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qui sont également en mouvement, on ne se rend pas bien compte de ce qu'il y fait.

Le bruit court même que le bach-agha sort de Msila avec ses goums, pour se joindre aux insurgés et tomber sur la colonne. En effet, la plaine commençait à se couvrir de goums qui semblaient surgir de tous côtés, et l'on ne voyait apparaître aucun des chefs qui, la veille. encore, se confondaient en protestations.

Le bach-agha, qui était à Msila, devait avoir connaissance des faits; il savait que la colonne n'avait que pen de vivres, pas d'eau, et rien n'annonçait qu'il fit un mouvement pour la dégager. Continuer sur Msila, à travers ces masses de cavaliers ennemis, avec des hommes fatigués, sans savoir l'accueil qui les y attendait, eut été s'exposer inutilement. Le colonel Briand se décida, en conséquence, à opérer son mouvement de retraite sur Baniou, où, au moins, il trouverait de l'eau, et où l'on pourrait se reposer un instant auprès du caravanserail, pour tâcher de regagner ensuite Bou-Sada, dont on s'exposait à être coupé en tardant plus longtemps.

L'attaque commença en même temps que la retraite. Brahim-ben-Abd-Allah, en personne, dirigeait ses goums et cherchait à envelopper la colonne; il fut repoussé vigoureusement sur toutes les faces et même blessé d'un coup de sabre, par un de nos chasseurs. La petite colonne put attein Ire Baniou vers deux heures de l'aprèsmidi; l'ennemi cessa bientôt sa poursuite et regagna ses campements. Après un repos indispensable, les troupes se remirent en marche et arrivèrent à Bou-Sada, à ̧ deux heures du matin.

Comment expliquer la conduite du bach-agha et de son

cousin, Saïd-ben-bou-Daoud? Les ennemis des OuladMokran s'emparèrent des circonstances qui précèdent pour accuser ouvertement le bach-agha et ses frères ou cousins, d'être unis d'esprit et de cœur à nos ennemis : ils n'avaient pas tort, et les événements l'ont prouvé depuis. Les Oulad-Mokran, disaient leurs adversaires, en ayant l'air de nous rester fidèles, dirigeaient les insurgés; leur attitude équivoque, leurs indécisions les trahissaient. Ils avaient évidemment connaissance de tout ce qui se tramait pendant les jours qui précédèrent l'explosion; ils vivaient pour ainsi dire côte à côte avec le kaïd Brahim-ben-Abd-Allah, et au milieu même des populations qui allaient s'insurger; ils ne pouvaient donc ignorer leurs projets. Pourquoi ne s'étaient-ils pas trouvés avec nos troupes le jour du combat de Daïet-el-Habara (8 septembre)? Ils prétendent n'avoir pu rejoindre la colonne, parce que les révoltés se trouvaient entre eux et les Français; mais la route du pont de Chellal était entièrement libre, et s'ils ne la prirent pas, c'est qu'ils devaient avoir de puissants motifs pour s'abstenir.

Le 15 septembre, arrivaient à Msila et s'y concentraient, les colonnes Seroka et Briand (ce dernier était reparti de Bou-Sâda, et cette fois, avait pu traverser la plaine sans encombre).

De nombreux goums de Setif et de Batna étaient adjoints à nos troupes, qui quittaient Msila le 18 septembre, et arrivaient le 20 à Bou-Sâda.

Cependant, la position ne s'était pas améliorée. Loin de là; aux insurgés s'étaient joints les Oulad-Sidi-Brahim, les Oulad-Ferradj et les Oulad-Aïssa. Tous ensemble campaient â Oglet-Beïda.

Partie de Bou-Sâda le 28 septembre, pour marcher contre les insurgés, la colonne, commandée par le colonel de Lacroix, était arrivée le surlendemain 30, vers dix heures du matin, à la source d'Aïn-Dermel, chez les Oulad-Ferradj, et y avait installé son camp. A l'ouest de ce camp, à une distance d'un kilomètre et demi environ, près d'un puits qui se trouve à l'entrée de la gorge de l'Oued-Dermel, avait été posté le bach-agha Mokrani avec son goum; il avait mission de garder et d'éclairer le pays de ce côté, qui était celui par lequel on présumait que l'ennemi déboucherait s'il avait l'intention d'attaquer la colonne.

Vers quatre heures du soir, Mokrani fit avertir qu'il était attaqué par un fort parti d'ennemis, et qu'il se trouvait dans une position embarrassante, ne voulant pas avancer contre des forces supérieures sans être soutenu, et ne pouvant se replier immédiatement sur la colonne, à cause de ses tentes et de ses bagages qu'il lui fallait le temps de charger et d'emporter.

Le colonel de Lacroix prit aussitôt ses dispositions pour arrêter le mouvement offensif de l'ennemi. L'attaque contre le bach-agha avait lieu dans une grande plaine, favorable aux mouvements de la cavalerie; ordre fut donné au lieutenant-colonel de La Jaille de prendre avec lui trois escadrons de chasseurs de France, deux escadrons de chasseurs d'Afrique, un escadron de spahis et cent cinquante tirailleurs montés sur des mulets, et d'aller dégager le bach-agha. Cent cavaliers des Amer de Setif, sous les ordres du capitaine de Beaumont, devaient servir de flanqueurs.

La petite colonne partit à quatre heures et demie; elle

rejoignit le bach-agha à deux kilomètres environ du camp l'ennemi venait de se retirer et n'était déjà plus en vue. Le bach-agha, invité par le colonel de La Jaille à faire connaître le nombre et la position des contingents auxquels il avait eu affaire, déclara qu'il avait été aux prises avec de l'infanterie et un parti d'environ quatrevingts cavaliers, formant un tout peu considérable. Il y avait alors quelques instants seulement que l'ennemi avait disparu; il s'était retiré derrière de petits mamelons qui occupaient l'espace compris entre la colonne et le Djebel-bou-Denzir, dont ils sont séparés par une plaine rase d'un kilomètre et demi de large. Leur élévation moyenne est de cinquante mètres tout au plus, et leurs pentes, quoique assez rapides, peuvent être cependant gravies sans difficulté par la cavalerie. Des gorges larges, et d'un accès facile, circulent entre ces mamelons.

Le colonel de La Jaille s'engage dans celle de ces gorges qui offre le plus large débouché, faisant éclairer sa droite par le goum des Amer de Setif, et précédé du goum de Mokrani soutenu par l'escadron de spahis.

La première chaîne, de mamelons fut couronnée avec facilité; mais arrivés à la seconde chaîne, le goum de Mokrani et les spahis furent accueillis par une vingtaine de coups de feu tirés de très-près par des cavaliers embusqués derrière la crète. En même temps, de forts partis de fantassins bien armés se montraient derrière les buissons, et commençaient la fusillade. Enfin, le goum de Setif, engagé dans une gorge, était assailli par une charge d'environ deux cents cavaliers ennemis. Ce goum, et celui de Mokrani, se replièrent aussitôt sur les troupes françaises. Le colonel de La Jaille, pour repousser

l'attaque, résolut de tourner l'ennemi par ses deux ailes, tout en faisant aborder de front. Il était environ cinq heures, quand l'action commença. Les troupes s'élancérent avec un élan remarquable, et mirent en fuite l'ennemi sur toute la ligne. Cavaliers et fantassins ennemis. abandonnèrent la chaîne des mamelons, traversèrent la plaine, et se réfugièrent dans le col de Teniet-er-Rich; ils se groupèrent dans ce débouché et en ressortirent bientôt beaucoup plus nombreux. Ils pouvaient être cinq ou six cents. En même temps, des bandes de fantassins d'un nombre à peu près égal, garnissant les buissons de la montagne, s'avancèrent pour soutenir leur cavalerie. La fusillade devint très-vive.

Plusieurs charges de cavalerie, conduites avec vigueur, refoulèrent l'ennemi jusqu'à l'entrée des défilés. Voyant néanmoins qu'ils se disposaient à déboucher encore une fois par le col, le colonel lança les spahis. Cet escadron fondit sur le groupe principal des fantassins, les sabra et leur enleva le drapeau qui servait de signe de ralliement aux insurgés. Cet acte vigoureux, accompli sous un feu des plus vifs, détermina le mouvement de retraite de l'ennemi. Il était sept heures du soir, la nuit arrivait, le colonel dût arrêter le mouvement en avant. Il fit ramasser les morts et les blessés et déployer dans la plaine les tirailleurs algériens sous la protection de leurs feux, colonne reprit le chemin du camp sans être inquiétée.

la

Le drapeau enlevé, en étoffe de soie et à franges d'or, était celui de Brahim-ben-Abd-Allah. Mais le succès de nos troupes était chèrement payé deux officiers avaient été tués en chargeant à la tête de leurs escadrons, et dixsept de leurs cavaliers étaient tués ou blessés.

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