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A leur rencontre l'ennemi accourt, dès que de la ville il les voit Luttant de vitesse et sans hésiter.

Voici: «Ben-Djellab avait amené ses soldats

Pour massacrer de Ouargla les Azzaba (1).

Sur la réussite de ses desseins il comptait;

Mais l'espoir de ce scélérat des oasis est trompé.

[s'avancer,

En nombre, ses troupes sont comparables aux moucherons, aux sau

Les coups de lance pleuvent sur l'ennemi comme grêle,

[terelles;

Si vous les voyiez, vous les diriez ressemblant

A des Ethiopiens plus noirs que nègres du Soudan (2).
Mais rien, par leur fait, n'a été atteint de calamité,

Et par ses défenseurs l'honneur de la ville est sauvé. »

Oh! combien sublime, ô frères, est la puissance de la Divinité!
Les braves sur les bandes ennemies se ruent avec prestessse,
Oh! combien la guerre sainte enthousiasme la jeunesse !
Entre Meldja et Safà arrivant,

A Mahara les deux troupes se voyant,

L'endiablé Ben-Djellab se replie en arrière;

Les cavaliers tiennent ferme dans la carrière.

La lutte chair contre chair et le feu de la guerre éclatant,

Dès que se rencontrent, de part et d'autre, les combattants.

Depuis le point du jour, la poussière entre ciel et terre montant,
On dirait d'un nuage versant l'eau à torrents,

En nuit obscure le jour est transformé,

En tourbillons compactes de fumée.

D'ici, de là, les guerriers se prenant;

L'un crie: « O Dieu, notre Dieu clément!

Accorde assistance et victoire à nos croyants ! »>

La déroute se met parmi les troupes de Satan,

Elles battent en retraite en fuyant.

Comme disparaît le mirage qui se montre au couchant (3).

(1) Azzaba, nom collectif donné aux Ouahabites-Ibadites autrement dits Beni-Mzab.

(2) Les Rouar'a sont généralement noirs, tandis que les Mozabites ont généralement la peau très blanche.

(3) Les Sahariens prétendent que l'effet de mirage qui se produit à l'Ouest s'éteint presque instantanément. Il ne persiste que lorsqu'il se montre d'un autre côté.

Ils sont les ânes épouvantés fuyant

Devant un lion, comme dit le Coran (1).

A leurs trousses s'acharnent les braves de notre secte fervents,
Oh! vantez-donc la gloire de nos jeunes vaillants !

L'ennemi en nos mains ses tentes a laissées

Sur le champ de bataille, toutes encore dressées ;
De la poudre et des balles, le coffre à provisions
Est abandonné aussi par celui frappé de déception.
Par les traces restées sur les lieux de l'action

Se juge la valeur des sabres des gens de notre religion.

A la fuite rapide de l'autruche, celle de l'ennemi est l'image;
Ou bien, ô genre humain, à la course effrenée des gazelles sauvages,
Pourchassés par ceux suivant la voie tracée par le guide sacré,
Les suppôts du tyran sont dépouillés, massacrés.

Toutes leurs armes leur sont capturées

Et ceux qui de la guerre ont allumé les feux tués,
Dans la joie, sains et saufs, les vainqueurs revenant,

Chacun d'eux de crier: « Louange au Dieu clément ! »
Gloire à Dieu, qui aux gens de Ouargla

A donné la victoire contre les Rouar'a.

Gloire à Dieu, qui nous a raffermis,

Par son secours et sa protection, ô mes amis.
Gloire à Dieu, la dispersion mettant,

Dans la troupe de Ben-Djellab, ce frère de Satan.
Gloire à Dieu, qui aux siens la confusion jettant

Son assistance leur a refusé entièrement.

Que la gloire de Dieu soit sur la foi de notre culte,

Se manifestant, après des pratiques timides et occultes (2).

Que la gloire de Dieu soit sur notre religion,

Grandissant en estime après le mépris et l'humiliation;

Que la gloire de Dieu soit sur notre foi,

Que Dieu a raffermie à Ouargla.

Gloire immense, constante, éternelle au Très-Haut,

Tant qu'au matin sur les branches percheront les oiseaux.

(1) Citation du Coran, chap. LXXIV, verset 51o.

(2) Les Ibadites ou Mozabites se livrent toujours en secret, ou plutôt hors de la vue des étrangers, à leurs moindres pratiques religieuses. Et les Arabes des autres sectes musulmanes les méprisent presque autant que les juifs.

Notre culte avec les autres cultes assemblés,

En mérite les a tous surpassés.

La faveur céleste dont jouit notre secte est comparée

A un astre éclipsant tout dés qu'il apparaît.

Notre dogme c'est la voie tracée par Mahomet le purifié ;
Qui le met en doute est un homme égaré.

Celui qui en doute douterait du Prophète,

Il douterait de Dieu charitable, à l'omnipotence complète.
Rendons grâce à Dieu qui nous a placés,

Par sa miséricorde parmi ses préférés.

Ce que je vous demande, par Dieu, ô frères, ô compagnons, C'est à mon radotage d'accorder le pardon.

A Dieu je demande la mort puis la résurrection,

Au jugement dernier, quand les deux partis en présence seront. Quant à ce poème, j'ai été obligé,

Par divers de mes frères de le composer.

Sur la difficulté de l'œuvre, mes excuses ils n'ont point accepté.

Ici même, à l'instant, m'ont-ils dit, il faut s'exécuter!

J'ai donc entrepris ma tâche avec l'espérance,

De réussir par l'aide de Dieu, le bon par excellence.

Dans ce travail, en effet, de Dieu j'ai eu l'assistance,
Et j'ai fait des vers, malgré mon ignorance.

Gloire à Dieu sur leur achèvement

Nos prières adressons au Prophète d'Adnan;

Qu'elles soient sur sa famille et ses amis fidèles aux serments;

Sur la religion, la sagesse et la foi des croyants,

Gloire à Dieu qui nous a maintenus

Dans le chemin du vrai et des saines vertus.

En rendant grâce à Dieu, de ce poème a lieu l'achèvement
En entier et sans retranchement.

(A suivre.)

L.-Charles FÉRAUD.

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Hérodote nous a laissé la description de ces sanctuaires en Scythie et à son époque; on peut voir les pareils encore aujourd'hui en Afrique, soit dans presque toutes les ruines mégalithiques des antiques villes berbères si nombreuses en Algérie, soit même chez les Touareg, où certains tombeaux des Iabbaren, dans l'ouadi Alloun (1), ne sont que d'anciens édifices religieux des temps préhistoriques.

Le mot aorès eut d'abord le sens précis de « sanctuaire, » et il se distinguait nettement du sik ou « enceinte » dans laquelle il était construit. On disait: sikaorès, l'enceinte, le camp retranché du sanctuaire, et cette dénomination est restée à l'emplacement de la ville algérienne de Souk-Ahras.

Plus tard l'Aorès et le Sik furent confondus, nous en avons la preuve dans le récit des faits relatifs à l'invasion en Égypte des pasteurs scythes ou tourano - berbères

(1) Duveyrier, loco citato, p. 57 et 279.

nommés Hiksos, Mena ou Schasou: trois noms dont le sens est bien net:

Le premier, resté inexpliqué par l'égyptien ou le grec, a été indiqué déjà par M. le général Hanoteau (1), c'est ☐⚫: = ekes, paître, pasteur; en kabyle.

Le second, mena, qui signifie pasteur en égyptien, se retrouve comme nom de ville dans le djebel Aorès; et il se peut que ce soit celui d'un ancien sanctuaire, men, en grec, lune et sanctuaire; en latin menere, mania, remparts de ville; en gaulois men, esprit (2); en breton men, pierre. C'est 1, la 3e forme de enn, tente, famille.

enni

= M = matrix la chose de Enn (peuple ou | = EN sanctuaire), sens que le berbère admet, puisque l = iman, est: âme, esprit.

Le troisième nom, schasou = sasou, est connu comme sémitique, mais il est d'origine et de forme berbère, c'est la 1re (11 ou 24") forme de as, aller; ☐☐ sas, faire aller, faire marcher, ce qui est le rôle du pasteur.

Au dire de Manethon, ces Hiksos (Iksan, Mena ou Sassou) « s'étaient renfermés dans une ville qu'ils nom» mèrent Aouaris, Avaris, d'après une ancienne tradi» tion religieuse.... et dans laquelle 240,000 hommes » étaient enfermés avec leurs familles et leurs troupeaux » à l'abri de fortes murailles. » Cette ville était appelée Tanis par les Grecs, Tani par les Hébreux, et Soan ou

(1) Hanoteau, Chants populaires de la Grande-Kabylie, p. 182, note 2. (2) D'où le dolmen, et en gallois tymen, maison de l'esprit ; ce dernier est à rapprocher du grec tuvos, temple, qui n'est que la 6o forme de μην.

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