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par des indigènes seuls ou par de petits groupes de 3. 4 ou 5. Munis de permis de voyage individuels, ces indigènes se rendent avec quelques chameaux sur les marchés ou dans les oasis où ils désirent faire leurs achats et rentrent dans le cercle leurs provisions faites. Il est bien certain que ces voyages ne s'exécutent plus dans les mêmes conditions qu'autrefois; les modifications consistent dans une tendance à moins s'éloigner du cercle et à s'éloigner en moins grand nombre. Parmi les tribus de l'aghalik des Ouled-Nayl, les cinq tribus des Ouled-Aïssa se renseignaient autrefois chaque année sur le cours des céréales dans le Tell, et, d'après les indications recueillies, s'échelonnaient en longues et nombreuses caravanes vers les marchés du cercle de Boghar (aux Ouled-Allane, Ouled-Mokhtar, El-Mefatah et Aziz), de la région de Médéa (chez les Douaïr, les El-Abid, les Tittery), d'Aumale (chez les Adaoura), de Sidi-Aïssa, de Teniet-el-Had (aux Ouled-Ayedh, Beni-Maïda, Beni-Lent); ils allaient aussi dans la province de Constantine, à Sétif, Righa, Khenchela, Barika, Batna, M'sila et Bordj-bou-Arréridj; dans la province d'Oran, à Tiaret et Relizane. Sur ces divers marchés, ils achetaient les grains qui leur étaient nécessaires. Ils payaient en espèces lorsqu'ils n'avaient pas d'objets d'échange. Mais la plupart du temps, ils transportaient à l'aller des charges de dattes venant du Sud. Certains, comme les Ouled-Aïffa, offraient du beurre; d'autres, notamment les Ouled-Zid, des vêtements de laine fabriqués par leurs soins ou achetés au Mzab; d'autres, les Ouled-Laouar, échangeaient des tellis ; d'autres enfin, les gens des ksour, avaient des abricots assez recherchés.

Les cinq tribus des Ouled-Saad-ben-Salem se rendaient à peu près aux mêmes endroits que les Ouled-Aïssa; toutefois, ils s'éloignaient moins du cercle de Djelfa et s'adressaient surtout aux tribus du cercle de Boghar et de la commune mixte de Boghari (Zenakha, Rahmane, Bouaïche) auxquels ils achetaient la plupart du temps du grain contre espèces sonnantes. Les Abbaziz allaient chez les Bouaïche, les Ouled-Sidi-Younès chez les Rebiaâ, près d'Aumale. Quant aux tribus de l'aghalik des Ouled-Sidi-M'Ahmed et Sahary, elles allaient autrefois aux Ouled-Allane et aux Adaoura (Souk-elDjema-Sidi-Abd-el-Kader, Aïn-Boucif et Souk-el-Khemis), dans la région de Médéa (tribu des Tittery), de Teniet-el-Had et de Tiaret (aux Ouled-Ayed, Beni-Maïda, Beni-Lent, El-Aouïssat, Ouled-Lekrad et Ouled-Cherif), de Sétif, de M'sila et du Hodna. Elles ne procédaient pas en général par échanges; elles achetaient purement et simplement leurs grains, qu'elles rapportaient sur leurs propres chameaux. Toutefois beaucoup d'indigènes partaient avec leurs troupeaux ; arrivés dans le Tell, ils en vendaient une partie et avec le produit achetaient le blé et l'orge; quelquefois aussi ils troquaient directement leurs troupeaux contre des grains.

Aujourd'hui, d'importants espaces ayant été mis en culture, le besoin d'aller dans le Tell pour procéder à des achats de grains ne se fait plus sentir d'une manière aussi impérieuse qu'autrefois. En outre, certains marchés des Hauts-Plateaux ont acquis une importance qu'ils n'avaient pas auparavant, et les indigènes trouvent maintenant sur

les marchés environnants (Djelfa, Souk-el-Had-el-Oubira, Zenina, Bou-Saåda, Aflou), une partie des grains qui leur sont nécessaires. Enfin, lorsqu'il est indispensable pour une famille d'acheter des grains, on s'éloigne en général beaucoup moins du cercle et un des membres de la famille seulement prend part à la caravane en partance pour le Tell (région de Tiaret et Teniet-el-Had); généralement la famille entière ne se met plus en route avec les tentes et les troupeaux. Les indigènes ne vont donc plus qu'en petit nombre et par petits groupes dans le Tell Tell Gharbi (Tiaret et Teniet-el-Had) ou Tell Chergui (Bordj-bou-Arréridj et Sétif). Les tribus de l'aghalik des Ouled-Nayl s'approvisionnent en grains aux marchés de Djelfa, Soukel-Had-el-Oubira (cercle de Boghar), Zenina, Bou-Saâda, Aflou; les tribus de l'aghalik des Ouled-Sidi-M'Ahmed et Sahary à ceux de Chellala, Chabounia, Aïn-Oussera, Boghari, Bou-Saåda, Zenina, SidiAïssa, Djelfa, Souk-el-Had-el-Oubira.

Les tribus de l'annexe de Sidi-Aïssa (1) produisent en général suffisamment de grains pour ne pas avoir à s'en procurer ailleurs. Les deux tribus des Adaoura récoltent au delà de leur consommation et vendent sur leur marché l'excédent dont elles disposent. Ce sont donc tout d'abord ces tribus qui alimentent leurs voisins; on fait aussi parfois des achats de grains à Sétif, Bordj-bou-Arréridį, AïnBessem, Aumale, Tiaret. Aucun changement ne se manifeste.

La majeure partie des tribus du cercle de Bou-Saâda (2) faisait autrefois ses achats de grains aux marchés de M'sila, Bordj-bouArréridj, Sétif, Khenchela, Tébessa, Boghar, Barika et Saint-Arnaud. Le marché de céréales des Adaoura était aussi activement fréquenté par de nombreux indigènes appartenant en majorité aux tribus des Ouled-Mohammed-el-Mobarek, Ouled-Ahmed et Ouled-Sidi-Ziane, Ouled-Ameur-Sahara, Ouled-Ameur-Guebala et Ouled-Ali-ben-Mohammed. Les Adaoura ont conservé leur clientèle, mais les autres centres d'approvisionnement sont moins assidûment fréquentés; beaucoup d'indigènes récoltent sur leurs propres champs des céréales en quantité suffisante. Les autres achètent des grains à Boghar et Aïn-Oussera (tribus des Tittery), M'sila, Sétif, Barika et Bordj-bou-Arréridj.

Les Larba (3) (Laghouat), pendant leur estivage, achètent généralement leurs grains dans les communes mixtes de Teniet-el-Had, Ouarsenis, Boghari et Chellala. Les Maamra achètent chez les Ighout, les Ouled-Sidi-Sliman et les Ouled-Zian chez les Beni-Maïda, les Ouledben-Chaȧ chez les Douï Hasni, les Hadjadj chez les Ben-Naouri, les Ouled-Sidi-Attalah chez les Beni-Lent (tous ces douars et tribus dans la commune mixte de Teniet-el-Had). Les Zekaska vont chez les Ouled

(1) Rapp. Sidi-Aïssa no 2.
(2) Rapp. Bou-Saàda no 2.
(3) Rapp. Laghouat n° 2.

Bessem-Cheraga de l'Ouarsenis, les Sofran et les Ouled-Salah chez les Ouled-Amar de la même commune mixte, les Ouled-Sidi-Attalah achètent aussi chez les Zenakha-el-Azziz de Boghari, les Ababda chez les Ouled-Ahmed de Chellala. Aucune modification ne se remarque.

Dans l'annexe de Ghardaïa (1), les Chaanba font leurs achats de grains sur le marché du Mzab et parfois à Géryville; les autres nomades, Medabih de Ghardaïa, Ouled-Yahia et Debabda de Berrian, Atatcha de Guerara vont à Laghouat, Djelfa, Boghari, Tiaret et Biskra. Pas de modification. Les Arabes agrégés des villes (2) et les ChaanbaBerezga exécutent fréquemment des transports de grains pour le compte des commerçants mozabites ou juifs de Ghardaïa. L'Arabe fournit les moyens de transport et le commerçant l'argent. A l'arrivée de la caravane, les grains sont partagés par moitié, les frais de transport étant évalués au même taux que celui d'achat de grains. D'autres enfin remboursent en grains les sommes qui leur ont été prêtées par les Juifs ou les Mozabites. Les conditions dans lesquelles les prêts sont consentis sont les suivantes : on transforme en mesures de blé le montant du prêt, en prenant pour base le prix du blé dans le Tell. L'emprunteur rembourse, au moment de la récolte, le nombre de mesures de blé qu'il est censé avoir empruntées : ce blé est livrable à Ghardaïa. L'intérêt est donc représenté par le prix du transport du Tell à Ghardaïa du grain donné en paiement de la dette contractée, prix qui doit représenter, en temps normal, la différence entre les cours du Tell et ceux du M'zab. Il est facile de se rendre compte que l'opération est très avantageuse pour le prêteur.

Dans l'annexe d'Ouargla (3), les Saïd-Atba (4) achètent des grains, soit dans la région de Tiaret où ils vont estiver avec leurs troupeaux, soit chez les Ouled-Ahmed et Zenakha de Chellala (cercle de Boghar, où ils se rendent avec les Larbâ; au printemps, ils se rendent en caravanes au Djebel-Amour pour y vendre des dattes; leurs caravanes vont aussi à Barika, Khenchela, Aïn-Beïda, Tébessa, mais ils n'y conduisent pas leurs tentes et leurs troupeaux. Les Mekhadma, BeniThour et Chaanba-Ouled-Smaïl ne quittent plus le territoire du cercle

(1) Rapp. Ghardaïa no 2.

(2) Rapp. du capitaine REBILLON, 29 novembre 1903.

(3) Rapp. Ouargla no 2.

(4) Les Saïd d'Ouargla se partagent en Saïd-Atba (Cheraga), qui étaient makhizen du temps des Turcs, et Said-Mekhadma (Gharaba) ou simplement Mekhadma. Les premiers, alliés des Ouled-Yacoub-Zerara, venaient avant 1830 au marché d'El-Loha; ils gagnaient le Nord par l'Oued-Zergoun, échappant ainsi à l'action des Ouled-Sidi-Cheikh. Les seconds, les Mekhadma, y compris les Beni-Thour, suivaient de leur côté la vallée de l'Oued-Seggueur et subissaient l'influence des Zoua. Deux fractions seulement des Saïd, les Ouled-Moulat et les Ouled-Ameur, s'approvisionnaient exclusivement dans le Tell constantinois et ne venaient jamais dans l'Ouest ; leur centre d'action était Touggourt.

d'El-Goléa, mais ils envoient leurs caravanes à Biskra, Sidi-Okba, Ouled-Djellal, Khenchela, Barika, Aïn-Beïda, Tébessa. C'est un des résultats de la politique de lutte contre les Ouled-Sidi-Cheikh longtemps suivie d'avoir enrayé complètement les migrations de ces tribus vers l'Ouest, d'où elles ne revenaient qu'appauvries par de continuelles ziaras et surexcitées contre l'autorité française. Les Chaanbabou-Saïd et Guebala restent en permanence dans la région sud-est d'Ouargla; ils achètent peu de grains, se nourrissent de dattes, de lait, de viande et de loul (graine de drinn).

Dans le cercle d'El-Goléa (1), quelques caravanes, peu nombreuses d'ailleurs, allaient autrefois faire leurs achats à Biskra, Boghari, Tiaret; le plus grand nombre des nomades se rendaient à Géryville et à Ghardaïa. Ils vont aujourd'hui dans les mêmes localités, mais les Chaanba-Mouadhi, tout en fréquentant les marchés de Géryville et Ghardaïa, se rendent en plus grand nombre à Biskra, Boghari et Tiaret.

Dans l'annexe de Barika (2), quand l'année est bonne, la fertilité de l'annexe et l'étendue des terrains ensemencés sont telles que la récolte suffit largement aux besoins de la population, et les fractions les moins favorisées, comme celles de la tribu des Šahari, trouvent à s'approvisionner facilement sur le marché de Barika. Quand l'année est mauvaise, les achats de grains vont se faire en grande partie dans la région de Sétif. Aucune modification dans ces usages.

A Khenchela (3), avant la création de voies de communication et de pénétration, routes et chemins de fer, les indigènes du Sud se servaient de leurs chameaux pour apporter dans le Tell les produits sahariens qu'ils échangeaient en majeure partie contre des grains. Aujourd'hui, par suite de l'ouverture de nos routes et voies ferrées, les caravanes deviennent de plus en plus rares et les échanges ou achats ont lieu dans un rayon beaucoup plus restreint. Les OuledRechaïch, seuls nomades du cercle, se sont d'ailleurs toujours fournis de grains sur place par leur propre production; en cas d'insuffisance, ils s'adressent sur les marchés de Khenchela et d'Aïn-Beïda.

A Tébessa (4), les trois tribus nomades des Brarcha, Allaouna et Sidi-Abid, qui ne s'occupaient que très peu de culture avant 1880, s'approvisionnaient en céréales sur les marchés de Tébessa, Khenchela, Aïn-Beïda et même Souk-Ahras. Actuellement, les étendues cultivées ont beaucoup augmenté; cependant les indigènes qui ont besoin de grains, se les procurent sur les marchés de Chéria, Tébessa, Khenchela et Aïn-Beïda.

(1) Rapp. El-Goléa no 2.

(2) Rapp. Barika no 2.

(3) Rapp. Khenchela n" 1 et 2.

(4) Rapp. Tébessa no 2.

A Biskra (1), les fractions nomades des Ziban faisaient leurs achats de grains dans les communes de Saint-Arnaud, Châteaudun-du-Rhumel, Fedj-Mzala, Aïn-Mlila, Sedrata, Khenchela. La tribu du ZabChergui, qui avant 1871 allait dans la région de l'Oued-Zenati, l'abandonna à cette époque comme étant trop fréquentée et alla dans les communes de Khenchela, Aïn-Beïda, Souk-Ahras. Les Arab-Cheraga vont dans les communes de Châteaudun, Fedj-Mzala, les Eulma, Aïnel-Ksar, Saint-Arnaud; les Ouled-Zekri et les Bou-Azid dans les communes de Aïn-Oulmen, Saint-Arnaud, Châteaudun, Aïn-el-Ksar; les Ouled-Sidi-Salah dans les communes de Souk-Ahras, Oum-el-Bouaghi, Oued-Athménia. Aucune modification, sauf celle signalée plus haut en ce qui concerne les indigènes du Zab-Chergui.

Jusqu'en 1880(2), les Achèche et les Messaaba (El-Oued) se rendaient uniquement pour acheter leurs grains dans le Zab-Chergui, à Biskra et jusqu'à Khenchela. Les voies de l'Est n'étaient pas sûres, et les rivalités continuelles entre les Achèche et les Ouled-Saoud augmentaient encore la difficulté des communications. Aujourd'hui, ces tribus fréquentent quatre marchés: Aïn-Beïda, Khenchela. Tébessa et Biskra. A l'époque des achats, ils se renseignent sur les différents cours et se rendent à l'endroit où ils sont assurés de trouver le prix le plus avantageux. Les Chaanba de l'annexe d'El-Oued, qui se réapprovisionnaient surtout à Ouargla, viennent davantage à El-Oued et à Touggourt.

En résumé, les modifications qu'on observe d'après ces rapports paraissent être les suivantes: 1o Les nomades, au moins ceux de la lisière du Tell, produisant un peu plus de grains, il y a une moindre nécessité pour eux de venir sur les marchés du Nord pour en acheter; 2o Les grains et les objets manufacturés sont mis à leur portée dans des centres constamment plus rapprochés Trézel par exemple a nui à Tiaret, Vialar à Teniet-elHad. Ces villages dits de colonisation de la lisière du Tell vivent surtout du commerce qu'ils font avec les nomades. D'anciens centres de commandement comme Aflou, qui n'étaient que des bordjs, ont vu se créer des marchés importants. Des négociants et des commis-voyageurs juifs et mozabites viennent solliciter le nomade jusque chez lui et sous sa tente et lui offrir les quelques produits manufacturés dont il a besoin; 3° La sécurité rend possible le déplacement par plus petits groupes. De même que les troupeaux commencent à transhumer sous la conduite de quelques

(1) Rapp. Biskra no 2.
(2) Rapp. El-Oued no 2.

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