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missionnaires s'entendirent avec eux, comme ils l'avaient fait avec Mohamed ben El-Hadj Brahim, et se mirent en route quelques jours après eux, pour aller les rejoindre à El-Goléa, où ils leur avaient donné rendez-vous. En passant à Metili, ils engagèrent comme chamelier un Châambi des Berezga, Ben Hafs ben Boubeker, et repartirent presque aussitôt pour le ksar des Mouadhi.

Mohamed ben El-Hadj Brahim, auquel la mort de son frère imposait l'obligation d'une vengeance sanglante, suivant les coutumes sahariennes, avait été agréablement surpris des ouvertures que lui faisaient les missionnaires, et s'était empressé de leur prodiguer les plus vives assurances d'un entier dévouement, pour ne point laisser échapper une occasion aussi favorable. Il n'eut pas de peine à faire partager son projet aux Touareg et au Ba-Hammaoui, qui avait accompagné ces derniers à Alger; d'accord avec lui, ceux-ci résolurent de massacrer les Français dès qu'ils seraient assez loin pour n'avoir plus à redouter le châtiment de leur crime.

Le caïd d'El-Goléa cut vent de ce complot, et, sans oser s'en expliquer ouvertement avec nos compatriotes, il refusa tout d'abord de les laisser partir, sous prétexte qu'il n'avait reçu à leur sujet aucune instruction du commandant du cercle.

Mais le père Paulmier prit son intervention en mauvaise part, et le menaça de s'en plaindre. Comme, en fin de compte ce chef indigène était assez indifférent au sort des voyageurs, il se contenta d'une lettre conçue en termes propres à mettre sa responsabilité personnelle à couvert, et cessa de s'opposer à leur départ.

La caravane des missionnaires s'engagea ainsi définitivement sur la route d'In-Salah vers le 8 ou 10 février, avec leur chamelier, les Touareg, le Ba-Hammaoui, et Mohamed ben El-Hadj Brahim, tous les prisonniers faits par les Berezga pendant l'été précédent, sauf Salem ben Chraïr et les deux Mouadhi qui avaient quitté Laghouat avec lui dès leur mise en liberté.

Pendant les premiers jours, tout se passa bien : les campements des gens d'El-Goléa étaient assez nombreux dans le voisinage, et la prudence la plus élémentaire exigeait que Mohammed ben El-Hadj Brahim et ses compagnons dissimulassent leurs desseins sous les dehors d'un empressement affecté. Les missionnaires purent donc se féliciter tout d'abord d'avoir persévéré dans leurs intentions, malgré tous les avis qu'ils avaient reçus. Chaque jour, en arrivant à l'étape, les Touareg s'empressaient de les aider à décharger leurs bagages. Ils leur prodiguaient, ainsi que le Zoui et le Hammaoui, les assurances d'une réception cordiale partout où ils voudraient aller, et leur attitude resta telle à tous égards, que la méfiance la plus obstinée n'eût rien trouvée à y reprendre. Huit jours après avoir quitté El-Goléa, en arrivant à Dhor-Lecheb, près de l'oued Chebbaba, le moment de mettre leur projet à exécution leur parut enfin venu. Comme d'habitude, ils aidèrent nos compatriotes à installer leur campement, et, à la nuit, allèrent se coucher près des mehara.

Les Pères et Bou Hafs Boubeker ne tardèrent pas à s'endormir de leur côté. Après s'être assurés qu'ils étaient plongés dans un profond sommeil, en les surveillant de loin, Mohamed ben El-Hadj Brahim et ses complices sc rapprochèrent peu à peu en rampant, de façon à les entourer, puis, arrivés assez près, se jetèrent sur eux. Le Berezga réveillé le premier par le bruit qu'ils firent alors, essaya de se mettre sur la défensive, mais il fut bientôt abattu à coups de sabre. Quant aux missionnaires, deux d'entre eux avaient été égorgés presque immédiatement. Le troisième seul ne fut pas achevé sur le coup; quoique blessé mortellement, il n'expira qu'au bout de quelques heures.

Au petit jour, les assassins se partagèrent les dépouilles de leurs victimes, et, ensuite, n'ayant pas à craindre d'être poursuivis, continuèrent leur route sans se presser jusqu'à In-Salah, d'où Mohammed ben El-Hadj

Brahim alla rejoindre les Medaganat, pendant que les Touareg retournaient au Ahaggar.

La nouvelle de cet événement eut un grand retentissement au Tidikelt; mais, aucune suite ne paraissant lui être donnée, il ne tarda pas à être oublié peu à peu, malgré la surexcitation causée chez les Berezga par la mort de Bou Hafs ben Boubeker.

La fin de l'hiver et le printemps s'achevèrent sans autre incident.

Quand l'été fut arrivé, les Medaganat se décidèrent à aller razzer sur Ouargla. Ahmed El-Ahouar prit le commandement de l'expédition, forte de vingt-cinq mehara environ, dont quelques-uns ne comptaient pas habituellement dans leur groupe (1).

La harka partit par l'oued Massin, puis du Maader gagna H.-Ghourd-Oulad-Yaïche, où des chasseurs des Chaâmba lui donnèrent quelques renseignements sur la position des campements. Il n'y avait plus dans le Sud que des tentes isolées de leur tribu. Les Beni-Thour et les Mekhadema avaient commencé de leur côté à se rapprocher d'Ouargla. Seuls, les Oulad-Arrima de la première tribu et les Oulad-en-Nessire de la seconde étaient encore dans les parages de H.-Tarfaya et de H.-BouKhenissa. Il fut décidé qu'on se dirigerait de leur côté.

Toutes les tentes de ces fractions étaient groupées entre Kouif-el-Laham et Sif-Arif, les Oulad-Arrima à El-Harf, les Oulad-en-Nessire un peu plus au Nord.

Quand les Medaganat arrivèrent en vue des campements, vers deux heures de l'après-midi, quatre jours après avoir quitté H.-Ghourd-Oulad-Yaïche, il ne s'y trouvait guère que des femmes et des enfants; presque tous les hommes étaient déjà à Ouargla, où les tentes devaient être transférées le lendemain.

(1) Un fils de Ahmed ben Lakhal des Mouadhi, Saïah ben Bou Saïd et Seghir ben Cheikh des Oulad-Bou-Saïd d'Ouargla, Mohammed ben Bou Adda de Metlili, et deux ou trois autres.

Les vêtements des Medaganat, qui s'étaient habillés en Touareg, les firent prendre pour un rezzou du Ahaggar, et leur arrivée détermina une panique générale.

Ils eussent donc pu piller complètement les tentes sans avoir à tirer un coup de fusil; mais, craignant, en raison de la proximité d'Ouargla, une poursuite qui pouvait être chaude, s'ils s'attardaient, ils se contentèrent de réunir une cinquantaine de chameaux des Oulad-Arrima et battirent aussitôt en retraite.

L'agha Saïd ben Driss, qui avait remplacé son frère, prévenu trois heures après, monta de suite à cheval avec son makhzen, et, à la tombée de la nuit, arriva à El-Harf. Avant de partir, il avait donné l'ordre aux Mekhadama, déjà campés à Ouargla, de former un convoi pour porter l'orge et l'eau nécessaires aux chevaux, ainsi que les vivres de ses cavaliers. Mais cette tribu était alors en fort mauvais termes avec les BeniThour et avec l'Agha lui-même; elle ne tint pas compte de ses instructions. Quant aux Beni-Thour, dont quelques-uns venaient aussi d'arriver, leurs chameaux se trouvaient encore assez loin, et ils n'étaient, d'ailleurs, guère plus soucieux d'exécuter cette réquisition. Il en résulta, qu'après avoir attendu inutilement le convoi une partie de la nuit, Saïd ben Driss dut se mettre en route au matin, sans cau ni vivres. Arrivé à H.-BouKhenissa, il apprit, par un exprès envoyé d'Ouargla, que quelques chameaux seulement avaient pu être réunis à grande peine; encore n'avaient-ils ni bât, ni cordes. Exaspéré de cette nouvelle, et de l'attitude des tribus, l'agha n'essaya pas de continuer la poursuite et revint sur ses pas. Il eût été facile, il est vrai, de rejoindre la harka, s'il avait marché rapidement dès le début, mais la chaleur était excessive, et, après avoir perdu une partie de la nuit à El-Harf, il avait trop de retard pour pouvoir s'avancer sans convoi.

Pendant que le makhzen retournait ainsi sur ses pas, les Medaganat arrivaient à H.-El-Gara, où ils trouvèrent

Mohammed ben Haoued des Oulad-Feredj, le frère de Bou Checheba. Comme tous les Chaâmba, Mohammed ben Haoued était de cœur avec les Medaganat. Il les accueillit avec empressement et leur fit préparer une diffa, pendant que ses esclaves abreuvaient les chameaux. De là, et sans tarder davantage, le rezzou continua sa route, et arriva sans encombre à la Koudiya d'Aïn-Kachelą, où ses campements étaient venus l'attendre.

Quelques jours après, des Oulad-Messaoud, des KêlAhamellel, les Oulad-Chikkat et les Oulad-Khatrat, qui n'avaient pas pris part aux querelles des Medaganat avec leur tribu, vinrent leur proposer d'aller razzer au Souf. Les Medaganat ne balancèrent pas à accepter ces ouvertures, et conduisirent aussitôt leurs tentes à Foggarat-ez-Zoua, où ils rencontrèrent des Oulad-SidiCheikh, les Oulad-Sid-El-Arbi, qui arrivaient du Gourara et se joignirent à eux. Ils allèrent ensuite retrouver les Touareg à El-Biodh, d'où la harka, forte de 35 mehara, se mit en route vers le milieu d'août. Elle se rendit directement à H.-El-Bottine, sur le medjebed d'Ouargla à R'hadamès par le gassi de Mokhanza, et gagna ensuite H.-Bou-Keloua, Oum-er-Rouss, H.-El-Metteki, sans rencontrer d'abord ni chasseurs, ni bergers. Le pays paraissant ainsi absolument désert, les Medaganat en profitèrent pour passer quelques jours à chasser la gazelle; puis, après avoir fait une ample provision de viande, ils reprirent leur marche, et se rendirent à Aouinat-Embarka, où ils relevèrent de nombreuses

pistes.

Les troupeaux ne pouvaient plus être éloignés, et, en effet, les Chouafs envoyés à la découverte aperçurent bientôt des chameaux. Ils appartenaient à Souissi ben Haïoua, des Châamba-Guebala, dont le beau-frère, Kaddour ben Mekouchen, était avec le rezzou, et à deux indigènes des Oulad-Saïah.

Les bergers s'étaient sauvés. On razza donc rapide

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