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kaïd de l'Ouennour'a. Celui-ci est loin d'avoir les manières nobles de ses frères; son extérieur, du reste, n'a rien du grand seigneur, et ce n'est pas sans raison qu'il a été souvent comparé à un singe. Nous allons voir, dans l'historique de Bou-Sâda et de Msila, le rôle joué par les fils du khalifa, durant ces dernières années.

Msila

A Msila, il n'y a pas le moindre vestige de constructions romaines, ni dans la ville ni dans les jardins. Les nombreuses pierres de taille que l'on y remarque proviennent des ruines de Bechilga, situées à trois kilomètres à l'est, chez les Souama; elles sont répandues là sur une superficie d'environ mille mètres de l'est à l'ouest, et de cent à trois cents mètres du nord au sud. Rien n'y reste plus debout; on n'y rencontre que des murs au ras de terre; les grosses pierres, les fûts de colonnes et les chapitaux ont été transportés à Msila; je dirai tout à l'heure à quelle époque et dans quelles circonstances. Une large rue traversait la ville dans le sens de sa longueur, et d'autres la croisaient du nord au sud; quelquesunes sont visibles encore d'après les restes des constructions qui les bordaient. Les carrières devaient être éloignées, peut-être étaient-elles au pied de la montagne des Aïad, c'est-à-dire à quatre lieues; aussi les pierres de taille n'avaient pas été prodiguées dans les constructions de Zabi, les Romains les avaient réservées pour les monuments et avaient employé, pour les bâtiments de moindre importance, les cailloux roulés, seules pierres que l'on trouve dans cette partie du Hodna et les seules aussi

qui couvrent aujourd'hui l'emplacement de l'ancienne Zabi.

Il n'y a point de sources aux environs de Bechilga, et la terre reste stérile si elle n'est pas arrosée pendant la saison des chaleurs. Pour donner la vie à ces vastes campagnes, les Romains y avaient amené les eaux de l'Oued-Ksob, qui prend le nom d'Oued-Msila au point où il débouche dans le Hodna. A environ mille cinq cents mètres en amont de Msila, ils avaient construit un immense barrage de plus de dix mètres de hauteur dont on voit encore les débris dans la rivière. Un conduit venait y aboutir sur chaque rive, et portait les eaux au loin. Celui de la rive droite, qui n'avait pas moins de quatre mètres de largeur près de la rivière, peut être suivi encore sur un parcours de trois cents mètres, puis toute trace disparaît et on ne le retrouve plus qu'à six kilomètres plus loin, au sud-ouest de Msila.

Le conduit de la rive gauche est apparent sur un grand nombre de points, et l'on peut le suivre encore d'un bout à l'autre; il allait aboutir au côté sud de Zabi, s'étendait bien au delà de la ville et fécondait toutes les terres comprises entre cette ville, l'Oued-Msila et le grand Chott du Hodna; on peut apprécier, par les jardins actuels de Msila, ceux qu'avaient dû créer les Romains dans ces riches campagnes, car les villas arrivaient presque jusqu'au Chott, sur un développement d'environ dix kilomètres carrés.

Les matériaux employés dans la construction des conduits consistent, comme à Bechilga, en cailloux roulés et en quelques moellons peu nombreux.

Voilà tout ce qui reste aujourd'hui des grands travaux

exécutés à Zabi par nos devanciers. A quelle époque la ville fut-elle rasée de nouveau et ses débris furent-ils transportés à Msila?

La première de ces questions ne peut se résoudre que par índuction. Les Maures des montagnes qui bordent le Hodna durent se soulever bien des fois pendant la période byzantine, et il pourrait se faire qu'ils eussent accompli eux-mêmes l'oeuvre de démolition. Dans tous les cas, je ne pense pas que Zabi ait résisté à la destruction générale qu'ordonna, à la fin du vire siècle, la reine de l'Aurès qui commandait alors aux anciens peuples d'Iabdas, et couvrit de ruines tout le pays qui s'étend de Tripoli à Tanger, d'après les historiens musulmans.

Ce qui est certain, c'est qu'en 927, Zabi n'existait plus, car, à cette époque, Abou-Kacem-el-Kaïin, fils du sultan fatimide Obeïd-Allah, de retour de son expédition dans le Maghreb, fonda Msila sous le nom de Molammedia, et, si Zabi avait été encore debout, Abou-Kacem ne se serait pas donné la gloire de bâtir une nouvelle ville à trois kilomètres de l'ancienne, à la seule fin, sous prétexte de maintenir le pays, de créer un pachalik ȧ son lieutenant Ibn-Hamdoun, dit El-Andalouci.

Huit ans après, Msila dut fournir à Ziri-ben-Merad des ouvriers pour bâtir Achir (Titteri), et une partie de ses habitants pour le peupler.

En 1088, le fondateur de l'empire Hammadite de Bougie rasa Msila, dont il transporta les habitants à la Kalâa. Une nouvelle population en releva les murs, qui furent abattus pour la deuxième fois soixante ans plus tard par les Zenata. La ville fut reconstruite; mais elle fut saccagée et ses murailles renversées vers 1330 par le

sultan hafside Abou-lahia-Abou-Beker qui venait de purger la vallée de l'Oued-Sahel des Abd-el-Ouadite qui la rançonnaient depuis plusieurs années. Les maisons sortirent encore une fois de leurs ruines, mais l'enceinte ne fut pas relevée. On sait, du reste, que toutes les constructions de Msila sont en briques de torchis séchées au soleil.

Ce que je viens de rappeler de l'histoire de Msila suffit pour expliquer comment y sont arrivées les nombreuses. pierres de taille et les fûts de colonne que l'on y trouve. Les Arabes et les Berbères des siècles passés avaient un certain amour des grandes choses que n'ont plus ceux de notre époque, et, sans doute aussi, étaient-ils plus ingénieux pour mouvoir les blocs qu'ils ont tirés de Zabi. Dans une localité où les pierres sont rares, les Arabes du Xe siècle ne pouvaient pas exécuter ces travaux imposants dont nous admirons encore les ruines à Tlemsen, à la Kalâa et à Bougie; mais, du moins, ils utilisèrent les matériaux qui étaient à leur portée. Ceux qui vinrent après eux, suivirent leur exemple; ils employèrent les matériaux qu'ils trouvèrent sur place, et finirent même par épuiser les ruines de Bechilga. Aussi, si l'on veut maintenant se faire une idée de l'importance des constructions de Zabi, étudier le goût et l'art qui y présidèrent et leurs époques, il faut parcourir les rues de Msila, pénétrer dans toutes les maisons et fouiller dans tous les coins: les montants des portes, les impostes, les piliers qui supportent les terrasses des galeries, les chapiteaux et les fûts de colonne, en nombre incroyable, que l'on voit dans les mosquées de la ville, tout cela provient des ruines de Bechilga. Mais tout cela a été entassé sans ordre et sans goût; dans telle mosquée, une belle colonne torse repose sur un

chapiteau resté inachevé, tandis qu'à côté, une autre colonne est coiffée d'une base d'un diamètre beaucoup plus grand.

Au milieu de ce fouillis et de ce désordre, quelques beaux chapiteaux d'ordre corinthien rappellent les bonnes époques de l'art; mais tout le reste accuse la décadence, et le ciseau des ouvriers byzantins. Cependant, tels qu'ils sont, et par la raison qu'ils sont très-nombreux, ces débris prouvent que Zabi eut encore des jours de prospérité dans les derniers temps de la domination romaine.

Je n'ai pas rencontré à Msila, bien que j'aie visité ses dix-sept mosquées et la moitié de ses maisons, d'inscription latine autre que la suivante, qui nous donne le nom de Zabi.

AEDIFICATAESTAFVNDAMENTISHVICCI
V....OVAIVSTINIANAZABISVBTEM

P....DOMNINOSTRIP... SIMIETINVICTISS

Ici a été bâtie, depuis ses fondations, la nouvelle ville « de Zabi la Justinienne, sous le règne de notre empereur très-pieux et très-invaincu (1). »

Le géographe arabe El-Bekri, qui écrivait au XIe siècle, dit ceci :

El-Msila, ville située dans une plaine, est entourée de deux murailles, entre lesquelles se trouve un canal d'eau vive qui fait le tour de la place. Par le moyen de vannes, on peut tirer de ce canal assez d'eau pour l'arrosement des terres. Dans la ville, on voit plusieurs bazars et bains et, à l'extérieur, un grand nombre de jardins.

(1) Renseignements fournis par notre ami M. Poulle.

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