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el-Kader, qui venait par le Sud et dont on ignorait les intentions. Sur les rapports de quelques déserteurs de la compagnie de Bordj, l'ennemi, espérant pouvoir enlever le poste, envoya un goum nombreux tirailler sur les murs. Le chef fut tué, et les cavaliers s'enfuirent avec quelques pertes.

Les dépenses extraordinaires qu'occasionnait à l'État l'usage des tentes pour la compagnie, nécessita la construction d'une caserne, et l'incertitude sur le point où devait être installé un établissement permanent dans la Medjana ayant été levée, à la suite d'une exploration minutieuse de la plaine, la création du centre de Bordj fut décidée. Le fortin resta tel qu'il était, avec adjonction d'un saillant; les logements furent refaits en maçonnerie et couverts en tuiles. Une caserne, entourée d'une enceinte flanquée de petits bastions, fut construite sur le plateau de l'Est. Le ruissean d'Aïn-bou-Areridj, qui descend de quatre sources situées à mille deux cents mètres au nord du fortin, fut amené jusqu'auprès du nouvel établissement. I traverse une belle prairie, au pied du rocher, d'où un canal l'utilisa à l'arrosage des jardins de la garnison.

Autour de l'établissement militaire de Bordj, se créa rapidement un centre européen, qui, l'année dernière, se composait déjà d'environ quatre-vingt-dix maisons formant la ville, et d'une vingtaine d'autres bâties dans la banlieue. La population européenne était, à cette époque, d'environ trois cents personnes, à la disposition desquelles mille six cents hectares de terres de colonisation avaient été attribués.

En 1868, un commissariat civil y était créé, et, enfin,

le 3 septembre 1870, Bordj-bou-Areridj était constitué en commune de plein exercice (1).

Un marché hebdomadaire très-important appelle sur ce point beaucoup de négociants européens. Le commerce des céréales, des bestiaux, du miel, de la cire, que fournissent en grande partie les montagnes du Mansoura, de Mezita et des Beni-Abbas, y a acquis un développement considérable. Bordj est destiné à devenir une des stations les plus florissantes de la route d'Alger à Constantine. La plaine de la Medjana, par la constitution de son sol fertile, l'abondance, la bonté de ses eaux et le voisinage des montagnes boisées qui l'encadrent, avait attiré l'attention du peuple qui savait si admirablement utiliser les ressources de sa conquête. Aussi est-elle littéralement semée de vestiges antiques, dont plusieurs groupes atlestent par leur étendue l'existence d'établissements florissants. On a retrouvé, entre autres :

1o Le municipe des Lemellefensiens, placé au lieu dit Kherbet-Zembia, qui occupait une éminence dominant la partie supérieure du cours de l'Oued-Ksob, point commandant les deux flancs de cette large vallée et ses terrains fertiles qui s'étendent depuis Ras-el-Oued, en amont, jusqu'à Koudiat-Rachidi en aval. Les eaux de l'abondante source de Bel-Imour étaient conduites à la cité romaine par un aqueduc monumental, alors que les empereurs Philippe, père et fils, régnaient simultanément sur le monde, c'est-à-dire de l'an 247 à l'an 248 de l'ère chrétienne.

(1) Soixante-six kilomètres séparent Bordj-bou-Areridj de Setif. Les gîtes d'étape sont Aïn-Taghrout, où existe un caravanserail; puis Sidi

2o Les Tamannuniens, voisins et limitrophes des Lemellefensiens, devaient détenir, un peu plus vers l'ouest, le territoire sur lequel cultivent actuellement les OuladCheniti et les Oulad-el-Hannachia. Ces Tamannuniens étaient-ils d'origine numide, ou bien ont-ils été les sujets des rois de cette nation, antérieurement à l'organisation de la province de la Mauritanie sitifienne? L'une de ces suppositions semblerait vraisemblable, car, sur une pierre gravée au burin, on lit encore DOMINE JVBANOS ;

3o Les Tamascaniens avaient assis leur ville dans la vallée d'Oussedjit, que détiennent maintenant les OuladOgla. Ce lieu, heureusement choisi, est richement arrosé en toute saison; on y voit encore les vestiges de fontaines, de bains, de quais, de clôtures de jardins, et particulièrement, des mosaïques de la belle époque romaine;

4o Les Kasturinsiens. Les possessions de celle peuplade devaient être d'une certaine étendue, et comprendre toute la plaine ondulée qui, du versant sud du DjebelMetennan et du Djebel-Kteuf, s'incline progressivement vers l'Est, où elle est limitée par le ruisseau de BouAreridj (1).

Lors des différentes invasions qui pesèrent sur le nord de l'Afrique, ses avantages ont pu arrêter dans la Medjana les peuples qui s'y succédèrent; mais ils n'y ont pas laissé de traces de leur passage.

Embarek, auprès du tombeau du marabout de ce nom. Un service de voitures transporte les voyageurs d'une ville à l'autre.

(1) Voir, dans les Recueils de notre Société, les nombreuses et importantes découvertes épigraphiques faites dans cette région par le commandant Payen.

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Les tribus composant le cercle de Bordj-bou-Areridj

sont :

Beni-ladel. - Mzita. Dréat. -Ouennour'a. - OuladKhelouf. Meggueddem. Zamora. Oulad-Taïer. Beni-Abbas. Beni-Melli

kech.

Mâdid. Hachem. - Aïad.

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Les Beni-Abbas descendent de la tribu berbère des Sedouikich, fraction des Azizides, par une femme appelée Tazizt, et habitent les mêmes montagnes depuis la plus haute antiquité. Les Sedouikich appartiennent eux-mêmes à la grande tribu des Ketama. C'est au milieu du pays accidenté des Beni-Abbas, que se trouve la fameuse Kalâa, dont nous aurons souvent à parler plus loin; il convient donc de donner ici la description de cette forteresse naturelle.

Qu'on imagine un roc à pic, un cône ou plutôt une pyramide quadrangulaire, tronquée, debout, s'épatant un peu à sa base comme de l'argile trop humide; taillée en haut obliquement, en biseau, pour ainsi dire, dans le sens du sud au nord, rougeâtre au sommet et teinté de gris à la base.

C'est une roche de formation sédimentaire, soulevée et détachée du système voisin; ses stratifications ont une position horizontale d'un singulier effet; c'est comme une immense ceinture, composée d'un grand nombre de cordons, formant un mur vertical, qui ajoute une fortification naturelle à ce roc, déjà inaccessible par l'inclinaison de ses pentes, qui n'est pas moindre de 22o.

Au pied, la roche est recouverte par de la terre végétale crevassée, profondément ravinée, mais permettant à quelques oliviers d'y vivre. Au-dessus, des espèces plus

humbles font tache sur le roc, auquel elles sont comme suspendues; ce sont des genévriers.

Outre ces crevasses, le rocher de la Kalâa présente deux grandes dépressions qui le divisent en trois espèces de contre-forts. Celui du milieu supporte un village, celui de gauche un deuxième. Au point culminant, un peu sur la droite, on aperçoit une petite gorge qui paraît donner passage, et cela est en effet, à la route du sud, qui débouche du haut du plateau.

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Perché sur ce nid d'aigle, la vue est immense. D'abord on voit les montagnes, si singulièrement accidentées, des Beni-Abbas. En face, au premier plan, est El-Aïad, puis les échelons qui bordent la rive droite de l'Oued-Sahel, depuis Akbou jusqu'aux Beni-Immel. Ensuite, et pardessus le tout, déjà dans le bleu de l'horizon, le pic de Lalla-Khedidja, le plus élevé des montagnes du Jurjura, et les rochers bizarrement découpés des Ourzellaguen. A droite, la vue va se perdre par delà les hauteurs des Beni-Aïdel jusqu'au Djebel-Azrou, rencontrant sur son chemin, jusqu'à la charmante silhouette de Timeri, qui domine Tamokra, vingt dachera kabiles jetées sur les points culminants comme les nids de cigogne sur les cheminées de Constantine. A nos pieds, les deux villages de Kalâa. Celui de droite, qui occupe l'angle nord du sommet tronqué de la pyramide, appartient aux Mokrani; les Oulad-Aïssa l'habitent. Celui de gaucbe, qui appartient aux Oulad-Hamadouche, couronne le contre-fort du milieu et s'étend vers l'Ouest; il est plus considérable que le premier et est divisé en deux quartiers assez distincts, ce qui avait fait dire, par erreur, qu'il y avait trois villages. Un ravin assez profond, et qui forme, plus

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