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était la manifestation de Eun (Anou, le dieu qui veille sur la lune); chacune des plus anciennes divinités de l'Asie mineure avait son men qui était à la fois « une manifestation » et un sanctuaire, bois sacré ou temple (1).

☐☐ aorès, peut donc se traduire par « manifestation ou sanctuaire de Ess, le dieu solaire, l'Esus des Celtes, comme aussi par « manifestation ou sanctuaire de (tout autre) dieu,» car la racine es, signifie aussi « de lui. » Aorès peut donc bien avoir eu le sens général de « sanctuaire» (sous-entendu de lui, du dieu), et s'être appliqué chez les Scythes aux sanctuaires de la déesse de la guerre Enyo, ou du dieu des eaux Enn, le Neptune des Skolotes, de la race royale, etc.

Cet aorès ou sanctuaire était l'espace réservé pour le sacrifice au milieu du sik ou oppidum. Il consistait en un tertre inaccessible sur trois de ses faces et ayant son quatrième côté formé par une rampe servant d'accès aux prêtres sacrificateurs et aux chevaux ou bœufs sacrifiés (2). Au milieu du tertre on plantait la lame sacrée, l'épieu ou le glaive qui se dressait seul comme le symbole de l'unité du dieu Enn ou de la déesse Anyo, Ennyo, refflet de Eun et manifestation du dieu suprême Ilou qui ne pouvait être vu des mortels.

(A suivre.)

L. RINN.

(1) Voir Strabon, Géographie.

(2) Le sacrifice du cheval remonte aux temps ante-védiques, bien avant la formation des peuples scythes que nous connaissons, mais il était resté chez ceux-ci aussi bien que chez les Indiens de l'époque védique.

NOTICE

SUR LA

KALAA DES BENI-HAMMAD

Étude tirée des récits des auteurs français
et de Ibn-Khaldoun, écrivain arabe

Ham

En l'an 398 de l'hégire (1007-8 de J.-C.), Hammad Ibn Bologguin Ibn Ziri gouvernait au nom de son neveu, Badis, toute la partie occidentale des provinces que les Fatimides, en partant pour l'Égypte, avaient placées sous le commandement des émirs sanhadjiens. mad, dont le pouvoir s'étendait, entre autres villes, sur Msila, Tidjist, Constantine, Hamza, Alger, Achir et Tehert, résolut de faire construire, sur le flanc du djebel Kiâna, une forteresse qui lui servit de résidence et qui remplaçât Msila, trop accessible aux irruptions des nomades zénatiens. Cette forteresse garda le nom de son fondateur, et fut appelée Kalaât Hammad, et souvent la Kalaà des Beni-Hammad.

Il transporta dans la Kalaâ les habitants de Msila, ville qu'il détruisit de fond en comble, et y fit venir aussi une peuplade mélangée de Juifs et de Chrétiens venus de l'Aurès.

Vers la fin du IVe siècle de l'hégire, Hammad acheva de bâtir et de peupler la Kalaâ, qu'il entoura de murs. après y avoir construit plusieurs mosquées, caravansérails et autres édifices publics. La Kalaâ atteignit bientôt une haute prospérité; sa population s'accrut rapidement,

et les artisans s'y rendirent en foule des pays les plus éloignés de l'Afrique septentrionale.

Le royaume hammadite comprenait la province de Constantine et celle d'Alger (les 3/4 de l'Algérie actuelle). Les papes, conservant les anciennes dénominations de l'époque romaine, donnaient aux princes hammadites le titre de roi de la Mauritanie sétifienne.

En 405 (1014-15 de J.-C.), Hammad fut invité par son neveu et suzerain Badis à remettre au fils de ce dernier, El-Moërz, le gouvernement de Tidjist et de Constantine. Il se refusa à cet amoindrissement de pouvoir, méconnut l'autorité de Badis, rompit avec la dynastie fatimide d'Égypte dont celui-ci était le lieutenant en Ifrikia, laissa massacrer les Chiites et proclama la souveraineté des khalifs abassides de Bagdad.

En l'an 1062 de J.-C. (453 de l'hégire), En-Nacer, fils d'Alennar, 4 successeur de Hammad, son aïeul, arrivait au pouvoir. Ce fut sous son gouvernement que la dynastie Hammadite atteignit au faite de sa puissance. Ce monarque éleva des bâtiments magnifiques, fonda plusieurs grandes villes, Bougie entre autres, qu'il releva de ses ruines et fit de nombreuses expéditions.

Les princes Hammadites comptaient un certain nombre d'anciennes familles chrétiennes parmi leurs sujets. Une opinion généralement répandue, c'est que les princes musulmans, dans un but de prosélytisme, prescrivaient la conversion immédiate ou l'extermination des peuplades vaincues par l'invasion arabe. Les Juifs et les Chrétiens, ces derniers surtout, pour lesquels les Musulmans eurent toujours moins de répulsion, n'eurent qu'à se soumettre à l'impôt. A ces conditions, ils gardèrent leurs biens, leur culte, etc.; leur commerce fut longtemps encore toléré. Ce n'est qu'exceptionnellement, et à la suite de luttes violentes, que la force fut employée pour les contraindre à abandonner leur croyance ou à s'expatrier.

Jusqu'au XIIIe siècle, plusieurs évèchés, et, entre au

tres, ceux de Carthage et d'Hippone, subsistèrent encore; le Christianisme n'était pas éteint dans plusieurs villes et parmi les tribus berbères.

Les princes Hammadites reçurent, à une époque vraisemblablement assez voisine de la fondation de la Kalaâ, une colonie nombreuse de Chrétiens berbères parmi les tribus qui vinrent peupler leur capitale, et qui continuèrent à l'habiter encore longtemps après la fondation de Bougie, ville dans laquelle les princes Hammadites établirent plus tard le siège de leur gouvernement. La bonne entente existant entre ces princes et le Saint-Siège donnait une entière sécurité à leurs sujets chrétiens. Il y eut même pendant longtemps, et jusqu'au XIIIe siècle, des chrétiens servant dans les armées des princes africains. Des facilités leur étaient données pour la libre pratique de leur culte au milieu des troupes et des populations musulmanes : l'Église et les gouvernements chrétiens en permettaient le recrutement en Europe (1).

Nous avons dit plus haut que Hammad avait, dès l'an 405, renoncé à l'obéissance des Fatimides, rétabli dans ses États la doctrine orthodoxe des Sonnites et reconnu la souveraineté des Abbassides. Cet exemple fut suivi trente-cinq ans plus tard par son petit-neveu, El-Moëzz Ibn Badis, l'émir Ziride qui gouvernait l'Ifrikia au nom des sultans d'Égypte. Cette défection eut des conséquences désastreuses pour les dynasties et pour les populations de l'Afrique septentrionale; elle amena l'entrée, dans ce pays, d'une nouvelle invasion arabe.

A cette époque, les tribus nomades des Hilal étaient cantonnées dans la Haute-Égypte, où elles répandaient la dévastation, attaquant mème les pèlerins de la Mecque, aux jours où l'on remplissait les grands devoirs de la religion. Afin de se débarrasser de leur présence d'une manière utile, le khalife résolut de les faire passer en Afrique, et de les opposer aux princes sanhadjiens. En

(1) M. de Mas-Latrie (Documents de).

conséquence de la décision que l'on venait de prendre, le khalif El-Mostancer, en 1049 de J.-C. (441 de l'hégire) envoya son vizir auprès de ces Arabes. Ce ministre commença par faire des dons peu considérables aux chefs, et ensuite il les autorisa à passer le Nil en leur disant: « Je vous donne le Moghreb, qui s'est soustrait à l'autorité de son maître. Ainsi, dorénavant, vous ne serez plus dans le besoin ! »

Ces nomades, animés par l'espoir du butin, franchirent le Nil et allèrent occuper la province de Barka. Ayant pris et saccagé les villes de cette région, ils adressèrent à leurs frères restés sur la rive droite du Nil une description attrayante du pays envahi par eux. Les retardataires s'empressèrent d'acheter la permission de passer le fleuve. Ces envahisseurs se partagèrent alors le pays, et toutes les familles hilaliennes se précipitèrent sur l'Ifrikia comme une nuée de sauterelles, abîmant et détruisant tout sur leur passage. Ces évènements et les guerres acharnées qu'il fallut soutenir, ébranlèrent profondément la prospérité de l'Ifrikia; la dévastation s'étendit partout; plusieurs grandes villes furent détruites, et une foule de brigands interceptaient les routes et dépouillaient les voyageurs.

Les Arabes ayant enlevé au peuple sanhadjien toutes ses villes, établirent leur autorité sur les lieux que le khalife leur avait assigné. Le prince En-Nacer, réfugié dans sa Kalaâ, se vit bientôt bloqué par l'ennemi. Les assiégeants, après avoir dévasté les jardins et coupé tous les bois qui entouraient la place, allèrent insulter les autres villes de la province. Ayant mis en ruines celles de Tobna (Barika, actuellement à 4 kilomètres des ruines) et de Msila, dont ils avaient chassé les habitants, ils se jetèrent sur les caravansérails, les villages, les fermes et les villes, abattant tout à ras de terre, et changeant ces lieux en une vaste solitude, après en avoir comblé les puits et coupé les arbres.

De cette dernière, ils répandirent la désolation partout,

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