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reconquises, dotées de fontaines nouvelles, des palmeraies créées. De 1856 à 1860, 40 puits forés à une profondeur moyenne de 70 mètres ont fourni 36,000 litres par minute. Les sondages furent. repris en 1873 et donnèrent encore d'heureux résultats. Tout récemment, à Touggourt même (1), un sondage à 182 mètres de profondeur a dégagé trois nappes jaillissantes. Aujourd'hui, le débit représenté par les eaux de 234 puits tubés en fer et de 600 puits tubés en bois par les indigènes s'élève à 492,000 mètres cubes par jour; certains puits donnent de 3 à 4,000 litres par minute. En trente ans, la population et le nombre des palmiers ont doublé dans l'Oued-Rir. Ce qui a été fait jusqu'ici au désert à l'aide de la sonde artésienne (2) montre quels progrès on peut en attendre dans l'avenir.

Mais il faut se garder d'espérances démesurées. D'une part, il est avéré désormais que, dans l'Oued-Rir, le maximum de débit de la nappe artésienne est à peu près atteint et qu'il faut éviter de pratiquer des saignées inutiles en creusant d'autres puits: un nouveau sondage s'alimente aux dépens des sondages existants. D'autre part, on ne peut guère espérer trouver beaucoup de nappes artésiennes aussi abondantes et aussi remarquables que celles de l'Oued-Rir.

A El-Goléa, on a foré depuis 1890 des puits artésiens qui ont donné de très beaux résultats (3). L'extension donnée aux cultures et aux jardins, la fixation des khammès datent de ce moment, comme le prouvent les chiffres suivants (4):

Nombre de jardins :

Avant les puits.
Après...

110

235

(1) Les forages artésiens dans les Territoires du Sud, campagne 1903-1904 (Bull. Afr. franç., 1904, Suppl., p. 343). Cf. Bull. Soc. Géog. Alger, 1904, p. 497. Ann. de Géogr., 1905, p. 189.

(2) Les forages artésiens en Algérie (notice rédigée par ROGER MARTIN, Bull. Off. Algérie, 1903, Suppl. no 2). Cf. RONNA, Les irrigations, t. 1, p. 414. Pour tout ce qui concerne l'irrigation, nous renvoyons au beau livre de JEAN BRUNHES, L'irrigation dans la péninsule ibérique et dans l'Afrique du Nord, in-8°, Paris, 1902, p. 213 et suiv.

(3) LA MARTINIÈRE et LACROIX, Documents sur le Nord-Ouest Africain, Iv, p. 135. Cf. Bull. Soc. Géogr. Alger, 1904, p. 17.

(4) Rapp. El-Goléa no 1.

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Un sondage artésien a récemment réussi à Temassinine(1). Pour le Touat et les oasis du Sud-Ouest, on n'est pas encore fixé sur les résultats à espérer, et on n'a pas encore poussé les sondages à de grandes profondeurs. Toutefois des résultats encourageants ont déjà été obtenus à Foggaret-ez-Zoua, à Insalah, à Tit (Tidikelt) (2) et aux Ouled Mahmoud (Gourara) où une nappe jaillissante a été rencontrée.

Quelques succès sont à enregistrer à Ouargla et dans le Hodna, peu de chose dans les Zahrez, rien n'a été fait dans le bassin des Chotts oranais; on a complètement échoué au Mzab(3):

Les indigènes, conclut le rapport de Chellala (4), sont-ils capables d'augmenter les oasis qui existent, d'en créer de nouvelles ? Ils ne sont pas outillés pour cela, et ils ne sont pas assez riches. C'est à l'autorité française, avec ses moyens perfectionnés, et elle ne le pourra que sur certains points fort restreints, à leur donner de l'eau. Dans ce cas seulement, ils créeront des jardins, ils construiront des huttes dans lesquelles ils viendront passer la partie la plus chaude de l'année; c'est ce qu'il nous a été donné de voir à El-Goléa notamment. Mais, quels que soient leurs efforts, les terrains qu'ils mettront en valeur ne pourront jamais suffire à leurs besoins; ils seront toujours tributaires des régions telliennes ou des Hauts-Plateaux pour se procurer les grains indispensables. Deviendront-ils cultivateurs parce qu'ils auront travaillé une faible parcelle de terrain? S'attacheront-ils à ce sol? Ici encore nous répondrons par la négative, car ce ne sont pas eux qui cultivent, ni qui construisent, jusqu'à présent du moins; ils confient ce soin à leurs serviteurs, des nègres en général, ou bien ils font appel aux ksouriens des oasis sahariennes. Quant à eux, et de tout temps, ils se sont rapprochés de leurs oasis; ils les ont même habitées au moment de la récolte des dattes, et le reste du

(1) Bull. Off. Algérie, 1905, p. 72.

(2) Bull. Afr. fr., 1904, Suppl. p. 345. Sur l'irrigation au Tidikelt, v. Lieutenant BESSET, Bull. Soc. Géogr. d'Alger, 1904, p. 645 et 669.

(3) Bull. Off. Algérie, 1903, Suppl., n° 2, p. 39.

(4) Rapp. Chellala n° 1.

temps ils vivent au loin, transportant leurs tentes au gré de leur fantaisie, de préférence aux environs des points d'eau et des pâturages qui permettent à leurs chameaux de subsister.

Les beaux résultats obtenus par les forages artésiens dans l'Oued-Rir ont peut-être un peu trop fait oublier l'intérêt et la possibilité de mieux utiliser les eaux de surface. Nous n'avons pas à revenir sur ce que nous avons dit déjà, à savoir que la plus grande partie des points d'eau devra toujours être consacrée à l'élevage, et qu'il faudra toujours éviter que les cultures ne viennent interdire aux pasteurs et à leurs troupeaux l'accès et l'utilisation des sources. Il faut ajouter que l'Algérie est beaucoup moins bien partagée que le Turkestan russe par exemple, entouré de chaînes énormes qui nourrissent de puissants cours d'eau, et où l'on estime qu'un cinquième de la surface totale peut être mis en valeur(1). Cependant, dans certaines régions, notamment dans le Hodna, on pourrait probablement étendre beaucoup les cultures irriguées, si les eaux qui descendent des. montagnes dans ce bassin fermé et encaissé étaient utilisées comme à l'époque romaine :

Le seul moyen d'obtenir sûrement des récoltes (2) est d'utiliser les eaux des rivières qui se perdent inutilement dans le chott, en construisant des ouvrages hydrauliques, de grands barrages par exemple. Les indigènes s'en rendent parfaitement compte, ils font ce qu'ils peuvent dans cet ordre d'idées par leurs propres moyens. De son côté, l'administration du pays ne reste pas inactive, et rien qu'à Barika, deux grands barrages déversoirs en maçonnerie ont été construits et permettent d'irriguer des milliers d'hectares. C'est la voie dans laquelle il faut persister pour fixer de plus en plus les indigènes au sol, car ainsi leurs récoltes ne dépendront plus des circonstances atmosphériques, et dans les mauvaises années ils n'auront aucune raison de se disperser de tous côtés pour vivre. Ce sera en outre le seul moyen d'augmenter la variété de leurs cultures, qui dans les terrains non irrigables sont limitées forcément au blé et à l'orge.

A Laghouat, il serait également possible de mieux utiliser les eaux de l'Oued Mzi. Il y a d'ailleurs progrès de la culture dans cette localité. Une oasis se compose en général, comme on

(1) ED. BLANC, Ann. de Géogr., 1894, p. 349.

(2) Rapp. Barika n° 1.

sait, de deux zones concentriques : l'une, le noyau en quelque sorte, irrigué d'une manière permanente et occupé par des palmeraies; l'autre, qui reçoit de l'eau seulement dans les bonnes années et où l'on cultive des céréales: c'est cette dernière zone qui, à Laghouat, tend à se développer et à s'étendre le long de l'Oued Mzi.

« En Algérie, dit Jules Duval, c'est l'eau qui est la principale cause de stabilité. Que les nouveaux conquérants de l'Algérie construisent des barrages, creusent des canaux et des aqueducs, élèvent des fontaines, recherchent les. sources, qu'ils concèdent ou vendent le sol en toute propriété, qu'ils en garantissent la paisible jouissance, condition qui manquait sous les Turcs et entretenait la vie nomade, et la répulsion prétendue de la race arabe contre toute civilisation sédentaire s'évanouira comme un mirage. >>

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Les terrains irrigués d'une manière permanente sont appelés el-hai, c'est-à-dire vivants. Une autre catégorie comprend les terres qui ne sont arrosées que par les crues, soit qu'il s'agisse du surplus laissé par les barrages, soit qu'il s'agisse de rivières qui ne coulent que rarement, par exemple à la bordure sud de l'Aurès. Ces terres d'alluvions sont d'une fertilité vraiment prodigieuse et produisent des moissons admirables quand il pleut. Elles portent des noms divers; on les appelle djelf (plur. djelaf) (2); ils sont quelquefois nommés enfida, safel. Ailleurs, leur équivalent est fourni par les maders et les daïas. Ce sont en somme tous les bas-fonds ou terrains à proximité des oueds temporairement inondés, et où les indigènes s'empressent de répandre la semence lorsque l'abondance des pluies le permet. On connaît la belle scène de labourage dans les maders de l'Oued-Dra qu'a décrite de Foucauld (3). On peut observer des faits analogues dans le Sud

(1) Bull. Soc. Géogr. Paris, 1865, juillet-août, p. 100.

(2) VILLOT, p. 341. VAISSIÈRE, Les Ouled-Rechaïch, p. 6. DE LARTIGUE, Monographie de l'Aurès, p. 439. FÉLIU, Le régime des eaux dans le Sahara constantinois, in-8°, Blida, 1896.

(3) DE FOUCAULD, Reconnaissance au Maroc, p. 148.

algérien, mais sur des superficies beaucoup moindres. Jusque chez les Touareg, les bas-fonds alluvionnaires, appelés arrems, sont cultivés toutes les fois que la chose est possible). Les labours dans les maders ne peuvent être exécutés que dans les rares années où les pluies sont abondantes en automne et au commencement de l'hiver. Si le printemps est sec, la récolte rembourse à peine la semence; si au contraire les pluies sont trop abondantes, la récolte peut être détruite par les crues des oueds.

Quant aux terrains bour (2), c'est-à-dire qui ne sont arrosés que par les pluies, les chances à courir sont encore plus grandes. Au sud de l'Atlas Saharien, la culture de ces terrains est, comme le dit très bien un des rapports, un véritable billet de loterie. Il en est souvent de même dans les steppes, et c'est seulement à la lisière du Tell que les conditions deviennent plus favorables.

Il faut nous demander si les cultures sont en progrès dans les régions méridionales de l'Algérie, et interroger sur ce point les rapports des cercles et annexes :

Dans l'annexe de Ghardaïa (3), l'année 1901 a été marquée par des pluies plus abondantes que d'habitude; aussi les Chaanba ont-ils labouré et ensemencé d'assez grandes surfaces de terrain, soit par eux-mêmes, soit en s'associant aux Mozabites (dans les oueds Kebch et Settafa). Mais ce ne sont là que des faits passagers, qui cesseront avec la période des pluies et qui ne résultent pas d'un changement quelconque dans les mœurs des indigènes. Avec les années de sécheresse, la superficie des emblavures redeviendra ce qu'elle était pendant les années qui ont précédé 1901. Les seuls terrains labourables sont ceux qui se trouvent dans le lit des oueds, et les indigènes les laissent en friche pendant les années de sécheresse.

Dans le cercle de Touggourt (4), les Ftaït, les Ouled-Moulet, qui estivent dans le Tell, cultivent quelques céréales dans les maders de la partie nord du cercle. En 1901, par suite d'un automne exception

(1) Sur la culture chez les Touareg, v. FOUREAU, E.-F. GAUTIER, LAPERRINE (Bull. Afr. franç., 1904, Suppl., p. 208; 1905, p. 41).

(2) D'après FÉRAUD (Rec. de Constantine, 1864, p. 264 et suiv.), chez les Abd-en-Nour, on distingue le bour, terrain qui n'a jamais été labouré; le meskouk, terrain labouré jadis mais abandonné depuis plus de huit ans; l'atil, terre abandonnée depuis moins de quatre ans ; le ksib, terre labourée l'année d'avant.

(3) Rapp. Ghardaïa no 1.

(4) Rapp. Touggourt n° 1. Cf. ci-dessus, p. 106.

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