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anglo-saxons et berbères qui prêtent à des rapprochements de radicaux primitifs, ce sont aussi les procédés grammaticaux; en voici un exemple:

En berbère, le futur se forme en faisant précéder le radical verbal d'un'des préfixes:

Λ = ad

=

gha

= ha j

id., idh. (tamachek, kabyle, zenaga, chelia, etc.);

dans quelques dialectes;

Or: ▲ ad., id., idh., c'est: aller ensemble, venir,

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venire, adire;

ghaag = agere, ire, facere, agir,

:

=

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=

= venir;

conduire;

= je (moi);

=

C'est-à-dire je viens conduire, « adeo ducere ego, » ce qui est analogue à l'allemand et à l'anglais Ich verde führen, je deviens conduire, je conduirai; I shall conduct, je dois conduire, je conduirai. C'est enfin identique au vieux français qui se parle dans le canton des Grisons, en Suisse, où l'on dit: je viens à conduire pour je conduirai.

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(On pourrait encore citer ici la tournure latine particulière à la décadence (et qui se trouve aussi dans Cicéron), habeo dicere, je dirai.)

La ressemblance des procédés grammaticaux entre le

berbère et les langues anglo-saxonnes va plus loin que la conjugaison; elle se poursuit dans la construction des régimes intercalés entre la particule A ad (ou l'auxiliaire) et le verbe.

Ainsi on dit :

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= adas edegegh, je lui conduirai (litt. : venir lui conduire je: adire eum duc(ere) ego);

X^+^= adaset edegegh, je le lui conduirai (adire eum id duc(ere) ego).

Comme en allemand:

Ich werde das führen = je lui conduirai = je de

viens cela, conduire;

Ich werde das ihm führen = je le lui conduirai = je deviens cela, à lui conduire.

L'ensemble de ces remarques nous permet donc de signaler, comme possible, une parenté étroite entre ces Kebaïl, dont l'ethnologie a donné lieu à tant d'interprétations diverses et ces montagnards celtes: Gabali, Gabales établis dans ce Gévaudan si tourmenté qui offre tant de ressemblance avec la Kabylie, et aussi dans l'antique Chalon-sur-Saône, Urbs Caballinum ou Cabillonum. La petite fraction des Akbaïl, pluriel Ikbaïlen, aujourd'hui sans importance dans le Djurdjura, a bien pu en d'autre temps faire donner son nom à tous les Berbères du pays par les Arabes ignorants qui envahissaient le pays, comme jadis la tribu des Graïkoï (Grecs), a fourni aux Romains et aux Modernes la dénomination étendue ensuite à tous les peuples de race hellénique.

(A suivre.)

L. RINN.

Revue africaine, 30° année. No 176 (MARS 1886).

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HISTOIRE DE LA GÉOGRAPHIE LIBYENNE

LES

PREMIÈRES LÉGENDES GRECQUES

INTÉRESSANT LA LIBYE

Les fables de la Mythologie Grecque ont embarrassé la géographie pendant toute l'antiquité; la science actuelle. elle-même n'en est pas encore aussi complètement délivrée qu'on le pense communément. Bien des noms, en effet, persistent encore dans le langage usuel, qui n'ont d'autre origine que de vieilles fictions poétiques antérieures à la guerre de Troie.

Cela tient à ce que les éléments de l'ancienne géographie grecque furent de deux sortes: les uns provenaient d'observations positives dues aux habitants ou aux navigateurs de l'Hellade; les autres, au contraire, avaient leur origine dans l'exégèse. Les premiers Aèdes de la Grèce avaient, dans leurs chants et dans leurs odes, exprimé leurs opinions sur la nature du monde, du ciel, de la terre et des mers, sur la forme et la division du plateau terrestre, sur les causes des phénomènes physiques et sur les effets de ces phénomènes. A leur suite, une école sé forma, qui posa en principe que les poètes avaient été inspirés par les Dieux et qui en conclut que, les Dieux ne pouvant se tromper, c'était dans les vers des poètes qu'il fallait chercher toute vérité

scientifique. On devine d'avance les fruits qu'a pu produire un pareil système.

Il y eut donc chez les Grecs deux géographies distinctes par leur origine : l'une réelle, qui n'eut d'abord pour domaine que la Grèce et les pays limitrophes, l'autre imaginaire, embrassant le reste du monde. Ce fut sur cette dernière que vinrent se greffer les notions plus modernes apportées par les voyageurs plus récents. Ces deux géographies finirent par se confondre si complètement l'une dans l'autre, que jamais les Grecs et les Romains ne purent les démêler, et que la science moderne elle-même n'a pas toujours deviné qu'elle avait devant elle une œuvre complexe, où l'erreur tenait la plus grande part.

Mon but est d'indiquer, pour la Libye ancienne, quelles sont les légendes menteuses qu'il faut bannir de son histoire et de sa géographie, et, dans ce premier article, je m'attacherai d'abord aux plus anciennes, qui se trouvent, d'ailleurs, les plus faciles à découvrir. Je veux parler, en effet, des mythes qui figuraient déjà dans les poèmes avant l'époque où les Grecs se créèrent des établissements en Libye. Il est hors de toute critique que, puisque ces traditions existaient en Grèce avant que les Grecs eussent connu l'Afrique, ce n'a pu être en Afrique que les Grecs les ont trouvées à leur origine.

Ce premier travail est très facile à accomplir: il suffit de parcourir, du début à la fin, chacune des œuvres fort rares, dont la date est incontestablement antérieure à l'arrivée des Grecs en Libye, et d'y relever les noms et les faits que les écrivains des temps postérieurs ont mentionnés à propos de ce continent. Cette simple énumération prouvera qu'il faut, sans hésitation aucune, expulser ces noms et ces faits de l'histoire et de la géographie africaines.

Nous n'aurons pas à rechercher dans ce mémoire, quelle a été, par rapport à la Grèce, l'origine primitive de ces noms et de ces faits. I importe fort peu

en effet au but de notre travail que ces légendes aient eu dans l'Hellade, à une époque antérieure, un certain fonds de vérité. Il nous suffit qu'elles soient fausses en ce qui concerne l'Afrique. Nous prendrons donc ces traditions pour la plupart sous les formes secondes que leur ont données les poètes de l'Odyssée, de l'Iliade, des Travaux et des Jours, et de la Théogonie, attendu que ce fut sous ces formes secondes qu'elles apparurent aux commentateurs, quand ils prétendirent en tirer des déductions géographiques.

I

Il n'est resté dans la mémoire des Grecs aucun souvenir des émigrations maritimes qu'ils ont pu tenter avant le XIIIe siècle en dehors de l'Hellade. S'il est vrai, ce que je ne crois pas (1), qu'ils aient à deux reprises envahi le Delta d'Égypte, sous les Pharaons Rhamessides, il est plus sûr encore que le souvenir du départ de ces émigrés disparut de bonne heure de la mémoire des Grecs restés dans le pays. Le plus ancien voyage sur mer en effet, dont les Aèdes aient gardé souvenance, est celui des Argonautes, et, bien loin qu'il s'y agisse d'une grosse flotte, comme celle qui a porté les Machouach, les Sarda, les Tursa et les autres en Égypte, il n'y est

(1) Il m'est bien difficile d'admettre, comme on l'a fait, que des peuples déjà établis en Tyrrhénie, en Sardaigne et en Achaïe, aient pu se concerter avec assez de précision pour se réunir sur un point donné et tomber le même jour sur l'Égypte. Je crois plus probable que les Sarda, les Tursa, les Achaïa des Hieroglyphes formaient une bande retardataire de ces tribus, laquelle fut entraînée plus tard par les Machouach quand ceux-ci se mirent en marche. Cette masse de peuples arriva sur la Méditerranée (en Asie-Mineure, sans doute}, y acquit des connaissances maritimes, et de là, sous la pression des peuples qui la suivaient, se jeta sur des navires avec ses femmes et ses enfants et tomba ainsi sur les embouchures du Nil.

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