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Peu après, c'est-à-dire dans la journée du 2 octobre, le camp du colonel de Lacroix, établi sur le plateau de Dermel, était de nouveau attaqué vigoureusement par les contingents insurgés. Environ quatre mille fantassins, excités par les promesses de Brahim, s'avancèrent avec résolution, ne se proposant rien moins que la destruction de la colonne et le pillage du camp. Leur plan était d'attirer les troupes par des démonstrations hostiles en dehors des lignes qu'elles occupaient, et de profiter de l'absence momentanée d'une partie des troupes, pour surprendre le camp. Devinant leur intention, le colonel de Lacroix se garda bien de bouger et de faire attention à leurs attaques. Entraînés par leur ardeur et voyant que les troupes étaient décidées à ne pas sortir de leurs lignes, les insurgés ne craignirent pas de venir les y chercher. Marchant avec un ensemble et une résolution dont les indigènes avaient rarement fait preuve, les ennemis exécutèrent de véritables charges dans lesquelles, pour les repousser, nos soldats durent lutter corps à corps. Pendant plus de deux heures, ces bandes fanatisées vinrent se briser contre la ligne de défense du camp sans pouvoir l'entamer. Écrasés par le feu de l'infanterie, par celui de l'artillerie, on les voyait se rallier et revenir à l'assaut avec une persistance remarquable. Enfin, quand leurs efforts parurent se ralentir, le colonel de Lacroix donna à son tour le signal de l'attaque, et les fit charger à la baïonnette sur toute la ligne. Nos troupes s'élancèrent; partout les Arabes furent culbutés et rejetés loin du camp. Bientôt après, on voyait la plaine couverte de bandes de fuyards emportant de longues files de morts et de blessés. L'action avait duré trois heures environ. Les pertes de l'ennemi

étaient sensibles, quarante-quatre cadavres restaient sur le terrain, ainsi que des chevaux et beaucoup d'armes. Nos pertes étaient de quatre tués et d'une quinzaine de blessés.

Le 4 octobre, la colonne se mettait en marche pour combiner son mouvement avec celui du général Yousouf, qui tournait les gorges du Medjedel et occupait les derrières des insurgés. Ceux-ci, se voyant sur le point d'être pris entre deux feux, quittèrent leur campement pour aller s'engager dans le Zahrez de Djelfa, cherchant à rejoindre le gros des révoltés d'Alger et d'Oran. Mais la route leur était coupée; et tandis que le colonel de Lacroix leur enlève une énorme quantité de troupeaux qui ne peuvent suivre leur retraite précipitée, ils viennent tomber eux-mêmes sous le canon des colonnes de la province d'Alger. Quelques groupes seulement parvinrent à échapper au choc des troupes. Brahim-ben-AbdAllah était de ce nombre, les autres étaient presque tous anéantis.

De ce jour, l'insurrection était arrêtée dans le cercle de Bou-Sada (1). Néanmoins, l'année suivante, 1865, une nouvelle colonne, sous les ordres du colonel Gandil, parcourut encore le pays pour rassurer les populations par sa présence. Cette colonne, après avoir séjourné plusieurs mois au sud des montagnes du Bou-Kahil, fut appelée à faire un mouvement sur Laghoual, pour appuyer les troupes d'Alger et d'Oran, estinées à anéantir les dernières tentatives des Oulad-Sidi-Cheïkh.

(1) Brahim-ben-Abd-Allah a été fait prisonnier par notre kaïd de Touggourt, Si-Ali-Bey, dans l'affaire qui eut lieu le 12 septembre 1866, à Bir-Touali, dans le Sahara. Brahim fut pris avec son fils, et tous deux sont, depuis cette époque, prisonniers à l'île Sainte-Marguerite.

Depuis une période de cinq années, le calme était rétabli dans toute cette partie de la province, et, malgré les funestes calamités de la disette, du typhus et du choléra, les populations avaient repris leur vie habituelle. Encore une bonne récolte, et le souvenir même des fléaux qui avaient fait naguères de si grands ravages, allait être oublié. La guerre avec la Prusse a éclaté; et c'est au moment où nous aurions eu besoin du concours des hauts personnages indigènes pour maintenir le calme en Algérie, que le bach-agha Mokrani a donné lui-même le signal de la révolte.

El-Hadj-Mohammed-ben-Ahmed-el-Mokrani était officier de la Légion d'Honneur et membre du Conseil général de la province de Constantine. Il était surtout homme. d'intelligence, et il aurait dû puiser devant les murs de Sebastopol, au milieu de l'armée, dans les palais impériaux et, enfin, dans l'appréciation des ressources dont dispose la France, un sentiment trop profond de notre supériorité pour avoir jamais pu concevoir la pensée de se poser en adversaire de notre domination en Algérie.

Note de la Société archéologique.

M. Féraud avait annoncé, en tête de son travail, qu'il exposerait, comme complétement indispensable, les débuts de la révolte du bach-agha Mokrani. Nous lui avons réclamé ce complément, et, à ce sujet, il nous a écrit la lettre dont nous extrayons le passage suivant :

Ouargla, 10 janvier 1872.

Il y a six mois, en quittant Constantine, pour partir en expédition avec le général de Lacroix, je vous avais laissé mon manuscrit, pensant revenir assez tôt pour en suivre, en corriger l'impression, et

l'achever comme je vous l'avais annoncé. Mais le temps s'est écoulé; nous sommes encore en campagne depuis, et bien loin dans le Sahara. Au milieu de marches rapides, des bruits du camp et de la besogne plus sérieuse du service, il m'a été de toute impossibilité de travailler à l'achèvement de mon manuscrit. Du reste, vous ne perdrez rien pour attendre; je recueille tous les jours de nouveaux documents pour l'histoire du pays. Le récit des phases de l'insurrection nécessitera un travail de longue haleine, qui doit être fait à tête reposée, et auquel la plus grande impartialité doit présider; nous essayerons plus tard d'entreprendre cette tâche dans un autre volume. En tous les cas, nous voici à la fin de notre besogne. Les têtes de l'insurrection sont anéanties en partie le bach-agha Mokrani a été tué depuis longtemps; son frère BouMezrag, son cousin Bou-Daoud et les autres fuient devant notre colonne, et sont en ce moment acculés dans des régions arides, où il ne leur reste guère d'espoir de salut.....

FÉRAUD.

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Après avoir renversé, avec l'appui des tribus berbères masmoudiennes, la dynastie almoravide dans le Mag'reb (1147), Abd-el-Moumen envoya une partie de ses troupes en Espagne pour réduire cette province à son autorité. Ce résultat obtenu, il tourna ses regards vers l'est de l'Afrique, et, ayant réuni une armée formidable, il conquit, en une seule campagne toute l'Ifrikïa, mettant à néant le royaume hammâdite de Bougie et les principautés de la Tunisie et de la Tripolitaine. Ainsi se trouva fondé l'empire almohade, comprenant, avec l'Espagne musulmane, toute l'Afrique septentrionale depuis l'Egypte jusqu'à la mer. Jamais aussi vaste royaume ne s'était trouvé réuni sous le sceptre d'une dynastie berbère. Abd-el-Moumen envoya ses fils et ses parents occuper les

(1) Ce fragment est extrait d'un ouvrage d'ensemble sur l'Histoire de l'Afrique septentrionale, auquel nous mettons la dernière main.

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