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proprement parler, aucune espèce de culte, et se borne à quelques pratiques extérieures que lui enseignent les marabouts de son pays. Mais les ordres religieux, notamment celui de Ben-Abd-cr-Rahman, à la tête duquel est aujourd'hui le cheïkh El-Haddad, du village de Seddouk, ont fait d'immenses progrès depuis ces dernières années, et comptent dans leurs rangs un nombre prodigieux d'affiliés arabes et kabiles, dont le fanatisme, sommeillant en apparence, est une menace continuelle contre notre domination.

Carthage, Rome, Les Vandales

Le pays de Setif faisait partie du royaume des Massesyliens. Strabon est celui des géographes anciens qui a déterminé, de la manière la plus précise, les bornes de cette région. Il nous dit que les deux royaumes des Massyliens et des Massesyliens étaient séparés par l'Amsaga, sur les bords duquel s'élevait Cirta ou Constantine. Une inscription très-curieuse, découverte par M. Cherbonneau auprès des sources du Bou-Merzoug, affluent du Roumel, qui porte ces mots CAPVT AMSAGE, fixe définitivement cette question géographique. Les Massyliens étaient à l'est et les Massesyliens à l'ouest de l'Amsaga. Le territoire de ces derniers, dans lequel était enclavé Setif, s'étendait depuis les bords de l'Amsaga jusqu'à la Malva la Moulouïa de nos jours).

Les deux peuples portaient un nom qui leur était commun, celui de Numides, parce qu'ils se plaisaient, dit Strabon, à mener une vie errante, sans fixer leur demeure nulle part. L'incertitude la plus vague règne sur l'origine des Numides. Salluste, qui traite cette question, les fait descendre des Perses alliés aux Gétules. Il dit aussi qu'on les appela Numides, c'est-à-dire pasteurs, parce qu'ils vivaient à l'état nomade, allant sans cesse çà et là à la recherche des meilleurs pâturages. Quoi qu'il en

soit, les Numides, comme les Mauritaniens, prirent une part très-active aux différentes guerres puniques.

C'est dans les vastes plaines voisines de Setif, entre le Djebel-Tenoutit et le Stita, que dut avoir lieu plus tard la sanglante bataille de Marius contre les rois africains Jugurtha et Bocchus (1).

Après la victoire de Thapsus, c'est-à-dire quarante-six ans avant notre ère, la Numidie fut réduite en province. romaine. A la suite de la nouvelle division territoriale, la région située à l'ouest de l'Amsaga fut comprise dans la Mauritanie sitifienne, ayant Setif pour capitale.

Sous Septime Sévère, qui affectionnait beaucoup l'Afrique où il était né, le pays atteignait l'apogée de sa splendeur. Les auteurs anciens rapportent qu'à cette époque, la Numidie et la Mauritanie présentaient partout l'aspect d'une terre civilisée. Des routes nombreuses et sûres sillonnaient cette contrée en tous sens, soit sur le littoral, soit dans l'intérieur, reliant entre elles les villes les plus importantes (an 216 de notre ère). Chaque jour, la langue et les mœurs romaines prenaient plus d'empire. Les colonies militaires, civiles ou commerçantes, placées au milieu des Numides, des Maures et des Gétules, avaient fait goûter à ces peuples les mœurs et la civilisation romaines, avaient déjà créé des intérêts de commerce et d'échange. Les rois alliés de la Numidie, mariés à des Romaines, élevés à la cour des empereurs, n'étaient déjà plus que de simples préfets, reges inservientes, obéissant aux moindres signes du prince. Enfin la conquête était tellement consolidée, la fusion des peuples était si com

(1) Voir, sur la Mauritanie sitifienne, le remarquable travail de M. Poulle, notre ami.

plète, qu'il suffisait d'une légion, avec le corps d'auxiliaires qui lui était attaché, pour maintenir l'ordre et la tranquillité dans toute la vaste contrée qui s'étend depuis le bord de l'Atlantique jusqu'à l'Égypte et depuis la Méditerranée jusqu'aux dernières chaînes du grand Atlas (1).

L'Afrique, sous Tibère, vivait ainsi paisiblement depuis longues années, quand le Numide Tacfarinas souleva et entraîna les populations dans une grande révolte contre la domination romaine. Ce chef de bande, disent les historiens de l'époque, était Numide et avait d'abord servi comme auxiliaire dans les armées romaines. Il avait ensuite déserté. Il rassembla quelques troupes de brigands et de vagabonds qu'il mena au pillage. Battu à plusieurs reprises par les proconsuls, il recommença la guerre peu de temps après; ce n'étaient d'abord que de simples excursions dont la promptitude assurait le succès; bientôt, il saccagea les bourgades, et se chargea de proie et de butin. Tacfarinas avait semé le bruit que la puissance romaine, entamée déjà par d'autres nations, retirait peu à peu ses troupes de l'Afrique, et qu'on envelopperait facilement les dominateurs, si tous ceux qui préféraient la liberté à l'esclavage voulaient fondre sur eux. Avec de tels arguments, il rencontra de nombreux contingents, et se vit en état d'attaquer la place de Tubusuctus (Tiklat) située sur les bords de la Nasava, vallée de la Soumam près de Bougie.

Le proconsul Dolabella rassemble aussitôt ce qu'il a sous la main de soldats. Au premier bruit de sa marche,

(1) Dureau de la Malle, Algérie.

les Numides se dispersent. La seule terreur du nom romain, l'impossibilité de soutenir le choc d'une infanterie régulière leur fait lever le siége. Delabella fortifie les postes avantageux et fait trancher la tête à quelques chefs musulans qui préparaient une défection; puis, comme l'expérience de plusieurs campagnes avait appris qu'un seul corps d'armée trop pesant échouait contre des ennemis vagabonds, aussitôt qu'il a reçu des renforts, il forme quatre divisions qui opèrent isolément.

Peu de temps après, on lui donne avis que les Numides s'étaient réunis près d'Auzia, sur l'emplacement duquel nous avons créé notre ville d'Aumale, alors forteresse à demi ruinée, jadis brûlée par eux-mêmes. Il apprend qu'ils y avaient dressé leurs huttes, se fiant sur la bonté de cette position qu'enfermaient de tous côtés de vastes forêts. Sur le champ, avec son infanterie légère et sa cavalerie, il fait une marche forcée; tous ignorent où il les mène. Au point du jour, les Romains, avec des cris terribles, au son des trompettes, l'infanterie serréc, les escadrons déployés, tout disposé pour le combat, fondent sur les Barbares à moitié endormis, dont les chevaux étaient attachés ou erraient dans les pâturages; ils n'avaient aucune connaissance de ce qui se passait, point d'armes, point d'ordre, point de plan: ils se laissèrent chasser, enlever, égorger comme des troupeaux. Le soldat romain, irrité par le souvenir de ses fatigues, jouissant enfin d'une bataille désirée si longtemps et si longtemps éludée, s'enivrait de vengeance, se baignait dans le sang. On fit dire dans les rangs de s'attacher à Tacfarinas, qu'après tant de combats, ils devaient connaître tous; que la mort seule du chef serait la fin de la guerre.

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