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gnant de la confiance dans l'avenir. Cette confiance n'a pas été trompée, elle se justifie tous les jours davantage. Elle est justifiée surtout par l'ouverture de la route qui va mettre Setif en communication avec Bougie, son port naturel. On achève actuellement cette route, qui est aussi indispensable au développement de ces deux centres intéressants qu'à la sécurité générale du pays.

En 1849, le général de Barral, puis le colonel de Lourmel, avaient inauguré les premiers chantiers de travailleurs sur la voie stratégique projetée entre Bougie et Setif, passant par Ain-Roua, le Drâ-el-Arbaå et les Barbacha. En 1852, une colonne, sous les ordres du général Maissiat, élargissait et améliorait cette même route, surtout sur les flancs du Bou-Zekout où existait un passage tortueux, extrêmement difficile, que nos soldats, dans leur langage imagé, avaient justement nommé l'escargot. L'année suivante, les travaux étaient continués avec ardeur, et quatre caravansérails construits de distance en distance, pour servir de gites d'étapes aux voyageurs. On vit à cette époque, pour la première fois, quelques voitures de roulage et des caravanes de chameaux faire par cette voie nouvelle le trajet de Setif à Bougic. Les travaux, suspendus pendant la guerre d'Orient, étaient repris cn 1856 et continués durant trois années consécutives. Le passage par les crètes de Guifsar, présentant de grands inconvénients, avait été abandonné, et un autre, tracé par les Beni-Scliman, jugé préférable; mais ces routes, manquant les unes et les autres de travaux d'art et de soins permanents, ne tardaient pas à devenir impraticables, même aux muletiers, à cause des éboulements causés, chaque hiver, par les pluies et la fonte des neiges.

Depuis, sur les indications du capitaine Capdepont, chef de l'annexe de Takitount, M. l'Ingénieur de l'Épinay étudia le tracé d'une nouvelle route définitive qui est aujourd'hui à la veille d'être achevée. Celle-ci passe par le Chabet-el-Akhera dans une gorge granitique d'un effet pittoresque des plus curieux, et aboutit au littoral en longeant la vallée de l'Oued-Aguerioun, à travers une région ravissante couverte de bois et de forêts splendides. Elle offre, sur les anciennes routes, le double avantage d'être d'abord plus courte, puisque Setif ne sera plus qu'à soixante-douze kilomètres de la mer, et ensuite de se maintenir beaucoup moins longtemps dans la région où les neiges peuvent interrompre la circulation. Cette voie de communication intéresse Bougie et Setif au même degré; elle rendra son ancienne importance au port qui servira de débouché à toutes les denrées des plaines fertiles de Setif, de la Medjana et du Hodna.

La grande artère qui doit relier Constantine à Alger, dont les travaux sont en cours d'exécution, traverse la ville de Setif (1); de là, elle se dirige sur Bordj-bou-Areridj, passe les Biban ou Portes de fer et arrive à Aumale dans la province d'Alger.

La ville est aujourd'hui entourée d'un mur d'enceinte percé de trois portes d'Alger, de Biskra et de Constantine. De larges rues tracées régulièrement, avec leurs trottoirs bordés d'arbres, la coupent en damier. On compte quatre places du Marché, de l'Église, Barral ou

(1) La distance de Constantine à Setif est de cent trente kilomètres. Sur son parcours, la route qui relie ces deux villes traverse les villages d'Aïn-Semara, Oued-Atmenia, Saint-Donat et Saint-Arnaud.

du Tremble et du Théâtre (1). Cette dernière est encadrée de bâtiments construits à peu près uniformément, garnis de hautes arcades pour mettre le promeneur à l'abri du soleil ou de la pluie. Au centre, il y a une belle fontaine monumentale jaillissant sur quatre faces. Elle est, de plus, entourée par le bâtiment du bureau arabe, par des magasins, des cafés et des bazars, et enfin par la mosquée, coquet édifice orné d'arabesques, dont le minaret domine toute la ville et les environs. De nombreux magasins, très-bien approvisionnés de tout ce qui est nécessaire à l'Européen, y rendent la vie aussi facile que dans une ville de France. Le quartier militaire, construit sur la partie la plus élevée du plateau, est séparé de la cité par un mur d'enceinte. Il renferme de grandes casernes pour l'infanterie et un quartier de cavalerie avec de belles et vastes écuries. L'hôpital est également très-bien installé et peut contenir un millier de lits. Outre une garnison permanente de trois mille hommes environ, la ville est habitée par près de quatre mille ames, par plusieurs centaines d'israélites et par quelques indigènes musulmans.

En dehors de la porte d'Alger, la grande route est bordée, de chaque côté, par un boulevard à double rangée de mûriers d'une très-belle venue. Sur la droite, il y a une promenade publique un peu plus élevée que l'allée et parallèle sur toute sa longueur. Elle est ombragée par plusieurs espèces d'arbres, telles que frênes, mûriers, acacias, etc. C'est là que l'on a placé toutes les antiquités romaines de quelque valeur, parmi lesquelles, au bout

(1) Ce nom lui vient du théâtre que les soldats de la garnison avaient organisé il y a quelques années.

d'une large allée, au milieu d'un rond-point, l'armée a érigé une haute colonne surmontée du buste en marbre du duc d'Orléans, en souvenir de son expédition aux Portes de fer.

En prenant la gauche de la route d'Alger, on trouve des oasis délicieuses. Au bout de la promenade, est un établissement de bains. De là, on descend une longue. allée de peupliers, de chaque côté de laquelle sont de vastes jardins potagers. On a ensuite, devant soi, la pépi nière; il serait superflu ici de citer toutes les plantes rares et les arbustes qui en font l'ornement. C'est l'Europe qui a fourni les plus beaux échantillons d'arbres; mais on peut dire que la terre qui les a reçus les a traités en enfants gâtés; elle en fait des géants en quelques années.

Le territoire de Setif est situé à onze cents mètres audessus du niveau de la mer; cette altitude lui donne un climat qui a beaucoup d'analogie, quant à l'hivernage, avec celui de la partie moyenne de la France, quoique sensiblement plus chaud pendant l'été. Ce climat convient parfaitement aux arbres fruitiers à feuilles caduques, qui donnent sur ce point des fruits abondants et délicieux.

Si nous consultons l'antiquité pour préjuger l'avenir réservé à Setif, nous serons complétement rassurés, nonsculement par le développement que cette ville avait pris sous les Romains, mais encore par le grand nombre de ruines importantes qui sont répandues à une grande distance et dans toutes les directions. L'influence qu'elle a dû exercer à cette époque ne s'est pas effacée; sa position géographique, au point de rencontre des communications de Constantine à Alger, et de Bonsaâda, de la Me

djana, du Hodna et de Bougie, et les richesses en céréales de la plaine dans laquelle elle est située, la lui ont main

tenue.

C'est encore à son marché, qui se tient régulièrement à la porte de la ville, l'un des plus considérables de l'Algérie, que les Berbères de la montagne et les Arabes de la plaine, depuis le littoral jusqu'aux Ziban, se donnent rendez-vous pour venir échanger leurs produits. On peut évaluer à huit ou dix mille àmes la population qui s'y rencontre chaque dimanche des mois d'août, septembre et octobre et qui y met en vente, en grande quantité, du blé, de l'orge, des fruits, de l'huile, du savon, du miel, de la cire, des cuirs, des laines, des matières tinctoriales, des caroubes, du sel, des bestiaux, des bêtes de somme. et des chevaux.

Ajoutons à ce puissant élément de prospérité les avantages d'un climat dont la salubrité cst proverbiale; des eaux excellentes, on pourrait presque dire célèbres pour nous servir de l'expression arabe, et du voisinage d'une population indigène laborieuse. Nous devons tenir compte, en même temps, des ressources qui sont offertes par la forêt de cèdres du Bou-Taleb, distante, il est vrai, de seize à dix-sept lieues de la place, mais dont le trajet, constamment en plaine, est facile à parcourir pour les voitures, et des mines de plàtre, de plomb ou de fer qui sont en exploitation; dans la montagne du Magris sont de belles carrières de pierre; on y voit encore des monolithes ébauchés par les ouvriers romains.

La création d'un centre de population civile à Setif date du 11 février 1847; un commissariat civil y fut installé en 1851; la constitution de la commune est du

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