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joindre aux Oulad-el-Hadj et les aider à assommer leurs rivaux. Le khalifa écrirait ensuite au bey qu'il s'était vu dans la nécessité de protéger le faible contre le fort, ainsi qu'il le lui avait recommandé.

Pendant que le nouveau complot se tramait sous la tente du khalifa, plusieurs cavaliers dévoués, allant s'embusquer sur tous les sentiers qui débouchent dans la Medjana, arrêtaient et faisaient disparaître l'émissaire de Ben-el-Guendouz revenant de Constantine. La réponse du bey, si heureusement interceptée, ne laissait aucun doute sur ses intentions: ordre était donné au khalifa et à Ben-el-Guendouz, sans autre formalité préalable, de tuer tous les Oulad-el-Hadj et les Abd-el-Selam en état de porter les armes.

Abd-el-Selam et Ben-Abd-Allah n'hésitèrent plus après la lecture de cette lettre. Pour eux, l'homme énergique était celui qui savait tuer à propos. Ils devaient aussi se méfier du khalifa, homme d'une cupidité éprouvée, divulguant ses secrets au plus offrant, et dont les bonnes intentions à leur égard pouvaient, par conséquent, changer d'une minute à l'autre.

La zmala des Ben-el-Guendouz, surprise au point du jour sans nulle défense et pendant que tout le monde y dormait encore, fut raziée complétement, et ceux connus par leur vigueur assommés sans défense. Ahmed-ben-elGuendouz et ses frères étaient tués des premiers: c'était sur eux surtout que la vengeance devait s'exercer.

Quand le détachement turc, accourant au bruit de la poudre, arriva sur les lieux, l'affaire était déjà terminée. Ainsi qu'il l'avait promis, le khalifa fit connaître au bey que Ben-el-Guendouz, abusant de sa force, avait attaqué

injustement ses rivaux et avait payé de sa vie la faute qu'il avait commise.

Des faits de cette nature n'ont rien qui doive nous surprendre. Dans le courant de cette même année 1808, trois beys, Ali-ben-loussef, Ahmed-Chaouch et AhmedToubbal, les deux premiers massacrés par la milice turque, se succédèrent dans le gouvernement de la province de Constantine. Le pacha d'Alger, Ahmed, fut assassiné lui aussi, le 7 novembre de la même année. Les discordes de famille s'ajoutaient donc aux discordes gouvernementales.

Au milieu de toutes ces commotions, Ben-Abd-Allahel-Mokrani fut investi par le bey qui succéda à celui qui l'avait condamné à périr, et se maintint au pouvoir pendant quatre ans environ. Au bout de ce temps, les Turcs furent obligés de faire une expédition dans la Medjana; nous ne connaissons pas les causes qui la provoquèrent; tout ce que nous savons c'est que les Oulad-el-Hadj et les Abd-el-Selam, en révolte, campés sur les hauteurs, résistèrent contre la colonne turque au milieu de laquelle se trouvaient les Oulad-bou-Rennan.

Les Oulad-el-Hadj ayant rassemblé les Beni-ladel, firent sur le camp turc une terrible attaque de nuit dans laquelle beaucoup de gens périrent de part et d'autre.

Pendant que ces événements se passaient dans la Medjana, on apprit que Toubbal, bey de Constantine, avait été étranglé par ordre du pacha, et que son successeur Nâman était en route pour Constantine.

El-Hadj-Abd-el-Selam se hâta d'aller complimenter le nouveau dignitaire de la province et de lui exposer la situation de son pays, mis en état de révolte, disait-il, par la

politique partiale de son prédécesseur le bey Toubbal. En appuyant les prétentions de la branche des Oulad-el-Hadj, il fit entrevoir au bey que leurs intérêts étaient communs, et que leur succès pouvait assurer la réalisation de ses propres ambitions.

Nâman-Bey, cédant à ses instances, confirma le titre de Ben-Abd-Allah; en même temps, il prescrivait à son khalifa commandant la colonne turque opérant dans la Medjana, de cesser toute hostilité, de dissoudre son corps expéditionnaire et de prêter main-forte à ses protégés. Par suite de cette intrigue, les rôles étaient donc intervertis: les amis devenaient des ennemis et vice versa. Les Bou-Rennan et les Ben-Guendouz désappointés, prévoyant de tristes représailles et ne pouvant résister à l'orage qui se formait, cédèrent prudemment aux circonstances et se retirèrent du côté de Msila, puis aux Oulad-Khelouf, où ils s'établirent définitivement, attendant le moment favorable pour reprendre la lutte.

Le maintien au pouvoir des Oulad-el-Hadj excitait cependant leur convoitise, car ils s'étaient flattés un instant d'avoir pour eux l'investiture. Ils n'étaient pas disposés, du reste, à permettre qu'on les frustrât longtemps de ce qu'ils appelaient leurs droits, ce qui, disaient-ils, leur aurait fait perdre tout prestige aux yeux de leurs partisans.

Pour ne pas donner l'éveil de la vengeance qu'ils méditaient, ils s'abstinrent de toute démonstration hostile, mais s'assurèrent secrètement du concours de la majeure partie des Hachem, en ralliant tous les mécontents et leur prodiguant des promesses pour les attacher à leur

cause.

Le stratagème inventé et proposé quelque temps auparavant pour nuire aux Oulad-el-Hadj dans l'opinion du bey devenait une réalité. Cette fois, il était, en effet, question de massacrer le détachement turc; seulement les rôles étaient intervertis: c'étaient les Bou-Rennan et les Ben-Guendouz qui tramaient le complot.

La nouvelle de ces sourdes menées parvint aux Ouladel-Hadj et réveilla, dès lors, toutes les vieilles discordes qui depuis un siècle divisaient le pays. Ils apprirent un soir que leurs rivaux avaient prescrit à leurs adhérents de se rassembler chez les Mzita pendant la nuit: l'attaque contre les Turcs et les Oulad-el-Hadj était fixée au lendemain.

Les Oulad-el-Hadj, comptant sur l'avantage qu'ils auraient en tombant sur leurs ennemis par surprise et pendant qu'ils étaient encore séparés, se mirent immédiatement en marche afin de razier la zmala des BouRennan et des Ben-Guendouz avant l'arrivée auprès d'eux des contingents rassemblés chez les Mzita.

Au moment où l'aube matinale commençait à blanchir la campagne, ils abordèrent la zmala avec un grand élan et en poussant des cris; mais ils trouvèrent un ennemi qui, averti de leur approche, s'était déjà mis sur ses gardes et les attendait de pied ferme. L'animosité et la défiance étaient tellement grandes, que chacun se méfiant des intentions du voisin, veillait nuit et jour à sa sûreté.

Le combat s'engagea avec un égal acharnement et un égal avantage, et, après une action très-vive où périrent et furent blessés de part et d'autre plusieurs personnages de marque, la zmala finit par être prise. Les Oulad-elHadj s'emparèrent d'un butin considérable; mais l'eni

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vrement de ce premier succès faillit leur coûter cher; car au moment où, débandés, ils commençaient à opérer leur mouvement de retraite, ils rencontrèrent tout à coup devant eux les contingents des Mzila venant rallier la zmala. Aussitôt s'engagea une nouvelle action plus opiniåtre et plus sanglante que la première. Le goum des Oulad-el-Hadj, embarrassé par les riches dépouilles, produit de la razia, et ne pouvant manoeuvrer librement au milieu des troupeaux de moutons et de chamaux qu'il emmenait, éprouva en quelques instants de grandes pertes.

Heureusement, le détachement turc, qui avait suivi les Oulad-el-Hadj pour les soutenir au besoin, parvint à prendre position sur une éminence qui servit dès lors de point de ralliement aux cavaliers dispersés dans la plaine.

La fusillade des janissaires, aussi vive que meurtrière, arrêta l'élan des contingents ennemis et permit à la colonne de recommencer sa marche rétrograde. Quoi qu'il en soit, les Oulad-el-Hadj, fort maltraités à leur tour, pendant cette retraite désastreuse, perdirent la majeure partie de leurs chevaux, et laissèrent la plaine inondée de sang et jonchée de cadavres. Ils ne furent définitivement débarrassés du cercle de fer qui les enveloppait qu'à l'arrivée d'une autre troupe de cavaliers armés, accourus au bruit de la poudre, pour leur porter secours. Le combat de Zennouna, nom du lieu où était campée la zmala, dont chaque parti se donna la gloire, avait commencé aux premières lueurs du jour et duré jusqu'à la tombée de la nuit. Il eut lieu en 1812.

Dans le courant de la même année, deux Oulad-Mokran de la branche dite des Betka se séparèrent du reste de

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