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l'Argentine (1). On employa d'abord un fil de fer lourd, peu résistant, fort cher. La découverte de Bessemer permit d'employer de l'acier léger, d'augmenter la résistance en diminuant le poids et la dépense. Il est passé à la douane, de ce fil d'acier, de quoi faire huit fois le tour de la terre. La clôture extérieure marque les limites des propriétés, empêche les mélanges avec les troupeaux voisins; les divisions intérieures permettent de subdiviser le domaine en pâtures de 200 hectares chacune, de classer les divers éléments du troupeau, de donner à chacun les soins spéciaux qu'il requiert. La dépense de premier établissement est considérable. Pour un domaine de 8,000 hectares, ce qui est dans l'Ouest et le Sud une étendue normale, il faudra dresser 40 kilomètres de clôtures extérieures, autant pour les subdivisions intérieures. Le prix de revient est d'environ 20 francs par hectare.

En Australie (2), on parque les moutons par milliers dans d'immenses enclos de palissades et de fils métalliques où ils cherchent leur pâture en liberté, sans bergers ni chiens. Ces enclos sont disposés par groupes de trois ou quatre autour d'une source, d'un puits, d'une citerne, où des pompes mues par des moulins à vent puisent, pour la distribuer dans de grandes auges, l'eau nécessaire à abreuver les moutons. De loin en loin, on construit une hutte dans laquelle un surveillant vit seul avec sa Bible, son accordéon, sa pipe et un ou deux chevaux, qu'il monte pour faire sa ronde autour des clôtures. Au centre s'élève la maison de l'intendant général, faite de planches, couverte de fer galvanisé, entourée par d'autres constructions de bois blanc et de tôle, la remise des voitures, l'écurie (parfois simplement un enclos), le grand hangar où les tondeurs ambulants viendront opérer pendant la saison. Tel est l'aspect habituel de la station à moutons. Elle s'étend parfois sur plusieurs centaines de kilomètres carrés, comprenant des plaines, des montagnes, des marais salés et des creeks, avec 80 à 100,000 bêtes, et seulement 18 à 20 habitants à demeure.

(1) EMILE DAIREAUX, L'élevage dans l'Argentine (Revue de Paris, 1" août 1903, p. 648-672).

(2) A. MÉTIN, Législation ouvrière et sociale en Australie et en NouvelleZélande, p. 17, et les autres ouvrages cités plus haut, p. 61.

<< Peut-être, dit M. Paul Leroy-Beaulieu (1), pourrait-on imiter l'Australie en clôturant avec des fils de fer de grands espaces, dans la vallée du Chélif par exemple. » Mais les terres louées en Australie, grandes parfois comme un de nos départements, sont des public lands. Le domaine public en Algérie ne dispose pas de superficies semblables; le régime de la propriété, les droits de jouissance des indigènes paraissent rendre bien difficiles des opérations de ce genre. Les conditions naturelles et climatiques, non moins que les conditions sociales, diffèrent de celles de l'Australie, et ne paraissent guère propices à une entreprise pareille. Peut-être pourrait-on cependant tenter une expérience sur un terrain restreint et bien choisi, par exemple au sud de l'Ouarsenis ou dans la région d'Aflou.

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Le mouton transhumant reste en plein air sans abri, hiver comme été. Cependant il est souvent ramené la nuit ou au milieu du jour dans le rond des tentes. On recommande bien aux éleveurs de faire rentrer les agneaux sous la tente, mais l'espace manque en général totalement pour le faire. Dans le Sersou, il existe quelques zeribas ou enceintes de pierres sèches pour abriter le bétail (2). Des abris légers en branchages ou en alfa pourraient également être recommandés aux indigènes, et protégeraient les troupeaux contre les intempéries les plus graves. La pluie ne tue pas le mouton; ce qui le fait périr, c'est le vent glacial qui traverse sa laine mouillée. Il faut donc, surtout la nuit, protéger les animaux contre le vent; dans l'annexe de Sidi-Aïssa, sur les conseils de l'autorité locale, les éleveurs commencent à installer, près de leurs tentes ou de leurs gourbis, des parcs à moutons entourés, surtout du côté nord, par des haies épaisses ou zeribas(3), En divers points), des abris rustiques ont été édifiés à peu de frais au moyen de perches délivrées à des prix très réduits par

(1) PAUL LEROY-BEAULIEU, L'Algérie et la Tunisie, p. 101.

(2) JOLY, notes ms.

(3) Rapp. annuel de la division d'Alger, 1901.

(4) Exposé de situation de l'Algérie, 1904, p. 159.

l'administration des forêts et avec le concours de la main-d'œuvre des indigènes intéressés; le revêtement est en diss ou en alfa. On a expérimenté aussi des abris portatifs faits avec des perches et des nattes d'alfa. Dans l'annexe d'Aflou (1), où les troupeaux ne souffrent presque jamais du manque d'eau ou de pâturage, mais du froid, très rigoureux en hiver dans le Djebel-Amour qui est bien la région la plus froide de l'Algérie, la création d'abris pour le bétail représente un besoin très réel, auquel il importe de donner satisfaction dans la mesure du possible. C'est la première amélioration qui s'impose si l'on veut aider au développement de l'élevage du mouton dans ce pays qui possède beaucoup de pâturages, mais situés le plus souvent à de grandes altitudes. Pour la construction de vastes hangars réunissant les conditions de solidité indispensables, on trouverait d'ailleurs les bois nécessaires sur place et en tous cas dans les massifs forestiers qui recouvrent de grandes surfaces dans la partie est de l'annexe.

Dans le cercle de Tiaret (2), plusieurs chefs et notables indigènes ont déjà demandé au général commandant la division d'Oran l'autorisation d'élever des constructions appropriées à l'élevage sur les terrains dont la jouissance leur a été reconnue par les djemaâs. Ces demandes ont reçu satisfaction; il serait à désirer que les nouvelles demandes qui ne tarderont pas à se produire fussent toujours accueillies quand la situation de fortune des indigènes leur permettrait d'édifier des constructions d'une valeur de 10,000 francs au moins.

Dans le cercle de Boghar et principalement dans la tribu des Sahari-Ouled-Brahim, des hangars-abris d'un modèle pratique sont expérimentés. D'autres vont être installés dans le cercle de Bou-Saâda (3).

Divers types de hangars sont étudiés dans un rapport du cercle de Khenchela. La dépense par abri est évaluée à 550 francs environ. Un abri de 10 mètres sur 3 peut couvrir 60 moutons. Il y en a 100,000 dans le cercle de Khenchela: il faudrait donc

(1) Pays du Mouton, p. 271.

(2) Rapp. Tiaret n° 1.

(3) Rapp. annuel division d'Alger, 1904.

(4) Rapp. du capitaine BIGEARD du 14 avril 1904. Nous donnons ce rapport en appendice.

construire 16 kilomètres d'abris, ce qui est un peu effrayant. Cependant il y a un commencement à tout, et dès 1904 on a construit en Algérie 2,055 hangars-abris.

Quels résultats donneront ces constructions? Les avis sont assez partagés. « L'indigène transhumant, dit M. Couput (1), ne peut faire des abris sur des pâturages où il ne doit rester que quelque temps et qui ne lui appartiennent du reste pas. »> Peut-être la question doit-elle être résolue par une distinction : c'est seulement dans quelques districts comme Aflou, Khenchela, où les moutons ne souffrent presque jamais du manque d'eau et de pâturage, mais du froid, que les abris donneront des résultats. Il sera toujours bien difficile d'abriter des troupeaux de plusieurs centaines de mille têtes, d'autant plus qu'ils seront trop souvent éloignés des abris lors du mauvais temps, ou bien s'y présenteront en trop grand nombre (2).

La construction des abris effectuée, le plus difficile n'est pas fait; il faut procéder à la constitution d'approvisionnements de fourrages destinés à la nourriture des troupeaux. Or, quelle provision rassembler pour une période de stabulation qui peut varier de quinze jours à trois mois? « Le nomade (3) ne peut faire de provisions pour l'alimentation de ses troupeaux, parce qu'il vit dans des régions à pâturages et non à production fourragère; même dans le cas où il lui serait possible de faire des approvisionnements, comment arriverait-il à les utiliser, lùi qui est obligé d'aller dans le Nord ou de retourner dans le Sud pour fuir les rigueurs de l'hiver et pour chercher l'eau indispensable à son existence? >>

Il n'y a pas en général en Algérie de prairies fauchables. Sur quelques points seulement, il serait possible d'obtenir par l'irrigation de véritables prairies naturelles, comme celles, par exemple, qui entourent le poste d'Aflou. Dans le Djebel-Amour, il serait facile d'augmenter ces richesses. Presque toutes les petites rivières ont constamment de l'eau, même pendant la saison chaude. De simples barrages de dérivation, établis en

(1) COUPUT, p. 58.
(2) JOLY, notes ms.

(3) COUPUT, p. 58.

(4) Pays du Mouton, p. 269 et 270.

des points bien choisis, permettraient d'arroser de grandes étendues de terrain et de les transformer en prairies permanentes. Les eaux de l'oued Berkane et de l'oued Sebgague notamment pourraient servir à créer des pâturages de premier ordre, sans dépenses trop élevées.

Des prairies analogues pourraient certainement être créées dans d'autres districts. Dans l'annexe de Chellala, par exemple (1), il serait possible d'assainir et de transformer en prairies de grands marécages qui se trouvent dans certaines tribus et offrent déjà des pacages permanents, mais uniquement composés de joncs et de roseaux et où les moutons contractent des maladies infectieuses. La vallée de l'Ouerq, les sources de Taguin pourraient, si elles étaient l'objet de travaux bien compris, fournir dans les années sèches des pâturages abondants et sains et nourrir un grand nombre d'animaux que leurs propriétaires sont obligés d'envoyer dans d'autres contrées ou de vendre à vil prix.

Par l'ensilage en vert des fourrages, on peut arriver à constituer à la lisière du Tell un approvisionnement d'aliments humides pour l'été. M. Huguier (2) a dressé une liste des plantes cultivables ou utilisables susceptibles de remédier à la pénurie fourragère céréales en vert, fèves, sainfoin, cactus inerme, arbustes de la brousse, dattes, feuilles d'olivier, caroubes, etc. Mais la plupart de ces ressources font défaut dans la steppe et ne peuvent guère s'y développer.

On suggère enfin de faire des provisions de paille et d'alfa mis en meule. Le rapport du cercle de Khenchela propose de constituer un approvisionnement de 20 quintaux pour 100 moutons, soit 20,000 quintaux pour 100,000 moutons. On aurait 15,000 quintaux d'alfa pour 5,000 quintaux de paille. Mais les chaumes des céréales sont déjà utilisés sur pied comme pâturages d'été, et d'ailleurs, dans les mauvaises années, il n'y en a presque point (3), Quant à l'alfa, il n'y faut pas trop compter : « Serait-il possible, disent MM. Mathieu et Trabut (4), de faucher au printemps des

(1) Pays du Mouton, p. 46.

(2) HUGUIER, Bull. Dir. Agric. Tunis, 1903, p. 460; MATHIEU et TRABUT, p. 83; Bull. Com. Agric. de Batna, 1903, no 20, p. 212, 1904, n° 33, p. 14. (3) Rapp. comm. m. Aïn-Touta.

(4) MATHIEU et TRABUT, p. 44.

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