissance romaine, ajoutons que Genseric devait encore trouver des auxiliaires dans les restes de la race punique.

Dès leur entrée en Afrique, les Vandales portèrent, dans tous les lieux habités qu'ils rencontrèrent sur leur passage, le fer et la flamme. Four expliquer les effroya

bles excès auxquels se livrèrent alors les barbares, on est obligé de supposer qu'ils furent animés, dans leur œuvre de destruction, par la rage aveugle des Maures et leur esprit de vengeance. Ce fut ainsi que les Vandales parcoururent, massacrant et ravageant, les trois Mauritanies, et qu'ils arrivèrent au fleuve Amsaga (le Roumel, qui devait être, aux termes du traité conclu avec Boniface, la limite de leur empire (1).

Chez le comte Boniface, le repentir n'avait pas tardé à suivre l'accomplissement de sa faute; il chercha, mais en vain, à la réparer. Réconcilié avec Placidie, il voulut forcer les Vandales à retourner en Espagne. La guerre, malgré les talents militaires de Boniface, ne fut pas heureuse pour lui. Il fut battu non loin de l'Amsaga, dans les plaines de Setif peut-être, et se vit obligé de se retirer à Hippone (Bône), qu'il devait perdre encore après un siége de quatorze mois.

Lorsque Genseric eut réuni sous son pouvoir presque tout ce qui avait obéi à Rome, depuis Tanger jusqu'audelà de Carthage, il organisa sa conquête, chercha à se concilier les Maures, favorisa les donatistes, longtemps persécutés, et tenta de réunir les innombrables sectes d'Afrique dans le sein de l'arianisme qu'il professait, et qui semblait les résumer toutes.

« En Afrique, dit la chronique de Saint Prosper, Genseric, roi des Vandales, voulant substituer l'hérésie arienne à la foi catholique dans toute l'étendue de ses possessions, persécula quelques-uns de nos évêques, parmi lesquels Possidius, Novatus et Severianus étaient surtout illustres;

(1) Histoire des Vandales en Afrique, Yanoski.

et comme les cruautés du tyran n'intimidaient point leur fermeté, non-seulement il les priva de leurs églises, mais il les chassa même de leurs villes. »

Cela se passait lors de la persécution ordonnée par Genseric, en 437.

Possidius, l'auteur de la Vie de Saint Augustin, était évêque de Calama (Guelma), et Novatus, ami de ce saint illustre, était évêque de Setif.

L'épitaphe de Novatus, trouvée à Setif en 1853, se lit ainsi :

Hic jacet antistes sanctusque Novatus.

Terdenos el septem sedis qui meruit annos;
Recessit die decima kalendas seplembres,
(anno) provinciæ quadringentesimo primo.

Ci-gît le saint évêque Novatus, qui occupa ce siége pendant trente-sept ans. Il mourut le 10 des calendes de septembre de l'an de la province 401 (23 août 440 de l'ère vulgaire). »

Novatus fut donc inhumé à Setif. Mais y mourut-il, ou bien ses restes furent-ils apportés du lieu de son exil (1) ?

Ni les créations, ni les réformes de Genseric ne durérent beaucoup au-delà de son existence. Ces Vandales, qui étaient venus châtier les vices et les crimes des Romains d'Afrique, ne tardèrent pas à les imiter et peut-être à les dépasser. Toutes leurs vertus guerrières s'effacèrent et disparurent dans le luxe et dans la mollesse. La force de l'empire vandale décrut chaque jour sous les succes

(1) Voir les judicieuses observations présentées à ce sujet par M. Poulle, dans son travail sur la Mauritanie sitifienne.

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