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nellement favorable, les indigènes, qui ne labouraient jamais, ont ensemencé certaines parcelles dans des lits d'oueds. A défaut de chevaux et de mulets, on a labouré à traction humaine, et quelques indigènes ont utilisé des chameaux comme bêtes de trait, ce qui est peu usité dans la région. Mais il ne faudrait pas attribuer cette situation à d'autres causes qu'aux pluies particulièrement abondantes tombées en octobre. Encore le mouvement ne s'est-il pas étendu aux Arab-Gharaba, qui cultivent rarement eux-mêmes, parce qu'ils croiraient déchoir en se livrant à un travail manuel. Ils abandonnent leurs terres de culture à des associés appartenant à d'autres tribus, se réservant seulement une certaine part de la récolte.

Les indigènes du cercle de Biskra (1) n'ont pas augmenté les surfaces de terrain ensemencées. Ces surfaces restent chaque année sensiblement les mêmes. Quand les pluies ne sont pas tombées assez abondamment dans le Sahara, les nomades ne labourent pas. Il n'y a pas d'autres cultures que celles du blé et de l'orge; on trouve cependant quelques hectares de maïs et de bechna.

Non seulement il n'y a pas toujours progrès des cultures, mais il y a même quelquefois diminution, comme par exemple dans le cercle de Bou-Saâda (2), où la superficie cultivée, par suite d'une série d'années mauvaises, est descendue de 9,846 hectares à 2,875 en 1896, pour monter à 5,025 hectares en 1901. En 1902 cependant (3), les surfaces labourées ont augmenté considérablement dans toute l'étendue du cercle, et beaucoup d'indigènes récoltent sur leurs champs une quantité de céréales qui suffit à leur consommation.

Le rapport qui décrit le plus nettement la situation de l'agriculture dans la région véritablement saharienne est celui du poste des Ouled-Djellal:

L'irrégularité des pluies, y est-il dit (4), rend toujours trop aléatoires les bénéfices que peut donner une récolte; les cultures, sans lesquelles les nomades ne peuvent devenir sédentaires, sont toujours impossibles dans le voisinage des points d'eau et causent trop souvent des déboires lorsqu'elles sont pratiquées ailleurs. Ainsi c'est la sagesse, résultat d'une longue expérience, qui pousse nos populations à placer toutes leurs espérances dans l'élevage des troupeaux... Ce sont les conditions climatériques à l'époque des semailles qui décident de la plus ou moins grande importance donnée chaque année aux cultures. Les années se suivent sous ce rapport avec une irrégularité qui serait désolante pour qui voudrait en tirer la conclusion que

(1) Rapp. Biskra no 1.

(2) Rapp. Bou-Sadda no 1.
(3) Rapp. Bou-Saàda no 2.
(4) Rapp. Ouled-Djellal n° 1.

l'indigène se fixe progressivement au sol. Le placement des récoltes en terre, même dans les années qui permettent, en raison des pluies d'automne, de beaux bénéfices, ressemblera longtemps encore et peut-être toujours à un billet de loterie. La seule conclusion à tirer, lorsque parfois les superficies cultivées deviennent plus considérables, c'est que pour la même année l'élevage des troupeaux a été suffisamment rémunérateur pour permettre au propriétaire de risquer en plus quelques décalitres de semence.

Dans certains districts des steppes, on ne constate non plus aucun progrès de la culture:

Dans l'annexe d'El-Aricha (1), les récoltes assurent aux agriculteurs des ressources suffisantes pour leur subsistance, mais qui ne leur permettent même pas d'ensemencer autant qu'ils le voudraient. Ils achètent bien un peu sur les marchés, mais cette façon de faire n'est à la portée que de ceux qui possèdent quelque fortune. Cette situation ressort nettement de l'examen des superficies cultivées depuis quelques années. Les ensemencements très inférieurs de 1898 et 1900 s'expliquent par le manque presque absolu de récolte des années précédentes. On voit que les emblavures, qui se montaient à près de 300 charrues dans les campagnes 1895-96 et 1896-97, n'atteignent pas 150 pour la moyenne des quatre dernières années. Elles sont donc en rapport avec la situation générale des indigènes. D'ailleurs ceux-ci n'ignorent pas que, à part les environs d'El-Gour, dans la tribu des Angad, les terrains cultivables sont d'une qualité inférieure. Ils labourent donc, quand ils le peuvent, les étendues qu'ils estiment nécessaires à assurer leur subsistance, mais sans chercher dans la culture une source de profits, bien convaincus qu'ils sont par l'expérience de marcher à une déception. Ces idées ne changeront certainement pas tant que les procédés d'ensemencement resteront ce qu'ils sont.

Les Larbå et les Ouled-Nay1 (2) se livrent plus ou moins à la culture suivant le pays plus ou moins favorable aux travaux agricoles qu'ils habitent. Dans la montagne, ils ont toujours cultivé; dans la plaine, ils labourent quelques daïas. Mais la récolte est incertaine, et il ne semble pas qu'on ait constaté dans ces derniers temps un accroissement réel des labours. En 1901, les Larbå ont ensemencé de plus grandes étendues de terrain que pendant la campagne précédente; cela ne tient pas à une modification dans leur mode d'existence, mais simplement aux pluies bienfaisantes tombées en abondance à l'époque des labours.

Les indigènes du cercle de Djelfa (3) sont surtout des pasteurs, mais

(1) Rapp. El-Aricha no 1.

(2) Rapp. Chellala n° 1.

(3) Rapp. Djelfa, no 1. Cf. p. 103.

ce sont aussi des agriculteurs. Il est bien certain en effet que les mauvaises années qui se sont succédé sans relâche depuis 1895 auraient suffi pour porter un coup funeste aux travaux agricoles, si les indigènes du cercle et plus particulièrement ceux des tribus du nord n'étaient pas agriculteurs de tempérament, et si le besoin de labourer et de labourer quand même n'était pas si profondément ancré chez eux. C'est que le cercle de Djelfa possède d'excellents terrains de labour, pouvant donner de gros rendements quand l'année est favorable. Dans la région, une série de mauvaises récoltes ne découragent pas l'indigène, que sa foi d'agriculteur soutient et qui espère toujours une réussite meilleure vienne une bonne année, qu'en mai et juin une pluie bienfaisante fasse gonfler les épis, et le souvenir des années de sécheresse, des champs brûlés par le sirocco est bien vite oublié. Cette persévérance dans les travaux agricoles montre bien que nos indigènes sont ce qu'ils ont toujours été, pasteurs d'abord, mais agriculteurs aussi. Cela est si vrai que les tribus les plus riches en troupeaux sont aussi celles qui labourent le plus. Le rapport conclut qu'il n'y a rien de changé chez les indigènes du cercle de Djelfa, et que rien ne fait prévoir un changement quelconque. Le très intéressant graphique joint au rapport et qui embrasse une période de 30 ans (1861-1901) (1) confirme cette manière de voir le nombre d'hectares cultivés, qui était de 12,500 en 1870, s'est élevé à 30,000 en 1875, 1890, 1897, mais pour redescendre à 15,000 en 1880, et s'abaisser de nouveau à 13,000 en 1898. Après de grandes oscillations, le point d'arrivée de la courbe est sensiblement le même que le point de départ. Cependant, depuis 1880 (2), d'importants espaces, notamment entre Messad et l'Oued Djedi, ont été défrichés par les Ouled-Oumel-Akhoua et ont rapporté à leurs propriétaires une quantité de céréales presque suffisante à leurs besoins. Les Abbaziz ont également créé des potagers et mis en valeur des terres de culture. Les Ouled-Sidi-Younès cultivent aussi chez eux presque suffisamment de grains pour leur consommation.

Dans l'annexe de Sidi-Aïssa (3), les superficies cultivées oscillent entre 12,000 et 15,000 hectares, augmentant ou diminuant avec les bonnes ou les mauvaises années. Ainsi, l'année agricole 1896-97 ayant été très mauvaise, la superficie labourée en 1897-98 n'est que de 12,559 hectares, tandis qu'au contraire elle est de 15,106 hectares à la suite de la bonne récolte qui a marqué la campagne agricole 1898-99.

Si, dans les territoires sahariens et dans une bonne partie des steppes, l'importance donnée à la culture ne s'est guère accrue, et pour cause, il en est tout autrement à la lisière du Tell et des steppes. Ici, le ton des rapports change, parce qu'on

(1) Nous l'avons prolongé jusqu'à 1905.

(2) Rapp. Djelfa no 2.

(3) Rapp. Sidi-Aïssa n° 1.

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Division d'Alger.. STATISTIQUE DES ANIMAUX AGRICOLES ET DES SUPERFICIES LABOURÉES.. Cercle de Djelfa

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se trouve dans une région où il n'est pas absolument impossible de gagner quelques districts à la culture, sans d'ailleurs se faire trop d'illusions sur l'étendue de ces acquisitions et sur leur caractère passablement précaire.

D'après le rapport de Marnia (1), quand les indigènes ont vu qu'ils pouvaient travailler désormais en toute sécurité et recueillir le fruit de

(1) Rapp. Marnia n° 4. Cf. ci-dessus, p. 100.

leurs travaux en moissonnant leurs récoltes que d'autres venaient autrefois enlever sous leurs yeux, ils ont pris goût à la culture et ils ont étendu leurs labours. Cette extension des labours est une conséquence de l'ordre public que nous avons su assurer. Elle ne peut que s'accroître au fur et à mesure que les indigènes comprendront tout l'intérêt qu'il y a pour eux à ne pas être tributaires des vendeurs ou commerçants et à recueillir sur place et à peu de frais les grains nécessaires aux besoins de la tente, à mesure aussi qu'ils verront le profit et l'augmentation de bien-être que peut donner la vente des grains excédant les réserves de l'année. La récolte de 1901, particulièrement belle, les a encouragés, et ils ont profité du temps essentiellement favorable aux labours et aux semailles pour augmenter considérablement leurs ensemencements.

Dans le cercle de Mécheria (1), les labours prennent une extension remarquable. Le territoire du cercle est assez favorable au développement de la culture; la quantité de pluies annuelles, bien que très inégale, est cependant suffisante pour assurer la venue du grain. Les Hamyan ensemencent environ 2,000 hectares, en parcelles disséminées sur les parcours habituels de chaque tribu. Le rendement n'excède pas généralement 10 quintaux par hectare, les cultivateurs se contentant d'un labour peu profond à la charrue arabe. Cependant, tout fait présager une extension progressive de la superficie des terres labourées. En quelques points du cercle: Messif, AouïnetSidi-Abd-el-Krim, Aïn-Mahla, Feritis, Touadjeur, les indigènes font quelques essais de jardins et de petits ksour tendent à se créer.

Les indigènes du cercle de Géryville (2) ont incontestablement donné une grande extension à leurs labours. Sur les conseils qui leur ont été donnés, ils ont compris qu'ils avaient tout intérêt à chercher à assurer par eux-mêmes leurs besoins en céréales et à cesser d'être tributaires d'autres parties du territoire. Sous ce rapport, malgré les résultats très variables donnés par les récoltes, il y a eu progrès fort sensible, comme en témoigne le tableau suivant :

SUPERFICIES CULTIVÉES (en hectares).

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Les superficies labourées ont donc plus que doublé depuis 1898.

(1) Rapp. Mécheria no 4. Cf. ci-dessus, p. 101.

(2) Rapp. Géryville n° 1.

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