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Ce village eut beaucoup à souffrir des nomades jusqu'à ce qu'il fut protégé par Sidi-Aïça, marabout, originaire de l'Ouest qui vint s'y installer. Ce personnage rétablit l'ordre et s'acquit promplement une grande influence; mais cette influence ne tarda pas à être effacée par celle de Si Belkheïr, autre marabout venant du Gharian de Tripoli. L'autorité de celui-ci excita vite la jalousie des nomades qui résolurent de le chasser. C'est en leur résistant et au moment où l'un d'eux venait de le frapper que Si Belkheir, plantant tout à coup dans le sol la lance dont il était armé, fit jaillir subitement la source à laquelle il donna le nom de Aïn-Ahmar. Devant ce miraculeux pouvoir, Si Aïça céda la place et retourna dans l'Ouest. Il laissa à Aïn-Ahmar ses quatre fils et prédit en s'en allant qu'il aurait toujours dans le village quatre descendants mâles, ni plus ni moins. Quoiqu'il en soit de ces récits légendaires, la population d'Aïn-Ahmar, très unie cependant avec celle d'Aïn-Adjadja, n'a pas une nature aussi pacifique. Elle a toujours été mêlée aux troubles éclatant dans le pays.

Aïn-Ahmar est une ravissante oasis où la végétation est remarquable en raison de l'humidité du sol, mais par cela même excessivement malsaine en été.

Sidi-Khouiled eut pour fondateur Sidi-Khouiled, marabout, originaire des Dreïd, consin germain de Si Atta-Allah avec lequel il se fixa d'abord à Aïn-Adjadja. A la suite de difficultés entre les habitants de ce village, Sidi-Khouiled mit les dunes entre lui et les gens avec lesquels il ne pouvait s'entendre et fonda le ksar isolé qui porte son nom.

Ba-Mendil est aujourd'hui presque ruiné. Ce village est situé dans l'endroit le plus salubre des environs de Ouargla. L'eau y est excellente et il forme sur une crète isolée une bonne position défensive. Ces conditions réunies avaient décidé les Saïd-Ateba à s'y installer et s'y retrancher dans une bonne enceinte en pierre, mais les Makhadma et Chaâmba pillèrent et détruisirent ce petit ksar après s'en être emparés il y a environ un demi siècle.

Negouça.

D'après la tradition locale transcrite plus haut, nom que

nous avons vu l'origine de Mengouça la diminuée lui donna le marabout Si Sala-ben-Mouça, d'où est venu, par corruption, le nom actuel de Negouca. Cependant Negouça n'avait qu'une population tout à fait inoffensive composée de gens de kasseria, c'est-à dire sédentaire constamment pressurée par les nomades. Ils firent appel à un homme énergique des Saïd-Ateba, nommé Ahmed-ben-Babia, réclamèrent la protection de son bras et se le donnèrent pour cheïkh. Grâce à lui, grâce à ses successeurs, qui tous furent pris dans sa famille, la population de Negonça s'accrut de tous les gens qui redoutaient les nomades et qui trouvaient dans cette ville un lieu d'asile efficacement protégé par les Beni-Rabia.

El-Golea. Point extrême dans le Sud; est un ksar construit sur un rocher isolé au milieu des plaines sahariennes, à une hauteur d'une soixantaine de mètres. Sa population est peu considérable aujourd'hui, mais, d'après la légende, là fut autrefois un centre important où gouvernait un prince marocain, maître de toute cette région. La malédiction d'un marabout fit tarir les sources et amena la ruine de la ville. Nous reverrons plus loin, dans la partie historique, des détails sur toutes ces localités, de même qu'il sera question des tribus nomades et des circonstances qui ont amené leur installation dans le pays.

L.-Charles FÉRAUD.

(A suivre.)

ESSAI

D'ÉTUDES LINGUISTIQUES & ETHNOLOGIQUES

SUR LES

ORIGINES BERBÈRES

(Suite. Voir les nos 175 et 176.)

CHAPITRE IV

Peuplement Nord (suite). - Kimri gheraba, Scytho saxons,
Chelouha, Selloua, Slaves scytho lettiques.

« Les langues usent peu à peu leurs aspérités (1), » et de même que le K de l'ancien saxon gothique est devenu le CH allemand ou même l'H simple dans d'autres dialectes (2), de même aussi les Kel-Loua (les peuples gaël) sont devenus les Chel-Loua et les Ahl-Loua ou Halloua, selon les prononciations particulières des races hyperboréennes saxonnes ou scythiques dont ces mots marquent l'introduction en Afrique.

(1) Renan, Histoire des langues sémitiques.

(2) Les anciens Norvégiens prononçaient H comme un K; quelquefois encore, au commencement des mots, H correspond au ga sanscrit. En celtique, le mot « bouclier » se dit cail, avec un C aspiré, se rapprochant du CH allemand, soit chail. (Chailoua, ceux du bouclier?)

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Revue africaine, 30° année. No 178 (JUILLET 1886).

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Les quelques affinités grammaticales que l'on peut relever entre le berbère et les différentes langues anglo-saxonnes, comme aussi l'étroite parenté des Runes skandinaves avec les Tifinar, et, surtout les similitudes si fréquentes des radicaux primitifs, montrent suffisamment que les idiomes africains, comme ceux du Nord, ont eu, à une certaine époque, des procédés communs pour l'expression des idées. Les lois phonétiques, l'obscurcissement des voyelles, les gradations et les variations des consonnes dans les divers dialectes méditerranéens ou sahariens se retrouvent en principe dans les langues skandinaves ou anglo-saxonnes. Nous avons déjà cité, au début de ce travail, l'impression produite sur les Européens par l'audition de ces dentales sifflantes et harmoniques emprisonnant des sons-voyelles que modifient à chaque instant des accents toniques, prosodiques ou musicaux comme dans les langues du Nord de l'Europe. Et, chose remarquable, dans l'Aorès, où les différents dialectes chaouïa vivent côte à côte, quelquefois dans le même village, ce sont toujours les gens qui prétendent avoir l'origine la plus septentrionale qui parlent le dialecte le plus adouci (1): la tamzira; cette langue est souvent celle de ces tribus de blonds aux yeux bleus, dont la peau fine, parfois couverte de taches de rousseur a, chez les femmes et les enfants surtout, cette carnation rosée spéciale aux races septentrionales.

Dans les légendes de la montagne comme dans les coutumes locales, les ressemblances et les analogies se continuent. Dans leurs belles études sur le Droit civil ou criminel des Kbaïl du Djurdjura, MM. Hanoteau et Letourneux citent, presque à chaque page, en regard des canoun berbères, les vieilles coutumes saxonnes et

(1) Voir dans la Revue africaine, les articles déjà citès de M. le professeur Masqueray qui a fait une étude particulière de ces dialectes chaouïa de l'Aurès.

germaniques ainsi que les capitulaires de Charlemagne. L'histoire des Goths de Jornandes, comme aussi les récits d'Hérodote sur ces Scythes (dont on a fait les plus anciens peuples du monde), pourraient être utilement complétés et expliqués par des rapprochements avec ce qui se dit et ce qui se voit encore de nos jours de la Méditerranée au Niger. Presque tous les ethniques cités par ces deux auteurs, et aussi par Strabon, comme appartenant aux grandes familles des nomades Scythes, Goths, Huns ou Sako (1), ont une forme tout à fait berbère et il semble, en les voyant, qu'on est en présence d'une liste de tribus kabyles écrite par quelque scribe négligent ou connaissant mal la langue du pays.

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(1) Grimm a établi, il y a plus d'un demi-siècle, que les noms de scythe, gête, goth, saco, sako, etc., étaient les diverses appellations de peuplades ne constituant, en réalité, qu'une seule et même race.

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