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Peu à près les Chouaf signalèrent des moutons : c'étaient les troupeaux des Attacha et des Mekhalif qui pâturaient entre En-Nfila et Mirienn sous la garde de quelques bergers.

Le rezzou se précipita sur les moutons, sans pouvoir toutefois faire prisonniers tous les bergers, dont deux seulement furent capturés; les autres s'enfuirent.

Guerara n'était plus très loin, et, bien que l'alarme ne pût tarder à y être donnée, la harka continua sa marche en avant pendant deux heures, puis, au moment du repos du soir et peu après la tombée de la nuit, s'arrêta enfin à quelques kilomètres du ksar.

Les provisions emportées du Gourara étaient épuisées en partie tout le monde se mit donc à abattre des moutons et à les dépecer pour en charger la viande le lendemain en aussi grande quantité que les chameaux de bât pourraient en porter; 1,500 bêtes furent ainsi égorgées y compris celles qu'on mangea le soir même.

Pendant que la harka, gardée d'ailleurs par des chouaf, se livrait à ces occupations, Kacy ben Bou Houm, le chef de la djemâa de Guerara, avait réuni tous les chevaux du ksar et des Hattata, Mekhalif ou Atatcha au nombre d'une quarantaine, ainsi qu'une centaine de fantassins. Dès que sa troupe lui parut assez forte, il se dirigea vers le camp de l'ennemi qu'il espérait surprendre. Il arriva bientôt en vue des feux. Mais le hennissement d'un cheval donne l'éveil au rezzou qui prit aussitôt ses dispositions pour repousser l'ennemi, et les gens du Guerara jugèrent plus prudent de s'arrêter à deux kilomètres environ pour attendre le lever du jour. Dès qu'il fit clair, ils reprirent leur marche en avant. La harka, de son côté, craignant que des forces plus considérables suivissent ces premiers assaillants, se disposa rapidement à battre en retraite.

La vallée de l'Oued-Zeguerir, où elle s'était engagée, a, dans cette région, plusieurs kilomètres de largeur; son thalweg plat et découvert, à peine coupé çà et là par

quelques ravins et quelques buttes de sable, est très favorable à l'action de la cavalerie. Néanmoins les Mozabites n'osèrent pas engager franchement la lutte.

Beaucoup mieux armés que les Oulad-Sidi-Cheik, ils pouvaient les atteindre tout en restant eux-mêmes hors de portée, et en profitèrent pour ne pas s'exposer en se rapprochant.

Cet avantage, dont la harka se rendit vite compte, accéléra sa fuite. Dès que tous les chameaux furent chargés, elle battit en retraite, protégée par une forte ligne de tirailleurs. Les balles des gens de Guerara portaient au milieu d'eux presque à chaque décharge; mais ceux-ci étaient de médiocres tireurs et ne touchèrent personne malgré l'intensité du feu. De leur côté une seule jument fut blessée.

Enfin, vers onze heures du matin, les chevaux commençant à donner des signes de fatigue, par suite du manque d'eau et de la chaleur, les Mozabites se décidèrent à cesser leur poursuite, et tout le rezzou put continuer sa route sans être inquiété.

La hamada qui s'étend entre la chebka du M'zab de l'Oued-Mya ne présente qu'un petit nombre de points d'eau; au Sud des puits de l'Oued-Zeguerir, qui sont situés aux abords de Guerara, il n'y en a plus en dehors de la chebka jusqu'à ceux de Zelfana et de Noumerat, sur la route d'Ouargla à Ghardaïa.

S'aventurer dans ces parages pouvait être dangereux; la nouvelle de l'incursion faite contre Guerara devant être arrivée au M'zab même; le rezzou se dirigea donc directement sur les puits de l'Oued-Serseb, plus au Sud, laissant à droite Zelfana et Noumerat. Toutefois un parti de dix cavaliers se détacha vers ce dernier point d'eau. Il y trouva 12 chameaux qui furent razzés, puis rejoignit le gros du rezzou.

Les puits de Serseb sont assez rapprochés de Metlili et de nombreux troupeaux restent dans les environs pendant l'été, lorsque les tentes vont camper près du

ksar pour la récolte des dattes. La harka en vit en effet plusieurs, mais les mehara étaient fatigués par la longue course qu'ils venaient de fournir. Une attaque. sur les Berezga pouvait par suite devenir d'autant plus dangereuse que leurs trois tribus possèdent quelques chevaux et un nombre assez important de mehara ou de chameaux du Sud, qui, pour une poursuite, valent à peu près ceux-ci.

Ces troupeaux furent donc respectés. Néanmoins la nuit même tous les contingents de Metlili arrivèrent à peu de distance des campements pris par le rezzou. Mais d'une part les trois tribus des Berezga avaient comme caïd des caïds Abd-el-Kader ben Taïeb, frère de l'Agha des Larbaà, dont la nomination avait suscité d'assez graves difficultés et qui ne pouvait pas compter sur un seul partisan dans tout son commandement; d'autre part les bergers de Serseb firent connaître aussitôt que pas un de leurs chameaux n'avait été enlevé.

C'était Abd-el-Kader ben Taïeb qui prévenu par le M'zab, du passage du rezzou, avait falt réunir les contingents nécessaires pour le poursuivre. Par ce seul motif les Berezga étaient peu disposés à s'engager; aussi en apprenant que leurs troupeaux étaient intacts se décidèrent-ils à une abstention complète.

Toutefois, pour éviter des ennemis ultérieurs, ils envoyèrent pendant la nuit même Abd-el-Kader ben Mohamed ben Embarck et Messaoud ben Hasseimi, des Oulad Allouch aux camps de la harka pour faire connaître leurs intentions. Conduits à Sidi Cheikh Abderrahman, qui était l'un de ses chefs, ces deux indigènes lui dirent en substance: Vous ne nous avez rien fait, nous ne vous ferons rien; nous étions amis, nous le sommes encore; d'ailleurs nous sommes les serviteurs des Oulad-Sidi Cheikh. Mais pour que l'autorité ne s'en prenne point à nous, partez de bonne heure, nous ne nous mettrons en route que plus tard; vous ne nous avez pas vus, nous ne vous aurons point trouvés.

C'était tout ce que demandait le rezzou. Sidi Cheikh ben Abderrahman envoya donc à la djemaà des Berezga une lettre conçue dans le même sens que le message qu'il venait de recevoir, et fit lever le camp avant le jour.

Quand Abd-el-Kader ben Taïeb, qui s'était arrêté à quelques kilomètres seulement, voulut de son côté reprendre la poursuite, il se heurta à un refus mal déguisé; les Berezga déclaraient impossible d'atteindre l'ennemi, manifestaient la crainte qu'il ne fit un crochet sur la chebka et, enfin, ne cachaient pas leur répugnance à s'attaquer aux Oulad-Sidi-Cheikh.

(A suivre.)

LE CHATELIER.

LES

BEN-DJELLAB

SULTANS DE TOUGOURT

NOTES HISTORIQUES

SUR

LA PROVINCE DE CONSTANTINE

(Suite. Voir les nos 133, 135, 136, 137, 140, 141, 142, 146, 147, 151, 152, 153, 154, 155, 160, 161, 162, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 173, 174, 176, 178 et 179.)

Le sultan de Ouargla, Allahoum, mourut peu de temps après laissant quatre fils: Mouley-Seliman, Mouley-Mouça, Mouley-Ali et Mouley-Hassen. L'aîné, Mouley-Seliman, lui succéda, mais il fut assassiné et remplacé par son frère Mouley-Mouça qui était parvenu à soulever contre lui les Chaâmba, les Mekhadma et les Beni-Tour appuyés par la fraction sédentaire des Beni-Sissin. Son fils, Mouley-Allahoum II, réfugié dans le quartier des BeniOuagguin qui avaient barricadé leurs rues et ouvert des.créneaux dans leurs maisons, essaya de lutter contre son oncle et de ressaisir le pouvoir. A son appel les Saïd-Ateba accourent de Negouça, mais après un combat qui dura quatre jours, l'avantage. resta aux partisans de Mouça.

Cette lutte venait de créer dans Ouargla deux partis qui furent longtemps acharnés. D'un côté se trouvaient les Chaâmba, les Mekhadma et les Beni-Tour appuyés des Beni-Sissin. De l'autre les Saïd-Ateba appuyés sur les Beni-Ouagguin. Quant aux BeniRevue africaine, 30° année. No 180 (NOVEMBRE 1886).

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