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tairement de père en fils, à leurs maîtres et seigneurs, les Ouled-Hamza. C'est donc ceux-ci qu'il faut nous attacher par tous les moyens à notre disposition; car, nous le répétons, s'ils ne sont pas personnellement pour nous, ils seront contre nous, eux et leurs nombreux clients. Ceci a, du reste, généralement été compris en Algérie et les critiques qui ont été faites à cette œuvre éminemment sage et politique, ont eu leur point de départ. soit dans le désir de l'application, trop absolue et inopportune, de principes d'ailleurs aussi justes que respectables et généreux, ou dans une appréciation inexacte des principaux faits de l'histoire de nos relations avec les Ouled-Sidi-Chikh. Ce qui est le cas de ceux qui persistent à confondre les Chéraga et les Gheraba et à répéter que ce sont les Ouled-Sidi-Chikh qui ont fait l'insurrection de 1881, et qui ont encouragé ou toléré le massacre de nos explorateurs.

En ce qui concerne les personnalités des Zoua-Cheraga, aujourd'hui rentrées en grâce, ceci est de la calomnie; ni dans les documents relatifs à la mission Flatters, ni dans ceux concernant l'insurrection de 1881, il n'a été relevé aucun fait pouvant être articulé d'une façon précise à la charge des Ouled-Hamza.

On a vu plus haut quels étaient les mobiles politiques, les influences snoussiennes et les intérêts ghadamésiens, qui avaient inspiré les Touaregs en février 1881.

On a vu aussi quelle a été l'attitude des Ouled-Hamza depuis 1867 et 1869, et à quelle source étaient puisées les insinuations malveillantes contre ces personnalités, dont le prestige a toujours écrasé les chefs indigènes du Tell oranais.

Nous ne pouvons pas nier cette influence immense qu'ont, dans le Sud, les héritiers du grand Sidi Chikh; si cette influence n'est pas ostensiblement au service de la France, elle est ipso facto réputée comme nous étant hostile, alors même que les chefs de cette famille n'ont aucun rôle actif.

Ceci n'est pas seulement notre opinion personnelle, c'est celle de la plupart des indigènes, tant Algériens que Marocains.

Mouley Hacene et les gens de Fez ont pour les Zoua des deux branches dirigeantes une très grande considération. Un officier, du service des affaires indigènes, qui accompagnait en 1882 le ministre de France à la cour du Chérif, rendait compte en ces termes de l'impression résultant pour lui de ses conversations privées avec les personnalités marocaines, vues en dehors des présentations officielles :

<< Dans toute la partie septentrionale du Maroc qui, à quelques exceptions près, reconnaît l'autorité impériale, les Ouled-Sidi-Chikh sont considérés non-seulement comme un ordre religieux, mais surtout comme un parti puissant pouvant à un moment donné réunir assez de contingents pour faire échec au souverain....

On croit même que de proches parents de l'Empereur, qui ont été relégués dans les villes du Tafilalet pour des motifs politiques, ne seraient pas éloignés, si l'occasion se présentait de se ranger ouvertement sous le drapeau de Si Kaddour ben Hamza. Cette situation étant connue et admise, il n'est pas étonnant que la cour du Maroc cherche à être tenue constamment au courant des faits et gestes des Ouled-Si-Chikh. Aussi ne se passe-t-il presque pas de jour où le sultan ne reçoive des nouvelles des mouvements accomplis sur notre frontière.................... « et remarquez, nous disait-on à ce sujet, avec quelle » facilité le sultan fait généralement droit à vos reven» dications..... préférant toujours payer, plutôt qu'es»sayer d'une intervention armée..... C'est qu'il a tout » intérêt à ce que la lutte dure le plus longtemps possi»ble, car tant que ceux-ci resteront occupés de votre » frontière, ils ne tourneront pas leur regard d'un autre » côté. »

Revue africaine, 30o année. No 177 (MAI 1886).

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. Ceci explique les égards et les ménagements qui ont toujours entouré Si Sliman ben Kaddour, chef effectif des Zoua-Gheraba, pendant son séjour forcé à la cour de Mouley Hacene, de 1876 à juin 1881.

Par contre, ces appréciations, puisées dans ce milieu lettré et intelligent de la capitale du Maroc, ne ressemblent guère à celles qu'on recueille parfois dans l'extrême Sud Oranais. La raison en est bien simple: elles ne portent pas sur les mêmes gens.

A Fez, on ne s'occupe que des Zoua, c'est-à-dire des personnalités, chefs des soff d'El-Abiod.

Dans notre Sud-Ouest, on parle surtout de ces tribus. des Ouled-Sidi-Chikh occidentaux ou Gheraba qui, fixées au Maroc avant 1830, ont été déclarées marocaines de par le traité de 1845.

Ces tribus issues des 12 ou 13 frères des deux ancêtres des Zoua d'El-Abiod n'ont pas, en général, de situation prépondérante. Nous en avons dans notre Tell, à Lamoricière, Aïn-Temouchent; il y en a dans l'Est, à Tozeur, Nefta, en Tunisie, etc. Nous n'avons jamais eu à nous préoccuper de ces gens-là; il y en a aussi beaucoup d'autres dans le Sud-Ouest, au Maroc, chez les Douï-Menia et ailleurs.

C'est précisément à l'existence de ces petites tribus collatérales d'Ouled-Sidi-Chikh privés de ressources et de prestige, comme les Ouled-Sidi-Aïssa (des Douï-Menia et des Beni-Guill), les Ouled-Sid-El Hadj-Brahim (des Beni-Guill), Ouled-Sidi-Tadj (de Figuig), etc., qu'il faut attribuer les confusions que nous relevions plus haut, les divergences d'appréciation et les affirmations contradictoires et cependant faites de bonne foi.

Ainsi, ceux qui voient des Ouled-Sidi-Chikh dans cette insurrection de 1881, croient dire une chose vraie: Bou Amema et les siens sont bien d'une tribu d'Ouled-SidiChikh, mais ils sont des Ouled-Sidi-Tadj (de Figuig), insignifiants par eux-mêmes et ralliés au soff des ZouaGheraba, les éternels ennemis des Zoua-Cheraga.

Si Sliman ben Kaddour, le chef du soff des Gheraba, par son attitude, en 1881, est venu à son tour augmenter les confusions: celui-ci était bien Ouled-Sidi-Chikh d'ElAbiod, mais il était avant tout l'ennemi des Ouled-Hamza. Et pendant que le 17 novembre 1881, 800 cavaliers des Beni-Guill, Douï-Menia, Mehaïa (Marocains) et Rezaïna (de Saïda), en défection, commandés par le dit Sliman ben Kaddour, razzaient nos Hamyan-Châfaa à Fekarin, les Ouled-Hamza, au grand complet, étaient bien tranquilles au Gourara.

Là ils continuaient à vivre des rentes que leur faisaient leurs serviteurs religieux du Gourara, du Tidikelt et du Touat. Ils constataient, il est vrai, avec chagrin, que le nombre de ces serviteurs n'augmentait pas. Ils en connaissaient les causes: ils savaient qu'on leur reprochait précisément leur inaction contre les Chrétiens, alors que d'autres Musulmans n'hésitaient pas à faire la guerre sainte, et ils n'ignoraient pas que la propagande des Snoussia, sans être agressive à leur égard, enlevait tous les jours à leur influence politique des groupes de populations.

Ils n'avaient plus d'action dirigeante : de nouveaux soff s'étaient formés : l'un belliqueux, fanatique et prépondérant, celui des Ouled-Ba-Hamou, sous les ordres de ElHadj Abdelkader ben Badjouda; l'autre riche, plus nombreux, plus pacifique et par suite plus faible, celui des Ouled-Moktar, dirigé par une sorte de djemaâ, présidée par El-Hadj Mohammed Ould El-Mokhtar (1). Les Zoua, formant le troisième groupe, étaient plus sympathiques au soff des Ouled-Mokhtar, mais ils se sentaient aussi impuissants à le dominer qu'à le faire sortir de son effacement politique. Des deux côtés d'ailleurs les Zoua percevaient des ziara car les doctrines snoussiennes n'admettent pas d'exclusivisme

(1) Voir Bulletin de la Correspondance africaine, 1885, Insalah, par M. Le Chatelier.

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envers les personnalités religieuses non soumises aux Chrétiens.

Dans ce milieu où on ne leur refusait ni la considération ni les offrandes religieuses dues aux héritiers directs d'un des plus grands saints de l'Islam, les Ouled-Hamza étaient souvent gênés. Les services que nous avait rendus le vieux khalifat et Si Boubekeur, leurs aspirations vers la France, leur attitude pacifique les rendaient moins populaires que la masse des autres Zoua fixés dans ces parages depuis plusieurs générations et sans esprit de retour en Algérie.

Cette situation, dont il faut tenir compte sans cependant en exagérer les côtés délicats, explique l'insistance des Ouled-Hamza à se réconcilier avec nous pour reprendre à El-Abiod, vis-à-vis des musulmans d'Algérie, un rôle prépondérant qui ailleurs leur échappe de plus en plus. Cette situation explique aussi la réserve de ces mêmes Ouled-Hamza dans leurs relations avec les gens du Tidikelt et du Gourara, et elle montre enfin le peu de valeur de l'opinion de ceux qui à propos de l'assassinat de M. Palat font intervenir la question des Ouled-Sidi-Chikh.

L'assassinat de M. Palat n'est que l'épilogue de la mission Flatters.

Il a été implicitement prédit et annoncé, non pas seulement en 1881 après le sombre drame de Bir-elGhorama, mais avant même le départ de la première mission, en 1879 et 1880, quand la minorité de la Commission supérieure transsaharienne niait « la possibilité » de nouer des relations diplomatiques avec les Touareg » et de nous assurer, coûte que coûte, leurs concours » par des moyens pacifiques. »

En 1880, M. Duponchel écrivait : « Si l'insuccès pouvait » être douteux l'an dernier, il est parfaitement certain aujourd'hui. Du moment où les coupeurs de route, » qui ont dévalisé M. Soleillet et arrêté M. Flatters,

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