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cavaliers de Ben-Salem. Ceux-ci ne tardèrent pas à se replier sans tirer un coup de fusil, et le khalifa, dont on apercevait les drapeaux, averti que le prince se dirigeait sur Alger, donna l'ordre à sa cavalerie de se retirer, se repliant sur Médéa et renonçant au projet qu'il avait sans doute formé de défendre la position de Hamza.

Dès que la cavalerie eut couronné les hauteurs que les Arabes abandonnaient, le prince, qui s'y était porté de sa personne, fit remonter la vallée à son infanterie et occupa Hamza, dont le fort était complétement abandonné, Le fort de Hamza était alors un carré étoilé dont les revêtements étaient en partie détruits les logements intérieurs, construits par les Turcs, n'existaient plus; onze pièces de canon, en partie enclouées, gisaient sur le sol; aucun n'avait d'affût, et l'armée n'y trouva aucun approvisionnement de bouche ou de guerre.

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Il n'entre pas dans notre cadre de suivre davantage les opérations militaires de cette colonne. Après quelques brillants combats livrés aux Arabes qui tentaient de s'opposer à sa marche, elle arriva au Fondouk le 1er novembre. Le lendemain, le prince faisait son entrée à Alger aux acclamations de la population de cette ville.

Cependant le général Galbois, après avoir quitté le corps du prince royal, rétrograda sur Setif et fit pousser, avec la plus grande activité, les travaux de réparation des restes de fortifications romaines, qui prirent le nom de fort d'Orléans. L'expédition fut complétée par le retour de la colonne, qui rentra à Constantine en suivant la plaine des Eulma et des Oulad-Abd-en-Nour.

Une folle tentative d'une fraction de la tribu des Eulma fournit bientôt à la garnison de Setif l'occasion de se

distinguer. Dans la journée du 18 mars 1840, une centaine de cavaliers des Eulma se jetait à l'improviste sur un troupeau des Amer, qu'ils enlevaient après avoir lâchement mutilé les bergers. Informé de cet acte de brigandage commis à une demi-lieue du camp, le colonel Froidefont, commandant de Setif, se lança sans tarder sur les traces de l'ennemi. Après une poursuite de près de six lieues, il fut atteint et abordé vigoureusement par la cavalerie, et tout ce qui portait les armes fut tué.

Quelques jours après, le colonel Froidefont partait de nouveau pour châtier la tribu des Aouamer, dont les hostilités continuelles inquiétaient les Amer, nos alliés. Le 21 avril, au point du jour, nos troupes se mettaient en marche, précédées par quatre cents cavaliers auxiliaires lancés à la poursuite des troupeaux des Aouamer, qui fuyaient vers les montagnes du Babor. Les Kabiles, en assez grand nombre, couronnaient déjà les hauteurs et faisaient un feu très-vif sur notre goum. L'infanterie entra bientôt en ligne, enleva toutes les positions et brûla les villages et les moulins des environs. Les Aouamer, en déroute, étaient poursuivis à outrance par les chasseurs du lieutenant Verillon.

Afin d'étendre notre autorité, et en même temps dans le but de protéger les populations qui s'étaient déclarées pour nous, on décida à cette époque la création d'un camp à Aïn-Turc, à huit licues à l'ouest de Setif. Le général commandant la province espérait s'appuyer sur ce poste permanent pour ramener l'ordre dans la Medjana, et redonner à notre khalifa Mokrani la prépondérance que son compétiteur Ben-Abd-es-Selam lui avait fait perdre. Il y avait encore un autre but c'était de faire de ce

camp la base des opérations sur les montagnes voisines, vers lesquelles les lieutenants d'Abd-el-Kader exerçaient. plus particulièrement leur influence.

Ain-Turc est un point situé sur l'Oued-bou-Sellam, à l'entrée de cette rivière dans les montagnes kabiles, au nord de la plaine qui s'étend depuis le Guergour jusqu'aux montagnes des Rir'a, et, vers l'ouest, jusqu'aux Biban. Placé aussi sur une des routes qui vont de Setif à Bougie, ce poste semblait menacer les Kabiles d'une invasion prochaine, mais n'indiquait nullement la destination réelle, en vue de laquelle il était établi.

Le 3 mai 1840, le commandant Delpi de la Cipière recevait l'ordre de se rendre à Aïn-Turc avec cinq cents hommes du 62° de ligne. Les parapets du poste commençaient à peine à s'élever, lorsque les Kabiles, se voyant menacés dans leurs montagnes, où ils tenaient à vivre indépendants, firent de grands efforts pour s'opposer à la création du camp retranché. Dans les journées des 4, 6 et 7, ils se présentaient en grand nombre sur les hauteurs voisines, et tiraillaient sur la petite troupe avec acharnement. Ces diverses affaires réitérées semblaient n'ètre que le prélude de l'attaque générale, réservée pour la journée du 8. Ce jour-là, l'ennemi déploya des forces supérieures à celles qu'il avait précédemment engagées ; elles se composaient de sept ou huit mille Kabiles, dont une partie appartenait aux tribus des montagnes de Bougie. Un bataillon régulier, amené par un lieutenant d'Abdcl-Kader, portant deux drapeaux, vint également prendre position en face d'Aïn-Turc. Le camp fut abordé avec impétuosité. Au moment où l'action était des plus sérieuses, le colonel Lafontaine arrivait de Setif amenant des trou

pes et des munitions; on prit immédiatement l'offensive et l'ennemi, chassé de ses positions, fut mis dans une déroute complète. Le 9, les Kabiles reparurent encore; mais leur audace avait sensiblement diminué. Il suffit d'une vigoureuse charge de cavalerie, dirigée par le commandant Richepanse, pour les dissiper; on les poursuivit, pendant plus d'une lieue, en leur faisant éprouver des pertes considérables.

On devait croire que tant d'échecs successifs avaient plongé les Kabiles dans le découragement, et qu'ils renonceraient à de nouvelles tentatives, dont l'impuissance leur était si bien démontrée. Cependant, le 11, un millier de fantassins et trois cents cavaliers vinrent attaquer avec vigueur un mamelon occupé par une compagnie de tirailleurs indigènes, sous les ordres du lieutenant Bourbaki. Les habiles dispositions prises aussitôt déjouèrent tous leurs efforts. On chassa, après un feu très-vif, les Kabiles du ravin où ils étaient embusqués. Un peloton de chasseurs d'Afrique exécuta une charge brillante, qui força l'ennemi à prendre la fuite en toute hâte, après avoir laissé cent cinquante hommes tués sur le carreau. Dans les journées des 12 et 13, ils ne reparurent plus.

Sur l'avis qu'il reçut d'un rassemblement considérable, manœuvrant dans la direction du camp, le colonel Lafontaine se rendit de nouveau à Aïn-Turc, dans la nuit du 14, avec une partie des troupes formant la garnison de Setif. Une reconnaissance, qu'il exécuta dans la matinée du 15, sur la route de Zamora, avec trois bataillons et deux escadrons, lui révéla la présence de l'ennemi, en position sur les hauteurs. Il les fit attaquer sur-le-champ. D'habiles manœuvres permirent au colonel Lafontaine de

l'attirer sur un terrain favorable et de le faire charger par sa cavalerie. Là encore, les contingents de Ben-Abdes-Selam furent enfoncés après une énergique résistance, et disparurent entièrement, laissant le terrain jonché de leurs morts. Une grande quantité de fusils et d'autres objets tombèrent entre les mains de nos soldats (1). Pour perpétuer le souvenir de la belle conduite du bataillon du 62e de ligne, on donna au poste d'Aïn-Turc le nom de Redoute du 62c.

Cependant, ces attaques réitérées avaient donné une nouvelle force aux agents d'Abd-el-Kader, contre lesquels on voulait agir énergiquement. Elles nécessitaient la présence d'une grande partie des troupes disponibles de la province pour se maintenir dans une position d'observation. On se borna à une seule opération sur les Rir'aGuebala qui obéissaient à Ahmed-Cherif. Ce personnage était l'un des plus ardents partisans d'Abd-el-Kader, et il était parvenu à réunir à lui plusieurs tribus habitant å une dizaine de lieues au sud de Setif. Ils attaquaient et pillaient nos alliés, et s'étaient joints aux Kabiles qui avaient combattu contre nous avec tant d'acharnement à Ain-Turc. I devenait urgent de les punir et de leur infliger une leçon sérieuse. A cet effet, le colonel Levasseur partit de Setif le 19 mai, et, le lendemain, à la pointe du

(1) Les officiers qui, sous les ordres du colonel Lafontaine, se distinguèrent le plus pendant cette série de combats acharnés, furent :

Le commandant Delpi de la Cipière, du 62o; le commandant Mollière, des tirailleurs indigènes; le lieutenant Bourbaki, des tirailleurs indigènes; le commandant Richepanse, des chasseurs d'Afrique; le capitaine Dambry, des chasseurs d'Afrique, et le lieutenant Verillon, des chasseurs d'Afrique aussi, qui tua sept Arabes de sa main dans les différentes charges de son peloton.

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