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Sans l'attendre, les autres indigènes du rezzou se dirigèrent rapidement vers les puits: ils n'avaient, en effet, plus d'eau, et souffraient assez cruellement de la soif. Cheikh ben Tahar et les siens avaient pris position à la crête d'un petit mamelon. En arrivant à portée, les assaillants leur crièrent qu'ils n'en voulaient qu'aux Saïd-Otteba et aux Mekhadema, qu'ils désiraient seulement aller boire; mais les Berezza, qui avaient vu ce qui venait de se passer, ne s'y laissèrent pas prendre: ils firent une décharge générale. Un Targui, dont le mehari avait été blessé, et Salem ben Chraïr tombèrent aux premiers coups de feu, ce dernier la poitrine traversée par une balle, qui, entrée au-dessus du sein gauche, sortit au-dessous de l'épaule.

Le rezzou s'arrêta et riposta, mais sans succès; puis, profitant de ce que les Berezza s'étaient reculés pour charger leurs armes, il se décida à battre en retraite.

Salem ben Chraïr fut solidement attaché sur son mehari et la petite troupe partit aussitôt; le manque d'eau rendait indispensable d'atteindre un puits le plus tôt possible.

Un des Zoua (1), qui connaissait bien le pays, se chargea d'indiquer la direction; mais, en proie à une très

(1) Cheikh ben Mohammed ben El-Hadj.

Revue africaine, 30° année. No 178 (JUILLET 1886).

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vive surexcitation, causée par la fatigue, il se trompa bientôt, et, après s'être dirigé vers le Sud, fit un grand crochet vers l'Ouest.

Il réussit cependant à s'orienter après quelques tâtonnements, et reprit enfin la bonne route; mais quand, vers 8 heures du soir, le rezzou arriva près du puits d'El-Anzab, dans le bas de l'oued Serseb, qui était son objectif, il se trouva tout à coup en présence d'une troupe plus nombreuse, qui l'accueillit par une fusillade nourrie.

C'était Cheikh ben Tahar avec tous les gens de son douar, qui, prévenus d'assez bonne heure à El-Ateuf, étaient arrivés en toute hâte à Noumerat. Après avoir pris l'eau et les vivres nécessaires, ils étaient partis en nombre de vingt, dont dix mehara, sur les traces de l'ennemi, et l'avaient facilement devancé à l'Oued Serseb, en suivant la route directe.

Leur première décharge renversa un Targui (1), dont le mehari, grièvement blessé, s'abattit, et l'un des Zoua (2), qui, atteint à la tête, fut tué sur le coup. Les autres Touareg s'enfuirent aussitôt avec le Ba-Hammaoui; quant aux Chaâmba et au frère du Zoui tué, ils se rendirent, ne pouvant sauver Salem ben Chraïr, que sa blessure mettait dans l'impossibilité de supporter une allure rapide. Ils étaient, d'ailleurs, harassés, et leurs mehara se trouvaient hors d'état de fournir une nouvelle course sans avoir bu et mangé.

Indépendamment de ces quatre prisonniers, le Targui dont le mehari avait été blessé resta sur place; mais on ne le retrouva que le lendemain matin, à moitié mort de soif et encore étourdi de sa chute.

Cheikh ben Tahar et quelques-uns de ses compagnons se mirent d'abord à la poursuite des fuyards, dès qu'ils se furent rendu compte de leur disparition. Mais, médio

(1) Idda Ag Guemmam.

(2) Cheikh ben Mohammed ben el-Hadj.

crement montés, ils ne purent les rejoindre, et revinrent au puits. Quelques instants après, trente mehara de Metlili et quinze chevaux, qui étaient partis aussitôt que l'alarme fut donnée au ksar, y arrivèrent sous la conduite de deux des caïds des Berezga, Hamoua ben Messaoud et Ahmed ben Ahmed.

Celui-ci, qui jouissait dans le Sahara d'une réputation méritée de hardi et vigoureux cavalier, fit immédiatement donner un peu d'orge aux dix meilleurs chevaux, en attendant que la lune fùt levéc. Puis, dès qu'il fit assez clair, il releva les traces des Touareg, et reprit la poursuite avec cette petite troupe. Il était alors un peu plus de dix heures du soir. Pendant la première partie de la nuit, les Berezga, marchant, tantôt au trot, tantôt au pas allongé, gagnèrent rapidement du terrrain. Mais aux abords de l'Oued Thouil, ils perdirent la piste, et ne purent la retrouver que de l'autre côté de la rivière.

Ce retard les empêcha de rejoindre les Touareg aussi tôt que Ahmed ben Ahmed l'espérait, et, en arrivant au puits d'Elgâa, à deux fortes journées de caravane de Metlili, ils constatèrent que le rezzou avait encore une grande avance sur eux.

Les Touareg, en effet, avaient réussi à découvrir le puits, grâce aux traces d'un troupeau de chameaux. Mais ils en étaient repartis aussitôt, après avoir bu euxmêmes, sans abreuver leurs mehara, quelque besoin qu'en eussent ces animaux.

Leur approche avait été signalée par un berger à un douar de Berezga campé près de là, qui, sans savoir ce qui s'était passé, leur avait cependant tiré de loin quelques coups de fusil, et la crainte d'une nouvelle attaque les avait empêchés de s'arrêter davantage.

Au bout de quelque temps, le Ba-Hammaoui (1), qui avait reconnu l'un des Berezga, et avait obtenu de celuici la promesse de quelques vivres s'il revenait seul,

(1) Bou Hafs ben Rabah.

laissa les Touareg poursuivre leur route, se prétendant hors d'état de les suivre; mais à peu de distance d'H.Elgaâ, il tomba sur les gens d'Ahmed ben Ahmed, qui venaient de quitter le puits, et le firent aussitôt prisonnier. Cinq des dix chevaux de cette petite troupe étaient à peu près fourbus: ils venaient, en effet, de fournir une course de plus de vingt-quatre heures sans s'arrêter. Les autres pouvaient encore marcher. Ahmed ben Ahmed, auquel les indications fournies par le prisonnier permettaient de croire qu'il rejoindrait bientôt les fuyards, repartit à une allure plus vive et bientôt l'état de la piste lui prouva qu'il ne s'était pas trompé.

Presque aussitôt après avoir laissé leurs compagnons en arrière, les Touareg avaient mis successivement pied à terre pour faire manger leurs bêtes qui n'en pouvaient plus, et, bien qu'ils continuassent à marcher, les Berezga gagnèrent rapidement sur eux.

Enfin, un peu avant la tombée de la nuit, Ahmed ben Ahmed, prenant les devants, les aperçut dans l'Oued Tehal, petit ravin affluent de l'Oued Teguir, où ils avaient pris le parti de s'arrêter. Bien qu'ils se sussent poursuivis, leur surprise fut telle, en voyant arriver un parti de cavaliers, qu'ils ne songèrent même pas à se défendre et se rendirent aussitôt.

Trois jours après, tous les survivants du rezzou étaient réunis à Metlili, et les caïds des Berezga envoyèrent tout de suite un exprès à Laghouat pour prendre les ordres du commandant supérieur du cercle. Pendant les quelques semaines qui suivirent, on les laissa, comme c'est l'usage au Sahara, dans une liberté relative; puis, ils furent dirigés vers la fin d'août sur le Mzab, où un détachement de spahis était venu les chercher, et, de là, conduits à Laghouat.

Après une assez courte détention, Salem ben Chraïr, qui s'était rapidement guéri de sa blessure, et les Mouadhi furent remis en liberté et rapatriés sur ElGoléa, où restèrent les deux derniers, pendant que le

premier se rendait au Tidikelt pour aller retrouver les Medaganat.

Les Touareg, au contraire, avaient été envoyés à Alger où on voulait les voir, et le Zoui, ainsi que le Ba-Hammaoui, les attendirent à Laghouat.

Trois missionnaires des Pères du désert, MM. Paulmier, Menoret et Boujaud se trouvaient alors dans cette. ville. Ils avaient déjà fait un long séjour à Metlili, et pensaient depuis quelque temps à se rendre au Touat.

L'occasion leur parut bonne, et, après s'ètre entendus avec le Zoui Ahmed ben Mohammed ben El-Hadj, qui devait leur servir de guide, ils se décidèrent, dans les derniers jours de l'année, à partir aussitôt après le retour des Touareg.

IV

1876

Massacre des Missionnaires d'El-Goléa.

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Razzia

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sur Ouargla, sur le Souf, sur R'hadamès. Départ pour le Gourara.

Lorsque le colonel Flatters, alors commandant supérieur du cercle de Laghouat, apprit le projet des missionnaires, il fit tout ce qu'il put pour les en dissuader, et s'exprima mème en termes assez vifs sur leur imprudence. D'autre part, les indigènes de la ville, qui affectionnaient particulièrement le père Paulmier, connu sous le nom de Taleb Abdallah, lui représentèrent à plusieurs reprises que, s'engager dans le Sahara avec les compagnons qu'il avait choisis, c'était courir au-devant d'une mort certaine. Mais leurs conseils restèrent aussi sans effet.

Dès que les Touareg furent revenus à Laghouat, les

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