Images de page
PDF
ePub

notre démonstration, mais nous sortirions du cadre de cette étude qui ne doit embrasser que les origines berbères, et nous pensons avoir assez montré que le culte du dieu Enn avait dû être chez les peuples anté-historiques l'un des plus anciens dogmes religieux, et que la dénomination de Touran (Tour-Ann, peuples de Ann), pour désigner ces races est à la fois logique et rationnelle, malgré les objections faites par bon nombre de savants contre cette appellation de touraniennes donnée aux races primitives.

re

Ces Touraniens étaient sans doute bruns; ils représentent, en effet, le grand groupe des émigrants orientaux ou Ibères-Cheraga (Iabaren), dont le nom se prolonge aussi du sud du Caucase au détroit de Behring, à travers la Sibérie (deux noms de formes berbères, 22o et 1r de ber). Or, nous avons rappelé plus haut que noir ou brun se dit en berbère berik ou aberkan, 22o forme de ber; une démonstration analogue peut se faire pour les Touran, puisque en berbère le radical Enn, signifie « couleur, coloré, foncé, et que, en grec, ce même mota,

foncé. »

=

a le sens de « brun, sombre,

C'est, en effet, « la teinte » que les recherches des savants modernes donnent aux plus anciens habitants s'étendant du Caucase aux extrémités de l'Asie Mineure bien avant qu'il ne fût question des colonies grecques ou des migrations akaddiennes venues de Babylone. Les partisans de l'extension à outrance des données historiques et ethnographiques fournies par le texte de la Bible, ont même vu là une première couche chamitique antérieure au peuplement par Haïg, l'ancêtre éponyme de l'Arménie et le fils de Thogorma, petit-fils de Noé. Nous ne saurions être ni aussi précis ni aussi affirmatif, mais nous retenons cependant de cette assertion qu'il y a eu réellement en ce pays, avant le peuplement par les races blondes du Caucase, une première couche d'individus bruns ou chatains foncés.

Ces derniers constituèrent cette race d'où sortirent ces nombreux et petits peuples, sans cohésion et sans lien commun, qui occupèrent d'abord l'Asie Mineure et dont la plupart furent, par des invasions successives, ou rejetés en Grèce, ou refoulés dans les montagnes escarpées et sauvages, laissant ainsi aux envahisseurs japhétiques ou scythes de race blonde, les hauts plateaux et les plaines fertiles de l'Arménie, de la Cappadoce et de la Haute Syrie.

Dans cette région, sur un espace relativement restreint, il y eut toujours plusieurs sortes de pays, de climats, de productions et de races rivales ou ennemies, si bien que l'on ne s'est jamais mis d'accord sur le point précis ou finissait l'Arménie japhétique et où commençait l'Aramée couchique: ni l'une ni l'autre n'offrant pas en réalité un peuple distinct, mais bien des groupes hétérogènes comme races et comme provenance. De même aussi, on a souvent confondu l'araméen sémitique avec la langue arménienne, une des plus anciennes du monde et qui se rattache très nettement au groupe arien comme le zend et le sanscrit avec lesquelles elle a des rapports étroits sans cependant en ètre dérivée.

L. RINN.

(A suivre.)

Revue africaine, 30° année. No 180 (NOVEMBRE 1886). 29

LE MÉTAGONIUM & L'ACRA MÉGALÈ

Je veux dans cet article prouver les faits suivants :

1o Il n'a jamais existé, dans la Libye antique, ni région, ni ville, ni cap, ni peuple, que les indigènes aient jamais nommé Μεταγώνιον,

2o Ce nom a été forgé, dans l'origine, par un géographe grec fort ancien, probablement par Éphore, pour désigner cette partie de la côte africaine qui s'étend du pays de Carthage au détroit des colonnes d'Hercule;

3o En même temps que le nom Mayov, ce géographe a créé aussi le nom 'Axça Mɛyan, pour désigner la région qui s'étend du détroit des Colonnes au cap occidental de Libye, région qui, dans les cartes du temps, avait en effet la forme d'une grande pointe;

4° C'est pour n'avoir pas su reconnaître le véritable sens de ces deux noms que les géographes postérieurs les ont appliqués, mal à propos, l'un à l'autre, et en ont tiré la mention erronée d'un cap Métagonion;

5o En somme, il faut retrancher de toutes les cartes libyennes où l'on ne voudrait porter que des noms indigènes, toute mention quelconque d'un Matayovios, d'une 'Azou Mayan, et aussi des noms que les Grecs en ont fait dériver, tels que : ή Μεταγώνια, τα Μεταγώνια, ή Μεταγωνίτης γης χώρα, άκρα, αἱ Μεταγώνεται καλούμεναι πόλεις, το Μέγα Ακρωτήριον, etc.

I. Auteurs grecs qui ont parlé du Métagonium

Les auteurs anciens qui ont parlé du Métagonium sont loin d'être d'accord sur la forme de son nom, sur sa nature, sur son emplacement.

Mais tous ces auteurs n'ont pas la même autorité. Les uns sont plus voisins de l'époque où le nom a paru pour la première fois, et doivent être consultés préférablement sur le vrai sens du nom. D'autres sont venus dans le pays, et leurs indications ou leur silence ont aussi une véritable portée. Certains, au contraire, sont d'àge plus récent et ne sont que des géographes de cabinet. Ces derniers n'ayant parlé que d'après les notes de leurs prédécesseurs, qu'ils peuvent fort bien n'avoir pas comprises, n'ont, par conséquent, qu'une valeur secondaire.

Il n'est donc pas hors de propos, pour bien peser l'importance des témoignages qui nous sont parvenus, de bien préciser à quelle époque et dans quels pays ont vécu les auteurs que nous avons à interroger.

Le premier en date est Timosthènes, qui fut pilote général du roi d'Égypte Ptolémée-Philadelphe (283-247 avant Jésus-Christ). Il composa un portulan en dix livres, qu'il resserra dans un abrégé d'un seul livre; ces deux documents ont disparu. On sait cependant que leur auteur ne savait que peu de chose sur les côtes de la Libye occidentale, dont les Carthaginois défendaient cruellement les approches.

Le faux Hécatée parait avoir été son contemporain, car il a été connu de Callimaque, qui fut directeur de la bibliothèque d'Alexandrie sous Ptolémée-Evergète (247240); mais ce dernier ne nous a pas donné son nom; il n'en a parlé que sous l'épithète dédaigneuse de « un certain insulaire. » Ce faussaire a publié, sous le nom

d'Hécatée de Milet (1), une œuvre apocryphe où se trouvent quelques renseignements curieux sur l'Europe et l'Asie. Quant à la Libye, qu'il comprenait, comme l'avait fait le véritable Hécatée, dans l'Asie, il l'a remplie de noms absolument fantaisistes (2).

Vient ensuite Ératosthènes, qui fleurit une génération après ces deux personnages. Il brilla à la fois comme poète, comme historien, comme philosophe, et aussi comme mathématicien, géomètre, géographe et astronome. Il naquit en 276 et fut appelé en 240 par le roi Ptolémée-Évergète à la direction de la fameuse bibliothèque d'Alexandrie, laissée vacante par Callimaque. Il essaya de mesurer l'étendue du globe terrestre à l'aide du gnomon, et arriva à un résultat approximatif fort honnête. Il voulut donner la mesure de l'Écumène à l'aide des renseignements fournis par les savants ses prédécesseurs. Il avait consigné dans un grand ouvrage le résultat de ses calculs. Cet ouvrage a disparu; heureusement, Hipparque l'a soumis à une revision que Strabon a connue. Ce travail d'Hipparque, il est vrai, s'est perdu aussi; mais Strabon nous en a donné une large analyse qui a permis aux savants modernes de reconstituer la carte d'Eratosthènes. Cet auteur s'est beaucoup servi, dans ses travaux géographiques, du portulan de

(1) Le véritable Hécatée vivait à l'époque des guerres Médiques, et joua dans sa patrie le rôle d'un homme d'État prudent et sagace. Il voyagea hors de sa patrie, pénétra principalement en Égypte jusqu'à Thèbes, et, à son retour, publia une périégèse en deux livres : Europe et Asie. Hérodote a cité cet ouvrage, qui paraît avoir été fort estimable, mais qui s'est perdu de bonne heure. Les Anciens n'ont connu sous le nom d'Hécatée que l'œuvre apocryphe du contemporain de Timosthènes.

(2) J'en ai déjà fait la remarque dans les Mémoires de l'Académie d'Hippone, où j'ai montré qu'il avait donné à ces villes ceux des éléments d'un dîner sur l'herbe .., sans y oublier la bonne chère, la 'gaité et l'appétit.

« PrécédentContinuer »