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L'augmentation de 1901 est plus apparente que réelle ; elle est due en effet en grande partie à l'adoption de bases nouvelles pour la statistique. Le recensement a compris tous les agneaux au-dessus d'un mois qui ne figuraient pas dans les relevés fournis pour les années précédentes (1). Les statistiques

(1) Proc.-verb. Cons. supérieur, 1903, p. 375.

de 1902 et 1903 constatent une augmentation plus réelle. Mais en 1904 et 1905 le défaut de pâturages, par suite de pluies tardives, et les hivers très rigoureux ont fait périr dans certaines régions la presque totalité des agneaux d'automne et une grande partie des adultes, surtout les mères, épuisées par l'allaitement.

On a depuis longtemps recherché et indiqué les causes des variations extrêmes du troupeau ovin dans l'Afrique du Nord. La principale est la sécheresse; il faut y joindre les froids inopportuns, les épizooties, et, dans le passé tout au moins, les insurrections. Les moutons meurent surtout en hiver, par le froid, les tempêtes de neige, et au printemps, lorsque les pâturages manquent aux animaux déjà fatigués par l'hiver (2).

On a aussi incriminé l'exportation; elle peut être augmentée par deux causes très différentes, et en apparence même opposées : des prix rémunérateurs sur le marché d'exportation ou la misère et les mauvaises conditions météorologiques qui forcent les éleveurs à se défaire d'une partie de leur cheptel. C'est une erreur de voir dans l'exportation exagérée la principale cause de diminution du troupeau ovin. Ce qui le prouve, c'est que, quel que soit le chiffre atteint par l'exportation des moutons, le nombre de ces derniers a diminué ou augmenté en même temps que le nombre des chèvres. Or, comme le chiffre d'exportation des chèvres est à peu près nul, on doit en conclure que le motif des accroissements et des diminutions doit être cherché dans les circonstances météorologiques (3). Une série de bonnes années amène toujours l'augmentation du nombre des animaux ; par contre, chèvres et moutons diminuent en même temps que la production des céréales, qui suit toujours à peu près la même courbe que l'abondance des pâturages. Une exportation exagérée peut être causée par une année de disette et de froid, ordinairement suivie par une mortalité élevée. Mais cette diminution n'est pas elle-même la cause de la diminution constatée, car les animaux expédiés seraient simplement morts de faim si on avait empêché leur départ). Cependant, une mesure salutaire, prise en

(1) Pays du Mouton, p. 112.

(2) JOLY, notes ms.

(3) COUPUT, p. 18.

(4) COUPUT, p. 16.

1904, consiste à interdire l'exportation des brebis du 15 août au 31 décembre.

L'Afrique du Nord est le pays des vaches grasses et des vaches maigres, et on ne peut espérer supprimer ces énormes oscillations du cheptel, qui, comme celles des récoltes, sont communes à tous les pays méditerranéens, voire même à toutes les régions subtropicales et tiennent au climat même de ces contrées. Tout au plus peut-on espérer réduire et modérer ces oscillations dans une certaine mesure par quelques améliorations appropriées.

A côté des diminutions temporaires et accidentelles, il existe dans les troupeaux des nomades une diminution qui paraît avoir un caractère permanent et durable. En décomposant les chiffres des troupeaux par commune et par arrondissement, on voit que la diminution a porté surtout sur les troupeaux transhumants, diminution telle qu'elle a atteint dans certains cas ou même dépassé 50 p. 100 du total, tandis que, là où la transhumance n'existe pas, les effectifs sont restés stationnaires ou ont même augmenté. De 1889 à 1899, dans le département d'Oran, la diminution est de 35 p. 100 sur les moutons et de 60 p. 100 sur les chèvres en territoire militaire, de 5 p. 100 seulement en territoire civil; il y a diminution du cheptel en territoire civil chez les troupeaux qui transhument (Tiaret 30 p. 100, Télagh 50 p. 100, Remchi 50 p. 100, Sebdou 30 p. 100, Saïda 18 p. 100, Cacherou 20 p. 100, Frenda 15 p. 100), augmentation dans les communes où ils ne transhument pas (Ammi-Moussa, l'Hillil, Mascara). Dans le département d'Alger, la diminution est aussi de près de 50 p. 100 en territoire militaire (1,004,000 sur 2,216,000; tandis qu'elle n'est que de 10 p. 100 environ en territoire civil; encore dans ce dernier territoire les pertes n'ontelles atteint que les communes où une partie des indigènes sont nomades, comme Teniet, Berrouaghia, Boghar, Aïn-Bessem, Aumale, tandis que nous voyons le cheptel, moutons et chèvres, augmenter d'une façon très sensible dans les communes où l'on ne pratique pas la transhumance. Dans le département de Constantine, les troupeaux transhumants ont été également les seuls éprouvés les territoires militaires d'abord, puis les arrondissements de Sétif, de Batna, de Constantine, tandis que les arrondissements de Bône et de Bougie sont stationnaires ou en augmentation. Il y a eu, il est vrai, une reprise en 1902; on constate

cette année-là une augmentation de 500,000 moutons en territoire militaire, de 160,000 seulement en territoire civil, mais cette augmentation paraît avoir été reperdue depuis. Le centre de gravité, le Schwerpunkt de l'élevage du mouton s'est donc déplacé vers le Tell. Comme le dit très bien M. Couput (1), « cette diminution si considérable des troupeaux nomades pendant une période qui n'offre pas de grandes sécheresses, pendant laquelle il y a même eu quelques récoltes abondantes, ne peut s'expliquer que par les changements survenus dans leurs conditions d'existence changements dont les deux plus importants sont d'un côté la constitution de la propriété individuelle dans le Sud tellien, ce a qui diminué d'une façon très sensible les anciens parcours d'été, de l'autre la mise en défens des forêts, qui, malgré toute la bienveillance de l'administration, ne peuvent être ouvertes qu'en partie, même pendant les années les plus sèches ».

Nous sommes ainsi ramenés à l'antinomie qui fait le fonds même de l'histoire et de la géographie de l'Algérie, celle du pasteur et de l'agriculteur, antinomie qui, nous l'avons dit, n'est pas susceptible de solution générale et unique, mais de conciliations partielles et locales. Dans tous les pays de grande industrie pastorale, Australie, Etats-Unis, Argentine, on constate ce même recul de l'élevage extensif devant l'agriculture, et il y a lieu de s'en féliciter toutes les fois que l'agriculture est possible. En Australie, le troupeau ovin, qui atteignait 124 millions de têtes en 1891, a été réduit dans ces dernières années à 73 millions (2). Dans l'Argentine, le nombre des animaux de race ovine diminue depuis quelques années; aucun recensement général n'a été effectué depuis huit ans, mais la décroissance de l'élevage est un fait notoire confirmé par les statistiques d'exportation (3). L'élevage entrait en 1872 pour 75 p. 100 dans l'exportation totale de l'Argentine; en 1875, sa part n'était plus que de 39 p. 100 et celle de l'agriculture montait à 39 p. 100. Aujourd'hui, ce sont les produits agricoles qui ont pris la première place, 57 p. 100 de l'exportation totale (4).

(1) COUPUT, p. 51.

(2) PIERRE LERoy-Beaulieu, Les nouvelles sociétés anglo-saxonnes, in−18, Paris, 1904, p. 80-100. Cf. Débats, 3 novembre 1904.

(3) Bull. Off. Algérie, 15 juillet 1904, p. 213.

(4) A. PAVLOVSKI, Les progrès de la République Argentine (Bull. Soc. Géog. comm., 1906, p. 88).

Cependant M. Paul Leroy-Beaulieu pense que l'Algérie et la Tunisie pourraient nourrir un nombre de moutons bien supérieur à celui qu'elles ont : « Si l'on considère, dit-il1), la plus misérable, la plus mal douée de la nature de toutes les colonies australiennes, l'Australie de l'Ouest, on la trouve, pour le cheptel, en avance sur la Tunisie, qui l'emporte cependant de beaucoup sur elle pour le sol et le climat. En 1893 en effet, et les mines d'or en cette année n'y avaient pas encore pris un grand développement, l'Australie de l'Ouest... possédait 2,220,000 moutons. Toute compensation faite, le cheptel de cette chétive colonie anglo-saxonne, perdue dans une sorte de désert, est plutôt supérieur à celui de l'ancienne province romaine d'Afrique ». Mais M. Paul Leroy-Beaulieu s'est peut-être trop hâté de conclure. D'après MM. Mathieu et Trabut (2), lorsqu'on estime que la production des bêtes ovines sur les Hants-Plateaux pourrait être sextuplée, d'autres disent décuplée, on ne tient pas un compte suffisant des faits. Le climat des Hauts-Plateaux, du moins dans l'Oranie, n'est pas celui de l'Australie, et se rapprocherait plutôt du climat des steppes transcaspiennes, où le mode d'exploitation des nomades du Turkestan ressemble beaucoup à celui des nomades de l'Afrique du Nord. En tout cas, si l'on peut espérer accroître en qualité et en quantité la richesse ovine de l'Afrique du Nord, ce n'est pas en accroissant les surfaces dont elle dispose, mais en utilisant mieux celles qui lui sont dévolues.

II

Le problème est en effet le suivant. Sous l'influence de causes diverses, l'espace réservé à l'élevage transhumant lui est disputé par la culture européenne ou indigène, par la reconstitution de la forêt, et tend à se réduire. N'est-il pas possible de mieux tirer parti de ce qui reste, de manière à ce que l'industrie pastorale, qui est une des grandes richesses de l'Algérie, ne souffre pas trop du nouvel état de choses? N'est-il pas possible, sur cet espace réduit, de nourrir, grâce à certaines améliorations, une

(1) PAUL LEROY-BEAULIEU, L'Algérie et la Tunisie, p. 415.

(2) MATHIEU et TRABUT, Les Hauts-Plateaux oranais, p. 42-43.

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