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Dès le départ des premiers insurgés, les razzia avaient recommencé, et les Medaganat prirent une part active, à toutes, mais individuellement et sans former une bande isolée. Ils se réunirent cependant de nouveau, lorsque, après la prise d'El-Goléa et de Metlili, le Chérif, battu à l'oued Serseb par les goums des Larbia, au mois de mai 1870, s'enfuit à In-Salah, et l'y suivirent avec les rares fidèles qui ne l'abandonnèrent pas alors. Enfin, en mars 1871, ils étaient au nombre des quarante mehara avec lesquels Bou Choucha fit la conquête d'Ouargla, grâce à l'inertie ou à la trahison d'Ali Bey.

On sait comment, maître de Tuggurt quelques semaines plus tard, après avoir pillé le ksar de Guemar au Souf, le Chérif tint hardiment et victorieusement la campagne jusqu'à la fin de l'année. L'arrivée du Général de Lacroix, mit seule un terme à ses exploits. Abandonné par les tribus d'Ouargla, qui, poursuivies et battues à H.-Tamezguida et à l'Aïne-Taïba par le Général, ne tardèrent pas à faire leur soumission, sauf quelques tentes des Châamba et des Mekhadema; presque égorgé par Mouley El-Arbi, un de ses anciens compagnons, il se réfugia à peu près seul au Gourara.

Les Ouled-Ali-ben-Lecheheb des Mouadhi, qui étaient restés dévoués à sa cause, le ramenèrent bientôt à ElGoléa. Mais l'expédition du général de Gallifet le força de s'enfuir chez les Khenafsa de l'Aougueraut. Les quelques indigènes de notre territoire qui n'avaient pas voulu rentrer dans leur tribu et campaient à In-Salah, se groupèrent autour de lui, ainsi qu'un petit nombre de Touareg et de nomades d'In-Salah (1), et il put bientôt

(1) Outre quelques Chaâmba, les Chehcub des Mourdki et un certain nombre de Habber-Rich, ces dissidents algériens comprenaient deux ou trois Mekhadema et des Laghouat-el-Ksel, qui étaient restés en insurrection avec les Ouled-Sidi-Cheikh. Parmi les nomades d'In-Salah, les Zoua et les Ouled-Ba-Hammou seuls firent cause commune avec eux. Il convient, enfin, de mentionner que quelques tentes des Ouled-Sidi-Cheikh se joignirent, dès lors, à Bou Choucha.

disposer de soixante à quatre-vingt mehara avec lesquels il alla razzer les tribus sahariennes du Djebel Amour et du cercle de Géryville.

Pendant la dernière de ces expéditions, en décembre 1873, Saïd ben Driss, frère de l'agha d'Ouargla, vint tomber sur sa nezla (1) à H.-En-Naga. Une dizaine de ses partisans (2) périrent dans cette affaire, et sa plus jeune femme, violée dans sa tente, fut emmenée à Ouargla.

En apprenant, à son retour de harka, ce que venait de se passer, Bou Choucha se rendit aussitôt à In-Salah avec tous ses compagnons. Il y retrouva une cinquantaine de Châamba dissidents: tout le premier groupe qui s'était le premier rallié à lui, lors de son arrivée au Tidikelt en 1869 (3), ainsi que quelques autres, qui avaient fait défection pour la plupart à H.-Djemel au mois de septembre de la même année (4), et étaient aussi d'anciens fidèles de sa cause. La mort des Cheheub à H.-EnNaga avait produit sur eux une vive impression, et il n'eut pas de peine à les associer à ses projets de vengeance, en recouvrant sur tous son ancien ascendant.

Après avoir pris avec tous ses partisans, qui comptaient ainsi près de 150 tentes, ses campements d'hiver à Deggant, le Chérif forma, en janvier 1874, un rezzou de cent mehara, avec lequel il tomba d'abord sur les SaïdOulad-Amor à H.-El-Melah, puis sur les Mekhadema et les Doui des Habber-Rieh à H.-Si Maàmar. Plusieurs de ceux-ci périrent dans la rencontre et la harka ramena 300 chameaux.

Saïd ben Driss s'était mis à sa poursuite et l'avait

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(3) Les Medaganat, Bou-Ache, Brahina-ben-Doui, les OuledFerdui, etc.

(4) Diab ben Lakhedar, Cheikh ben Bou Saïd, Abdelkader bel Ghaouti, etc.

atteint à H.-Bou-Keloua sur la route de l'Erg. Mais le goum des Saïd-Otteba qui l'accompagnait ne tenait pas à s'engager pour la défense des Châamba et des Mekhadema, par lesquels ils avaient été battus et razzés en 1871. Il donna mollement, et les insurgés purent revenir sans encombre, après avoir échangé de loin quelques coups de fusil avec les contingents lancés sur leurs traces.

C'était un échec sur lequel on ne voulut pas rester. Le 4 mars, une expédition, forte de 37 chevaux et 260 mehara, quitta Ouargla sous les ordres de Saïd ben Driss pour aller combattre le chérif dans son refuge. Après un séjour à H.-El-Medjira où se termina la concentration des contingents des tribus, la petite colonne se dirigea sur Aïn-Taïba, puis de là gagna H.-El-Mesegoum en quatre jours. Trois jours après, elle arriva en vue des plateaux du Mouydir, et, le 4e, campa un peu au Nord du Maâder de Deggant.

Bou Choucha l'avait quitté à son retour pour reporter ses campements plus bas, au delà de la koudiya de Tiouindjiguin.

L'oued Akaraba, large thalweg issu de Deggant, forme dans cette région une vaste dépression à peine accentuée, désignée par les tribus arabes du pays sous le nom d'El-Botha. Elle est en partie ensablée et il y pousse une abondante végétation fourragère, autour de nombreux bouquets d'ethel et de gommiers.

Les tentes étaient dispersées ça et là, sans chouaf pour les garder; la petite colonne de Saïd ben Driss put donc arriver assez près, sans que l'éveil eût été donné: elle rencontra seulement une caravane, et, un peu plus loin, un targui qui fut fait prisonnier. La caravane, composée de Chaâmba dissidents, avait été razzée, et ceux-ci tués dans la lutte, sauf deux qui se rendirent.

Près d'Aïn-Adjeghane, El-Horma ben Abdallah, le caïd des Mekhadema, et Miloud ben Lakhedar, des BeniThour, qui marchaient en avant, découvrirent les tentes. Le goum et la plus grande partie des mehara s'arrêRevue africaine, 30° année. No 178 (JANVIER 1886).

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tèrent alors pendant que El-Horma amenait 80 de ceux-ci pour tourner l'ennemi pendant la nuit.

Mais Miloud et lui avaient été vus par un Chaambi (1) insurgé, qui prévint Bou Choucha.

Lorsqu'au matin Saïd ben Driss commença son mouvement, trois cavaliers cachés à peu de distance prirent la fuite 12 chevaux des Saïd-Ottela s'élancèrent à leur poursuite, et, après une assez longue course, parvinrent enfin à les rejoindre et à les tuer, pendant que les contingents de Ouargla engagaient la lutte avec les gens de Bou Choucha, qui, de leur côté, s'étaient portés en avant. L'oued El-Botha est encaissé à quelque distance par de hautes collines rocheuses sur sa rive gauche, et, à droite, au contraire complètement découvert.

Tous les efforts des insurgés se portèrent d'abord sur les contingents à mehara, qui avaient mis pied à terre et s'avançaient par les sables. Mais, pris en flanc par les cavaliers, puis à revers par la troupe d'El-Horma, ils se débandèrent bientôt, et, après avoir essayé d'emmener leurs troupeaux, qui tombèrent presque tous entre les mains de nos gens, finirent par se sauver.

Presqu'au début de la poursuite, Bou Choucha, démonté par Bàadj ben Kaddour, le caïd des Saïd-Atteba, fut fait prisonnier, et la lutte cessa aussitôt. Ses partisans avaient perdu près de cinquante hommes, et les autres disparurent rapidement dans les rochers des montagnes voisines; quelques cavaliers tâchèrent de les rejoindre; mais ils ne connaissaient pas les sentiers praticables, et les difficultés du terrain les forcèrent à revenir sur leurs pas.

Les tentes des insurgés furent alors pillées. La colonne de Saïd ben Driss n'avait emporté que pour quarante jours de vivres, et beaucoup de ses gens en manquaient déjà. On enleva donc toutes les provisions, peu abondantes d'ailleurs, qu'on pût trouver, et, en même temps,

(1) Mohamed ben Abdelhakem.

les tapis, les tellis, les flidj (1), tout ce qui valait la peine d'être emporté; puis, après une journée de séjour, la harka reprit la route d'Ouargla, emmenant Bou Choucha et quelques prisonniers.

Les femmes et les enfants des insurgés qui s'étaient sauvés des tentes au moment du pillage, revinrent les premiers; un peu plus tard, quelques hommes les rejoignirent. Rassemblant alors ce qu'ils purent retrouver, quelques guerbas et quelques tentes de peau à peu près hors de service, ils se rapprochèrent de la montagne, et s'installèrent auprès d'Aïn-Adjeghane.

Tous les fuyards rentrèrent pendant les trois ou quatre jours qui suivirent, et, les vivres manquant, les Châamba, les Zoua, les Oulad-Sidi-Cheikh se décidèrent à partir pour In-Salah, pendant que les Touareg qui s'étaient joints à eux retournaient au Ahaggar.

Quelques jours après, les insurgés arrivèrent à Foggarat-el-Arab, oasis sans ksar, mais où se trouvent des plantations importantes appartenant en majeure partie aux Oulad-Boudjouda, des Oulad-el-Mokhetar, qui y ont deux maisons et quelques harratin (2). De Foggarat-elArab, les Zoua et les Oulad-ba-Hammou rentrèrent dans leurs tribus. Il ne resta plus, avec les Châamba dissidents, que quelques Laghouât-el-Ksel et quatre OuladArbi des Oulad-Sidi-Cheikh, en tout une centaine de tentes.

(1) Tellis sacs en laine et poil de chèvre ou de chameau; Flidj: bandes tissées de même dont sont formées les tentes dans le Nord.

(2) Harratin. Les Harratin, qui forment la majeure partie de la population sédentaire du Touat sont les serfs des tribus arabes ou berbères, sédentaires ou nomades du pays. Berbères d'origine, ils sont fortement métissés de sang nègre. Tous les travaux de l'agriculture leur incombent, et, comme serfs, ils cultivent sans posséder, leurs maîtres leur donnant de quoi vivre.

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