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charges de laine et de beurre et acheté 400 charges de dattes. Ils ont laissé un millier de moutons et ont conclu d'importants marchés pour la tonte des troupeaux. La laine s'est vendue 1 franc à 1 fr. 50 la toison, le beurre 1 franc à 1 fr. 50 le kilo. Les dattes ont été achetées 20 à 30 francs la charge, suivant la qualité. Dans l'Oued-Rir(1), les OuledNayl s'emploient avec leurs chameaux aux transports entre Touggourt et Biskra. Leurs services y sont très appréciés, à tel point que si, pour une cause. quelconque (les réquisitions de chameaux en 1899 par exemple), les Ouled-Nayl ne vont pas ou vont peu dans l'OuedRir, les autorités de Touggourt s'en émeuvent et ne manquent pas de réclamer leurs convoyeurs ordinaires. Les indigènes du cercle font encore leurs approvisionnements dans les mêmes régions ou oasis qu'autrefois. Cependant il est incontestable qu'ils sortent moins du cercle. Les marchés des Hauts-Plateaux ont considérablement augmenté en nombre et en importance; on y trouve plus facilement des dattes apportées par les producteurs eux-mêmes et les déplacements des indigènes en ont été diminués d'autant.

Avant l'occupation française (2), les Ouled-Sidi-Aïssa seuls, parmi les tribus de l'annexe de Sidi-Aïssa, se réunissaient à la caravane des Ouled-Nayl pour se rendre au Mzab, où ils faisaient leurs achats de dattes en échange des grains qu'ils y apportaient. Les autres tribus se pourvoyaient à Bou-Saâda, où étaient apportées les dattes des Ziban. Actuellement, les tribus des Ouled-Sidi-Aïssa, Salamat, OuledAbdallah, Ouled-Sidi-Hadjerès et Ouled-Ali-ben-Daoud se rendent dans les oasis de Tolga et des Ouled-Djellal. Les tribus des AdaouraCheraga et Gharaba se procurent sur le marché des Adaoura et sur celui de Sidi-Aïssa les dattes nécessaires à leur consommation. Ces dattes sont apportées sur ces marchés soit par les caravanes des Ziban, soit par celles des cinq autres tribus de l'annexe qui se rendent sur les lieux de production.

Dons le cercle de Bou-Saâda (3), les Ouled-Mohammed-el-Mebarek et les Ouled-Sidi-Brahim s'approvisionnent de dattes principalement à Touggourt; les autres tribus achetaient la majeure partie de leurs dattes dans les tribus des Ziban (Tolga) et aux Ouled-Djellal; le reste provenait de Biskra ou d'Ouargla, mais cette dernière oasis ne fournissait que très peu. Ces lieux d'achat n'ont pas sensiblement varié ; le marché le plus fréquenté est cependant actuellement celui des Ouled-Djellal. En outre, de nombreux marchands venus au marché de Bou-Saâda pendant l'hiver, et provenant principalement de Tolga, des Ouled-Djellal et de Biskra, y apportent des dattes, dont il se fait un commerce local assez important.

(1) Rapp. Djelfa no 1.

(2) Rapp. Sidi-Aïssa n° 2.

(3) Rapp. Bou-Saâda no 2.

Les Larba (1) (Laghouat) se rendent en hiver en caravanes à Ouargla, à Touggourt et au Mzab pour faire leurs provisions de dattes; les Larbâ de l'Est vont au Mzab et à Ouargla par Settafa, Berrian, Ghardaïa, l'Oued-Aoumer, Zelfana, El-Hobra et Millala; les Larbâ de l'Ouest se rendent à Touggourt par Guerrara, El-Alia et BlidetAhmar.

Les Chaanba-Berazga (2) (Ghardaïa) se joignaient autrefois aux Mouadhi d'El-Goléa pour se rendre aux oasis sahariennes, où ils échangeaient contre des dattes des denrées et des marchandises du Tell. Le développement de leurs cultures à Metlili (3) leur fournit maintenant une partie des dattes dont ils ont besoin. Ils complètent leurs approvisionnements à Ouargla et au Mzab, où la production annuelle est très inférieure à la consommation locale.

Les tribus nomades d'Ouargla (4) se rencontrent toutes à Ouargla au moment de la récolte des dattes. Les gens du Nefzaoua, Merazig et Gherib, amènent à Ouargla des moutons, des chameaux et quelques marchandises. Ce qu'il y a de nouveau, c'est le mouvement de caravanes vers les oasis sahariennes que nous avons signalé plus haut (5), et l'importance prise par la route d'Ouargla à Gabès, qui se substitue aux routes passant par Ghadamès.

Dans l'annexe de Barika (6), l'importation des dattes s'est faite de tout temps de la façon suivante. Toutes les dattes viennent de l'oasis d'El-Kantara ou des oasis des Ziban. Elles sont apportées sur les marchés de l'annexe par des caravanes des nomades du Sud ou d'indigènes de l'annexe qui avaient été vendre des grains provenant de la région de Sétif ou du Hodna.

De tout temps, au moment de leur migration (7), les Ouled-Rechaïch (Khenchela) ont expédié des caravanes au Souf, dans le Djerid, à Touggourt et à Khanga-Sidi-Nadji. Les caravanes apportaient du grain, ils l'échangeaient généralement contre des dattes de l'espèce rars. Une partie de ces dattes était consommée en tribu, le surplus était transporté dans les centres de Khenchela et d'Aïn-Beïda pour être vendu sur les marchés de la région. Les Ouled-Rechaïch se fournissent toujours de dattes aux mêmes endroits, mais surtout au Souf et au Djerid tunisien, où le grain se vend très cher et les dattes bon marché: ces transactions ont lieu surtout en septembre et octobre.

(1) Rapp. Laghouat no 2. (2) Rapp. Ghardaïa n° 2. (3) V. ci-dessus, p. 178.

(4) Rapp. Ouargla no 2.
(5) P. 235-236.

(6) Rapp. Barika n° 2.
(7) Rapp. Khenchela no 2.

A Tébessa (1), les nomades achètent aussi leurs dattes au Souf et au Djerid. Ces achats ont généralement lieu en hiver, à l'époque où les campements et les troupeaux sont installés dans la région de Négrine et au sud du cercle.

Les nomades du cercle de Biskra (2) vont faire leurs achats de dattes dans l'Oued-Rir, où elles se vendent un prix moins élevé que dans les Ziban et où ils apportent en même temps du blé et de l'orge. Ils font également du commerce avec le Mzab et louent leurs chameaux aux Mozabites.

Les tribus du cercle de Touggourt (3) achètent leurs dattes dans l'Oued-Rir; celles d'El-Oued (4) achetaient également dans l'Oued Rir et au Souf; parfois des luttes plus ou moins graves ont eu lieu entre Touggourt et le Souf, mais la paix n'a jamais été longtemps troublée, et les relations commerciales ont survécu aux guerres. Maintenant, la culture des dattes de qualité supérieure s'étant développée à El-Oued, les Messaaba et les Achèche ont augmenté dans l'Oued-Rir les achats de dattes communes destinées à leur consommation, et retirent ainsi un bénéfice appréciable de la vente des deglet-nour à Biskra et à Tébessa. Les Troud (5) faisaient autrefois un certain commerce avec Radamès; ce commerce est en décadence. Ils ne forment pas plus de six caravanes par an, comprenant chacune un total maximum de 15 charges. Les marchandises valent 20,000 francs en moyenne (dattes, haïks, bougies, tabac du Souf en feuilles). On ramène de Radamès des chameaux, des ânes, des peaux tannées, des objets touareg ou soudanais, du thé, du carbonate de soude, de l'alun, le tout pour une valeur de 30,000 francs. Les échanges et ventes de chameaux et de moutons qui se faisaient entre El-Oued et Radamès et représentaient une valeur de 300,000 francs il y a dix ans ont complètement cessé.

On ne devait pas s'attendre à trouver dans l'Est des modifications aussi accentuées que celles qui, dans l'Ouest, ont été la conséquence de l'occupation du Touat. D'abord, la transformation, l'évolution économique s'était déjà depuis longtemps produite. En outre, les nomades semblent s'être ici moins détachés des oasis, parce qu'ils sont en contact plus immédiat avec elles, qu'ils y sont propriétaires, enfin que les dates qu'on y récolte sont meilleures et trouvent même place dans la consommation européenne. Cependant l'évolution a bien été

(1) Rapp. Tébessa n° 2.

(2) Rapp. Biskra no 2. Cf. ci-dessus, p. 134.

(3) Rapp. Touggourt n° 2.

(4) Rapp. El-Oued n° 2.

(5) MOTYLINSKY, Dialecte de Radamès, p. xxx,

du même ordre. Comme dans l'Ouest, les tribus de la lisière du Tell se mettent à acheter les dattes de seconde main, sur les marchés des Hauts-Plateaux, qui ont considérablement augmenté en nombre et en importance. Comme dans l'Ouest, les grandes caravanes qui s'imposaient avant la conquête française en raison du manque de sécurité des routes n'existent plus.

Le bachagha Lakhdar et les hommes de son âge racontent encore avec enthousiasme le temps des « grands ronds de tentes », des grandes migrations pastorales, des grandes caravanes, des grandes chevauchées, des grandes chasses. Ce temps n'est plus, et bientôt le souvenir même en sera aboli. Y a-t-il eu progrès et amélioration? Il est difficile de le dire. Il y a eu surtout changement et différenciation des organes, comme il arrive dans une société qui se développe. Il y a désormais, dans une même tribu et parfois dans une même famille, des bergers, des agriculteurs, des entrepreneurs de transport, des négociants. C'est la fin de l'ancien état social, où l'on était tout cela à la fois, parce qu'on était avant tout guerrier.

CHAPITRE VIII

L'HABITATION ET LA VIE MATÉRIELLE

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Le nomade et la tente.

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I. L'habitation. La tente. Substitution de la maison à la tente et ses conséquences. Essais administratifs de fixation des nomades. Abandon des ksour. La substitution de la maison à la tente n'est pas toujours un progrès.

matérielle et ses modifications.

Le mobilier.

L'alimentation.

Les industries indigènes.

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II. La vie Le vêtement.

I

La demeure de l'homme réflète les conditions géographiques et historiques du milieu où il vit. Sa disposition, les matériaux dont elle est construite, sont commandés par le climat, la nature du sol, les nécessités économiques auxquelles il lui faut faire face.

Les indigènes de l'Afrique du Nord habitent les uns des maisons, les autres des tentes.

Un poteau, deux perches, quelques pieux supportant ou assujettissant une pièce d'étoffe formée de flidj cousus ensemble constituent la tente (1).

Le flidj, pièce essentielle de la tente (2), est une bande d'étoffe,

(1) VILLOT, p. 203; BATTANDIER et TRABUT, p. 204.

(2) Nous décrivons les diverses pièces de la tente d'après DELPHIN, Recueil de textes pour l'étude de l'arabe parlé, Paris-Alger, 1891, chap. xxxix, p. 148152. Nous devons la traduction des passages que nous donnons ici à l'obligeance de M. A. BEL, directeur de la Médersa de Tlemcen. Nous avons complété ces indications avec des notes très intéressantes qui nous ont été fournies par M. LOUIS BOYER-BANSE, avocat à la Cour d'Appel d'Alger, sur l'habitat des indigènes de la région du Sersou et du Nahr-Ouassel. Sur la tente marocaine, v. G. Höst, Nachrichten von Marokos und Fès, in-8°, Copenhagen, 1781, p. 127. QUEDENFELDT, trad. H. SIMON (Revue Africaine. 1903, p. 51). BUDGETT

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