Images de page
PDF
ePub
[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]
[blocks in formation]

L'ochographe Do be carte de MM. carotte et Warnier a its conservée.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

LIMITE DU TELL

d'après la Carte de MM.E.Carette et Aug.Warnier (1846) et d'après le Décret du 20 Février 1873

Échelle : 16.000.000

donnent au Sahara un aspect différent de celui qu'il offre à Brezina ou à Laghouat. Le Tell, en somme, va jusqu'à Biskra ; il a 240 kilomètres de large au lieu de 120 dans les provinces d'Oran et d'Alger(1). Cet émiettement des contrastes, joint à l'ébrèchement de l'Atlas Saharien entre les monts des OuledNayl et l'Aurès, a eu, comme on le verra, des conséquences économiques très remarquables, et c'est en partie grâce à ce trait de la géographie physique que les grands nomades du Sud constantinois se sont trouvés invités à remonter très haut dans le Tell, jusque vers Châteaudun, Saint-Arnaud, même La Calle.

En Tunisie enfin, les plaines basses de la Byzacène, qui bordent la mer orientale, forment le passage presque insensible entre le Tell et le Sahara. Bien qu'elles ne retirent pas grand bénéfice au point de vue des pluies de la mer à laquelle elles confinent, il y a cependant là une région sans analogue en Algérie. La région comprise entre la chaîne du Zaghouan et les chotts est une région mixte, pour laquelle M. Bonnet, en 1895, proposait le nom de région subsaharienne (2). La steppe commence bien si l'on veut au sud de la dorsale tunisienne, et les environs de Kairouan ne diffèrent guère de ceux de Bou-Guezoul, moins l'altitude. Mais les olivettes de Sousse et de Sfax prolongent ici les cultures, qui ne deviennent tout à fait impossibles qu'au sud de la ligne Sfax-Gafsa. Encore pourrait-on invoquer les incomparables oasis du Djerid, les centres mi-maritimes et mi-sahariens comme Gabès et Djerba, pour prolonger plus encore le pays des fellahs et le faire descendre, comme à Biskra, jusqu'au pied de l'Atlas Saharien. Le Tell et la steppe, la plaine et la montagne se juxtaposent, en Tunisie, comme les cases d'un damier (3). Aussi la Tunisie ignore-t-elle les grands nomades et les grandes migrations; comme dans la province de Constantine, le brassage des nomades et des sédentaires, leur mélange plus intime que dans l'Algérie occidentale sont une conséquence de la géographie physique.

Ce sont donc bien les facteurs géographiques qui sont au premier plan parmi les causes du nomadisme dans l'Afrique

(1) Exposé des motifs du Sénatus-Consulte de 1863, p. 38.

(2) HUA, dans La Tunisie au XX siècle, in-8°, Paris, 1904, p. 80. Cf. H. SCHIRMER, Le Sahara, p. 94.

(3) MONCHICOURT, contrôleur civil à Tunis, notes ms.

du Nord. Cependant les facteurs historiques ont pu faire reculer la limite des cultures, faire avancer le domaine de la steppe et des pasteurs. Dans quelle mesure ? C'est ce qu'il faudrait essayer de déterminer.

III

Une erreur traditionnelle et à peu près indéracinable à ce qu'il semble consiste à croire que tous les Berbères sont sédentaires et tous les Arabes nomades. Il est presque superflu de citer des exemples de cette façon de voir; on peut ouvrir au hasard un ouvrage traitant de l'Algérie, partout l'Arabe veut dire le nomade. « Née dans les déserts de l'Arabie d'Asie, dit M. Ferdinand Barrot (1), partout où elle s'est portée, cette race a fait le désert autour d'elle. C'est elle qui, en dehors des villes où tenaient encore les anciennes races, a effacé sous ses pas les derniers vestiges de la civilisation romaine. Il y a 6,000 ans que cette race fuit devant la civilisation ; elle est restée ce qu'elle était aux temps antiques de la Bible, immobile dans ses coutumes, endormie dans sa barbarie. » Cette erreur s'explique jusqu'à un certain point par l'uniformité du tableau ethnographique que présentent les nomades, uniformité qui, dit Ratzel (2), fait songer à celle de la steppe. Tous les nomades de l'Afrique du Nord sont qualifiés d'Arabes, par opposition aux Berbères, de même que tous les nomades de l'Asie centrale sont devenus Mongols, quelle que soit leur origine, les cultivateurs étant regardés comme Aryens ou Chinois (3),

Un instant de réflexion suffit cependant à montrer que ce ne sont pas les Arabes qui ont introduit la vie nomade dans l'Afrique septentrionale. Les Touareg, qui sont les plus nomades de tous les nomades, parlent effectivement des dialectes berbères, « Le Berbère"), naturellement sédentaire dans les montagnes

(1) Dans la discussion sur le Sénatus-Consulte de 1863 (Statistique et documents relatifs au Sénatus-Consulte, Paris, Imp. imp., 1863, p. 158). (2) RATZEL, Politische Geographie, p. 73.

(3) VAMBÉRY, Das Türkenvolk, 1885, p. 171. (4) H. SCHIRMER, Le Sahara, p. 267.

de l'Atlas, est non moins naturellement nomade dans les pays qui comportent peu ou point de cultures. Le Zenaga qui erre entre le Sénégal et l'Adrar, le Touareg qui parcourt le Sahara central, l'Ourghamma qui maraude sur les confins de la Tripolitaine, sont des Berbères. Ces gens qui ne travaillent pas, qui n'ont pas de maison, qui ne s'attachent pas à la terre, sont les frères des Kabyles qui ont couronné de villages toutes les crêtes de leurs montagnes, et dont le labeur obstiné n'a laissé inculte aucun arpent de leurs vallons. » Ibn Khaldoun (1) parle à maintes reprises de Berbères nomades, qu'il oppose aux Berbères sédentaires et rapproche au contraire des Arabes. On ne saurait récuser cette affirmation formelle et précise du grand historien; elle suffit à elle seule à détruire toutes les théories politiques et économiques que l'on bâtit si volontiers sur l'opposition entre l'Arabe nomade et le Berbère sédentaire.

Les témoignages de l'antiquité, assez vagues et difficiles à interpréter si l'on cherche à préciser les régions et les populations auxquelles ils s'appliquent, sont du moins unanimes sur ce point qu'une partie des indigènes de l'Afrique du Nord a toujours mené la vie nomade. Du texte d'Ibn Khaldoun il convient de rapprocher le mot si singulier de Strabon, que les indigènes de l'Afrique du Nord ressemblent beaucoup aux Arabes nomades (2). « Au commencement, dit Salluste dans un passage célèbre (3), l'Afrique fut habitée par les Gétules et les Libyens, peuples grossiers et incultes ; ils se nourrissaient, comme les bêtes, de la chair des animaux et de l'herbe des champs; ni mœurs, ni lois, ni chefs, ils allaient devant eux sans foyers ni maisons, s'arrêtant où les surprenait la nuit. » Ce tableau est en partie fantaisiste. Les premiers habitants de l'Afrique du Nord ne semblent pas s'être beaucoup déplacés). Ils vivaient dans des grottes, des abris sous roches, séjournant sans doute au bord des grands cours d'eau sahariens, où la chasse et la pêche leur

(1) IBN KHALDOUN, Prolégomènes, trad. de Slane, in-4°, Paris, 1863, p. 255256; id., Histoire des Berbères, trad. fr., I, p. 167.

(2) STRABON, 1. xvII, la Libye (trad. fr. TARDIEU, t. III, p. 486).

(3) SALL., Jug., ch. 17.

(4) S. GSELL, L'Algérie dans l'antiquité, 2′ édition, in-18, Alger, 1903, p. 11. M. Stéphane Gsell a bien voulu revoir ces quelques indications relatives aux nomades dans l'antiquité; nous lui en exprimons tous nos remerciements.

fournissaient la subsistance. Plus tard seulement sans doute, ils acquirent les animaux domestiques, le boeuf, le mouton, la chèvre, l'àne et le cheval. Ils n'habitaient pas des tentes, mais des logements portatifs faits de roseaux tressés avec des branches de lentisques et traînés par des chariots; ces logements sont les mapalia décrits par Hérodote (1).

D'après Hérodote, l'Afrique du Nord, de son temps comme aujourd'hui, se partage en deux régions parallèles à la mer: dans la région littorale habitent les sédentaires, Maxyes; au sud de cette zone sont les nomades (2). Strabon (3) déclare que c'est Masinissa qui le premier façonna les Numides à la vie agricole ; auparavant, ils menaient une vie errante et nomade; c'est même là ce qui a fait donner aux Masaesyles et aux Massyles la dénomination de Numides. Toute l'antiquité a cru, comme Strabon, que le nom de Numides venait de Nomades (4). Pomponius Mela (5) nous montre les indigènes de l'intérieur se déplaçant avec leurs troupeaux à la recherche des pâturages. Virgile (6) décrit en beaux vers le berger africain qui emmène avec lui son chien, ses armes, sa maison, ses troupeaux, et s'enfonce dans la solitude, qu'il parcourt des mois entiers sans y trouver aucune demeure hospitalière, tant le désert est immense. Il est inutile de multiplier les témoignages pour montrer que ce n'est pas l'invasion arabe qui a introduit la vie nomade dans l'Afrique du Nord.

Pendant les périodes de calme et de prospérité, comme furent les trois siècles de la domination romaine, il y eut certainement recul du nomadisme et l'agriculture gagna du terrain. On nous dit que Masinissa tenta d'arracher les indigènes à leur vie vaga

(1) Herodote, iv, 186. Sur le bœuf comme animal de trait dans l'Afrique ancienne, v. HAHN, Haustiere, p. 105 et 119.

(2) TISSOT, Géographie comparée de la province romaine d'Afrique, Paris, Imp. nat., 1884-88, 1, p. 437 et 444.

(3) STRABON, 1. XVII (trad. TARDIEU, t. III, p. 482).

(4) Numidæ vero nomades, dit Pline, a permutandis pabulis (PLINE, 1. v, ch. III).

(5) POMPONIUS MELA, 1, 8. Interiores etiam incultius, sequuntur vagi pecora ; utque a pabulo ducta sunt, ità se ac tuguria sua promovent: atque uti dies deficit, ibi noctem agunt.

(6) VIRGILE, Georg, III, 343. Cf. G. BOISSIER, L'Afrique romaine, in-18, Paris, 1895, p. 132. Ces vers de Virgile ont servi d'épigraphe au Pays du Mouton.

« PrécédentContinuer »