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Les traces des troupeaux étaient fort nombreuses dans toutes les directions, et, sur les indications du Khelifi, que la menace d'un coup de fusil décida à parler après quelques hésitations, le rezzou se divisa. El-Akhedar ben Horrouba, Mohammed ben El-Hadj Radjaa et la moitié de la harka se dirigèrent vers le Nord. En arrivant à Dra-Allel, tout près du coude de l'Aïn-Beïda, oasis située à 7 kilomètres d'Ouargla, ils trouvèrent cinq troupeaux des Beni-Hassen et des Beni-Khelifat de la tribu des Mekhadema. Les bergers se sauvèrent, et ElAkhedar ben Horrouba les poursuivit avec Radjâa jusqu'en vue de Ghars-ed-Debbach, groupe de palmiers qui est situé entre le ksar de Rouissat et l'Aïn-Beïda. Ils revinrent alors en arrière, et rejoignirent à Kouif-elLaham leurs compagnons, qui y avaient emmené tous les chameaux razzés à Dra-Allel.

L'autre fraction du rezzou, prenant plus à l'Est, était pendant ce temps arrivée aux Gour-Bakrat, à 14 kilomètres d'Ouargla. Un premier troupeau, appartenant aux Oulad-Arrima, des Beni-Thour, était tombé entre les mains des Medaganat, à El-Robeta; puis, poussant plus loin, Boubeker ben Abd-el-Hakem, Kaddour ben Sassi et Ahmed El-Ahouar en avaient enlevé deux autres, de la même fraction, au pied même des Bakrat.

L'alarme était déjà donnée, et les bergers qui cherchaient à gagner l'oasis se sauvèrent de loin en voyant le rezzou. Il n'y eut donc pas de nouveaux prisonniers.

La journée étant assez avancée quand toutes ces razzias furent terminées, le premier groupe n'atteignit que vers la fin de la nuit H.-Bou-Rouba, ou avait été fixé le rendez-vous général. De leur côté, Ahmed ElAhouar et ses compagnons n'y arrivèrent qu'au jour, après avoir marché sans s'arrêter et à toute allure.

Une fois réunis, les Medaganat remplirent précipitamment leurs outres, égorgèrent deux chameaux qu'ils jetèrent dans le puits, et repartirent. Le soir, assez tard, ils étaient à H.-El-Gara, où ils jetèrent encore un cha

meau, et, le lendemain, dans la nuit, à H.-Djemel. La même précaution prise, ils continuèrent leur route au petit jour.

Des prisonniers, deux s'étaient sauvés de H.-BouRouba, le Khelifi et l'esclave de Rabah ben Naïmi. Quant aux Oulad-Sidi-Mâabed, que protégeait leur qualité de marabouts, les Medaganat les mirent en liberté en partant de H.-Djemel.

On avait appris à Ouargla l'arrivée de la harka et ses razzias successives, en même temps par l'esclave, berger des chameaux de Rabah ben Naïmi, qui avait fait un long détour, par celui-ci quand il découvrit ses moutons près de Rouissat et, enfin, par les Beni-Khelifat d'Hafertben-Zengour.

Il n'y avait encore dans l'oasis qu'une partie des Mekhadema et quelques Beni-Thour. Mais le rezzou était peu nombreux. Réunissant donc tout son makzen aussitôt qu'il fut prévenu, les chevaux et les mehara des deux tribus, l'agha Ben Driss se mit à la poursuite des Medaganat sans emmener de convoi, pensant les rejoindre rapidement. Mais, à Bou-Rouba, il fut impossible de faire boire les chevaux à cause des chameaux jetés dans le puits, et il n'y eut pas moyen de dépasser H.-El-Gara; pour le même motif, le goum dut rentrer à Ouargla de ce point.

Seuls, les mehara continuèrent la route, pensant trouver H.-Djemel en bon état. Les Oulad-Sidi-Maabed, qu'ils rencontrèrent à quelques kilomètres avant d'y arriver, leur apprirent ce qui en était, et force leur fut de revenir aussi sur leurs pas; les guerba étaient absolument vides, et prolonger la poursuite dans ces conditions eût été une folie.

(A suivre).

LE CHATELIER.

ESSAI

D'ÉTUDES LINGUISTIQUES & ETHNOLOGIQUES

SUR LES

ORIGINES BERBÈRES

DEUXIEME PARTIE

ETHNOLOGIE

AVERTISSEMENT

Dans cette seconde partie nous abordons de bien grosses questions; nous n'avons la prétention ni de les résoudre, ni même d'en poser les termes précis; notre rôle, beaucoup plus modeste, se borne à signaler à l'attention et aux recherches des érudits des aperçus nouveaux qui peuvent mettre sur la piste de découvertes intéressantes.

Nous avons respecté, quant au fond, les données du roi Hiemsal et de Salluste, sur le peuplement de la Berbèrie par des races Ariennes débordant de l'Espagne; celles de Strabon, sur les origines Indiennes des Libyens; celles d'Ibn Khaldoun et des auteurs musulmans, sur les migrations venues de la Palestine et de l'Arabie non sémite; nous avons utilisé les renseignements d'Héro

dote et d'autres auteurs; mais nous avons interprété tous ces documents en les appuyant sur des faits linguistiques, qui ne sont que les corollaires logiques des principes exposés dans la première partie de ce travail. Il se peut que nous ayons été parfois trop hardi dans nos conclusions, que bien des erreurs se soient glissées dans nos déductions; mais, de ces recherches, tentées de bonne foi, il restera toujours quelques faits d'observation pouvant être utilisés, et quelques vérités qui finiront par s'affirmer.

CHAPITRE PREMIER

Considérations générales sur les origines berbères.

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Peuple

races. Dualisme des origines. Traditions locales. — Peuplement par le Nord-Ouest, européen et méditerranéen. ment par le Sud-Ouest, asiatique et saharien. — Tableau synoptique des diverses migrations ayant concouru à la formation des premières races berbères.

Les données linguistiques fournies par l'étude d'un idiome ancien, rapprochées des autres renseignements recueillis dans les pays où il s'est conservé, donnent toujours des indications précieuses pour remonter fort loin dans le passé, et elles permettent parfois de reconstituer, dans de certaines limites, l'histoire primitive des peuples qui parlent cet idiome.

Certes, nous ne sommes pas encore en mesure de présenter, pour les origines berbères, un ensemble de solutions appuyées sur des bases assez solides pour constituer la vérité historique; mais, déjà, nous entrevoyons nettement les grandes lignes du récit qui pourra être fait, un jour, en s'appuyant sur les nombreux jalons géographiques repérant les premières migrations berRevue africaine, 30o année. No 178 (JANVIER 1886).

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bères à travers l'Asie et l'Europe, aussi bien que des confins de l'Oural aux plaines du Sahara.

C'est cet aperçu que nous allons essayer d'esquisser. Malgré la diversité des opinions émises sur l'ethnologie de l'Afrique Septentrionale, presque tous les auteurs anciens ou modernes sont d'accord sur deux points la pluralité des races berbères et leur groupement possible autour de deux souches principales, séparées dès la plus haute antiquité, mais ayant certainement une origine commune (1).

En effet, chez les Berbères, les mœurs, les coutumes, les traditions, le langage, l'histoire, tout, en un mot, se résume en un dualisme perpétuel dont l'expression la plus saisissante est ce double soff que l'on retrouve dans le plus petit hameau kabyle, comme dans les plus puissantes confédérations du Sahara Zénatien, et dont les dénominations géographiques n'ont aucun rapport avec les situations topographiques de ceux qui en font partie. Ces soff ont ceci de remarquable, qu'au lieu d'emprunter leurs désignations à des personnalités, à des idées religieuses ou politiques, ou même à des signes de ralliement, ils les tirent presque partout des noms des quatre points cardinaux: Cherguia (Orientaux) contre Gherbia (Occidentaux); Dahria (Nordistes) contre Gueblia (Sudistes). Ces dénominations restent toujours les mèmes dans tous les grands partis quels que soient, d'ailleurs, au point de vue topographique, les positions respectives ou l'enchevêtrement des gens qui les composent. On rencontre aussi, dans les soff de moindre importance et d'origines moins anciennes, le terme de « gens de la plaine », Tahtania, opposé à celui de « gens de la montagne », Fouqania, sans que cela implique, pour l'un ou l'autre parti, l'habitation d'une

(1) Voir le résumé et l'analyse des diverses opinions émises sur ces origines, dans les ouvrages d'Ibn Khaldoun, du général Faidherbe, de Masqueray, Olivier, Tauxier, etc.

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